Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 20.10.2022 - norman-jardin - 5 min  - vu 11120 fois

FAIT DU JOUR À Beauvoisin, imbroglio autour de la route qui n’existe pas...

Désormais un panneau indique que le chemin est privé (photo Norman Jardin)

Le Grand Chemin est en piteux état (photo Norman Jardin)

C’est l’histoire compliquée d’une voie en mauvais état que la municipalité de Beauvoisin voulait faire rénover avant de se rendre compte qu’elle n’existait sur aucune carte. La route en question est en fait un chemin communal qui a débordé sur le territoire de la SNCF et que les automobilistes utilisent depuis des décennies. Les uns pour aller à Nîmes, les autres pour accéder à la déchetterie. Rajoutez à cela un peu de BRL, une pincée de Nîmes métropole, un brin de communauté de communes de Petite Camargue et enfin un soupçon rivalité avec Générac et vous obtenez le "Grand Chemin". L'histoire ne fait que commencer et la route risque d'être longue avant les Beauvoisinois puissent rouler sur cette artère en toute sécurité. 

« Je n’y passe plus, sinon je vais casser ma voiture. » Valentin est catégorique, il ne circulera plus sur cette petite artère qui relie Beauvoisin à Générac. En ce lundi matin, au bar du commerce, on parle des tellines qui sont de plus en plus rares et logiquement de plus en plus chères. Sur le comptoir, les cafés s’enchaînent entre des tickets de Rapido et un journal froissé. Ici, l’une des préoccupations des Beauvoisinois, c’est l’état de cette fameuse route qui leur permet de rejoindre Nîmes en évitant de traverser Générac. Pour les Généracois, c’est celle qui les mènent à la déchèterie - commune aux deux localités - en évitant Beauvoisin.

« À Beauvoisin, on est les Tefles, les intelligents, mais à Générac c’est des Racanels »

« Tout le monde doit se mettre d’accord pour la refaire », estime Gilbert, le pêcheur de Tellines. Cette portion de goudron, qui est longue de tout au plus 500 mètres, fait resurgir la petite rivalité entre les deux communes : « À Beauvoisin on est les Tefles, ça veut dire qu’on est des têtes bien remplies, des ingénieurs, des intelligents, mais à Générac c’est des Racanels. C’est comme ça qu’on les appelle ici », explique un client du bar. Une autre voix, moins diplomatique, se fait entendre : « Tout ce qu’il y a à Générac, c’est de la mer... ! » La petite guerre de clocher ne va pas au-delà des piques verbales et, au fond, on s’aime bien entre voisins. Toutefois, la route pourrait mettre de l’huile sur le feu. « Je ne la prends plus car elle est pourrie », se lamente Philippe, le patron du bar.

Au café du commerce, tout le monde parle du Grand Chemin (photo Norman Jardin)

« Je la prends pour aller à Générac et j’ai déjà cassé deux jantes »

Cette dernière est en piteux état, jonchée de trous, de gravillons et de bosses. L’emprunter s’apparente plus à un slalom qu’à une promenade de santé. D’autant que la circulation est dense avec de nombreux camions qui passent dans les deux sens. S'y croiser ressemble parfois à un tour d’équilibriste et il faut inévitablement mordre sur les bordures.

« Je la prends pour aller à Générac et j’ai déjà cassé deux jantes », affirme Arnaud au volant de sa petite voiture grise. Alors, depuis peu, la municipalité de Beauvoisin a décidé de refaire cette route victime des ravages du temps. Mais quand est venu le moment de passer aux choses sérieuses, les élus beauvoisinois ont eu une surprise. Une mauvaise surprise... La route n’apparaît sur aucun plan. Et pour cause : elle n’existe pas ou pas vraiment !

