ARLES EN FERIA Lucky Luque frappe encore et gracie Aldeano
El Juli (silence, silence et applaudissements) et Daniel Luque (oreille, silence et deux oreilles et la queue symboliques) étaient opposés à six toros de trois ganaderias différentes, Alcurrucen, Carmen Lorenzo et Victoriano del Rio (dont un de Cortés).
Lucky Luque... Le chanceux Daniel Luque. Chanceux à plus d'un titre. En effet le natif de Gerena n'était pas prévu au cartel et c'est grâce à la blessure, lors de son solo madrilène, d'Emilio de Justo, que le natif de Gerena a été incorporé au mano a mano du jour. Chanceux, ensuite, parce qu'il est tombé sur une paire de bons toros dont le dernier, Aldeano de chez Victoriano del Rio, qui fut d'une noblesse rare avec un fond de bravoure (ce qui lui a permis d'être gracié). Enfin, Lucky Luque parce que le jeune dégaine plus vite que son hombre. Autant vous dire qu'une fois qu'il avait compris que son ultime toro était celui-là, il a tout fait pour le faire comprendre au palco et au public.
En attendant le dernier de la tarde, c'est El Juli qui a ouvert le bal et qui, à l'issue de son premier duel, a entendu le silence arlésien. Le Madrilène n'a pas fait grand chose pour égayer sa faena qui n'avait ni relief ni intérêt particulier. Le beau toro d'Alcurrucen passait et repassait mais rien ne se passait.
Deuxième chance, deuxième silence pour El Juli qui ne fera guère mieux que lors de sa première opposition... Le toro de Carmen Lorenzo semble dégingandé et se meut bizarrement. La faena de l'Espagnol sera tout de même un cran au-dessus de sa première mais nous sommes loin des standards du maestro. Même son Julipié est défaillant et il doit remettre une épée.
C'est sur son ultime duel qu'El Juli se mettra en évidence. Pourquoi avoir attendu ? Nul autre que lui ne le sait ! Piqué au vif par son compañero de cartel, El Juli a voulu lui montrer, ainsi qu'au public, de quel bois il se chauffait. Hélas il faisait très chaud et le bois fut inutile en telle occasion. Il se pose, prend le temps des capotazos, émet quelques belles ondes, traces quelques belles lignes et embarque son toro dans ses terrains de prédilection. Là aussi le Juli perd les mains et envoie deux épées. Les applaudissements rassurent le diestro qui repart à pied sans rien dans son escarcelle.
Luque, par contre, n'était pas prévu au programme. Quelle chance qu'il soit venu remplacer Emilio de Justo. Un vrai professionnel comme on les aime, sérieux, passionné, amoureux et censé. Première faena et première oreille. On pourrait même dire qu'une deuxième n'aurait pas été des plus choquantes tant l'Andalou s'est montrer sous un beau jour et plein d'assurance et de détails. Son Alcurrucen, timoré au début, est allé à más et a suivi le chemin de Luque. Là aussi deux épées mais la deuxième fut un modèle du genre.
On ne peut pas être parfait tout le temps. C'est le moment ! Et encore... C'est à peine de la faute de Luque qui a mis du temps à comprendre que quelque chose clochait. Le toro de Carmen Lorenzo, encore plus dégingandé que le premier, avait carrément des problèmes de motricité. Problèmes peu problématiques mais quand même... Silence pour Daniel Luque qui ne pouvait pas faire grand chose avec un pareil adversaire.
Enfin, nous y voilà. Comme toujours la grâce va être discutée car elle est discutable. Le toro était bravito sous le fer du picador et noblissime dans la muleta de Luque qui a une vision panoramique ! Oui oui oui ! Il a fait virevolter son opposant qui lui a tourné autour pendant quelques instants alors que le maestro était en pleine série giratoire hypnotique. Toro et tendidos sont forcément sous le charme et l'ambiance monte d'un cran. Luque, toujours au fait de la beauté esthétique, n'a pas oublié de mettre une belle dose de sensualité dans chacun de ses gestes. Il avance, il se replace, il change de main, il met la jambe, il enlève son épée, une fois, deux fois, trois fois. Ses passes ont la précision d'une rafale digne d'un certain cowboy du Far West. Le mouchoir orange met du temps à tomber mais il tombe. Les arènes se soulèvent et regardent Aldeano regagner le toril, vivant. Luque ravit deux oreilles et la queues de manière symbolique.