GRAND AVIGNON Eau : le préfet demande des comptes à Suez et à l’Agglo, « une victoire » pour le collectif de l’eau
Pour le collectif de l’eau du Grand Avignon, qui dénonce des « irrégularités » dans la gestion de l’eau par la filiale de Suez, Eau Grand Avignon, dans l’Agglo vaucluso-gardoise, c’est une petite victoire.
Le collectif a en effet été destinataire de plusieurs courriers adressés par la préfecture du Vaucluse à l’Agglo du Grand Avignon concernant des faits dénoncés par l’association. En tête de pont, la facture adressée début 2021 à 23 460 usagers, dont ceux des communes gardoises de l’Agglo, qui comportait la même consommation pour tout le monde : 19 m3.
La raison en est simple, explique Eau Grand Avignon : « Lors de la première facturation du premier semestre 2021 (pour rappel, il y a deux factures par an), il fallait privilégier l’initiation de la relation client en lançant une facturation rapide, sans attendre une relève de tous les compteurs. » Relève qui est actuellement en train de s’achever, affirme le délégataire. Quant aux 19 m3, « ce calcul est réalisé sur la base de la consommation moyenne d’un foyer français (c’est aussi la moyenne de consommation des usagers de ces 7 communes) : soit 120 m3 par an, ramenés à 19 m3 pour la période de janvier + février. Eau Grand Avignon a choisi cette méthode de calcul pour éviter de superposer trop d’estimations les unes sur les autres. »
Seulement voilà, la préfecture de Vaucluse relève dans un courrier du 5 août dernier que « ce mode de calcul n’apparaît nulle part dans le règlement de service, document contractuel qui fixe dans le détail les obligations respectives du service des eaux et des abonnés. » Plus loin il est rappelé que « cette estimation a vocation à être individuelle », or dans le cas d’espèce, les 23 460 factures sont identiques. « Le montant uniforme facturé par Suez est inéquitable et porte préjudice aux abonnés », estiment les services de l’État.
Dans un deuxième courrier daté du 29 octobre, la préfecture remet le couvert et souligne le problème : « Les factures d’arrêt de compte émises par la Saur pour clôturer les contrats des usagers, ainsi que d’autres factures émises en 2020 pour certains d’entre eux, se fondaient déjà sur la seule estimation de leur consommation », en conséquence de quoi « il n’y a pas de base sûre pour le départ des factures Suez. »
Eau Grand Avignon plaide la bonne foi. Dans un communiqué, le délégataire affirme que « la facture du second semestre sera effectuée sur la base d’un relevé d’index (sauf impossibilité de pouvoir procéder à la relève du compteur). Une régularisation sur la base de la relève du second semestre est en cours. À compter de 2022, le cycle normal de relève reprendra, avec 2 relèves par an. Eau Grand Avignon rappelle par ailleurs qu’en attendant cette seconde facture, les usagers ont pu solliciter le service client en transmettant leur index réel ; les factures étaient alors refaites instantanément. »
Les centimes de la discorde
Autre point relevé par le Collectif de l’eau, puis par la préfecture : des erreurs de calcul sur la TVA. « Si les taux appliqués sont conformes à la règlementation, les montants TTC procèdent à des arrondis systématiquement supérieurs au montant attendu », note la préfecture dans un courrier du 30 novembre dernier. Au final, les usagers ont payé quelques centimes trop cher leur eau. « C’est systématique », dénonce Marcelle Landau du Collectif de l’eau, qui parle carrément d’un « système » installé par Suez aussi sur d’autres délégations de service public de l’eau ailleurs.
« La TVA c’est un faux problème, répond le vice-président du Grand Avignon délégué à l’eau potable et à l’assainissement collectif Patrick Sandevoir. Dans une facture vous avez plusieurs éléments soumis à des TVA différentes, et donc on est obligé d’effectuer le calcul ligne à ligne, si vous faites la TVA sur le total vous avez toujours un écart d’un ou deux centimes, c’est un problème d’arrondi, on ne peut pas faire autrement. » Une explication reprise par Suez, qui affirme que « (sa) pratique est conforme à la réglementation. »
« Cette pratique découle des particularités liées à la facturation en matière d’eau et d’assainissement, poursuit Suez. En effet, pour bien comprendre les raisons de ce calcul par lignes, il faut savoir que Suez est aussi chargé de facturer la prestation pour le compte de l’exploitant assainissement (Véolia) et doit lui reverser la somme TTC. » Reste que dans le courrier du 30 novembre dernier des services de l’État adressé cette fois au Collectif de l’eau, le secrétaire général de la préfecture de Vaucluse indique que « les services de la Direction départementale des finances publiques (lui) ont confirmé les erreurs de calcul sur la TVA. »
En attendant, le Collectif de l’eau, qui demande à ce que « tout soit revu en profondeur et qu’on commence à se poser la question des sanctions », considère ces différents courriers comme « une victoire, la prise en compte du travail citoyen comme une expertise qu’il faut conforter, affirme Joël Raffy, du côté gardois du collectif. Désormais, le Grand Avignon va être obligé de bouger. »
Thierry ALLARD