Arnaud a fait les frais du mauvais état de la route (photo Norman Jardin)

Proches géographiquement, les deux villages sont éloignés administrativement

La fameuse route est en fait un chemin un chemin communal. Dans le passé, il a été goudronné par les communes pour faciliter la circulation. Pour ne rien arranger, les goudronneurs ont débordé sur le territoire de BRL et de la SNCF. Depuis des années les automobilistes passent donc sur un chemin privé, sans en avoir l’autorisation. « Elle a été goudronnée pour l’ouverture de la déchetterie et ensuite l’entretien était fait par les communes dans le cadre du SIMOV (Syndicat intercommunal à vocations multiples, NDLR) Beauvoisin – Générac », se souvient Bernard Chassang, maire de Beauvoisin de 1995 à 2001. Mais aujourd’hui, les choses ont changé puisque Beauvoisin fait partie de la communauté de communes de Petite Camargue et Générac est, elle, intégrée à Nîmes métropole. Proches géographiquement, les deux villages se retrouvent éloignés administrativement.

Mais le grand chemin ne sort pas de nulle part. « C’est un chemin communal qui existait depuis longtemps. Le problème est une histoire de débordement sur les parcelles de la BRL et de la SNCF », précise Jérémy Peredes, l’adjoint à l’Urbanisme de Beauvoisin. Aujourd’hui, il faut trouver une solution face à une situation ubuesque. Comment Beauvoisin pourrait restaurer une route qui n’en est pas une et, de surcroît, que ne lui appartient pas ? C’est tout le problème ! Et l’addition risque d’être salée. Pour autant, Jean-Luc Cayuela, le conseiller en charge des chemins communaux et qui fait partie de la commission voirie et urbanisme de Beauvoisin, ne désespère pas : « On envisage ces travaux en partenariat avec la Communauté de communes, l’Agglo, le Bas-Rhône et la SNCF. Il faut se mettre autour d’une table et discuter. »

Une rétrocession pour l'euro symbolique ?

De son côté, la SNCF est prête à discuter avec la municipalité de Beauvoisin : « Nous sommes actuellement sur une procédure de relevé topographique, mais cela peut prendre plusieurs semaines. Dans un second temps, il nous faudra rencontrer les élus de Beauvoisin et on peut envisager la rétrocession d’une partie du chemin pour l’euro symbolique », précise Gaëlle Grasset, la cheffe du Pôle développement et valorisation immobilière de la SNCF (Grand-Sud). Dans cette hypothèse, les frais de rénovation de la route, ainsi que la mise en sécurité de l'artère par rapport à la voie ferrée ne seraient pas pris en charge par la Société nationale des chemins de fer français.

Les Généracois utilisent ce chemin pour aller à la déchetterie commune aux deux villages (photo Norman Jardin)

«  Au niveau de l’agglomération, ils n’auront rien ! »

Mais la réunion n’est pas encore envisagée qu'elle a du mal à tenir la route : « Nous n’avons pas la compétence voirie, c’est hors Agglomération, qui d'ailleurs paye à travers une convention 180 000 € en 2021 et 222 000 € en 2022 pour que Générac utilise la déchetterie. S’il le faut, les Généracois passeront par le village de Beauvoisin pour éviter cette route. Il est hors de question de se mettre autour de la table. Au niveau de l’Agglomération, ils n’auront rien », s'agace Frédéric Touzellier qui ajoute : « Dans trois ans, nous allons quitter la déchetterie de Beauvoisin pour aller vers une autre située sur l’Agglo entre Saint-Gilles et Générac. » De fait, les Généracois utiliseront beaucoup moins la route endommagée.

Il n'est pas évident de se croiser sur ce chemin (photo Norman Jardin)

Le premier édile de Générac, qui est également premier vice-président de Nîmes métropole, délégué à l’Aménagement du territoire, a peu apprécié le fait de ne pas avoir été consulté pour une stratégie commune : « C’est un manque de respect, c’est la première fois que je vois ça avec des élus de Beauvoisin. On essaye de les joindre depuis une semaine. » Cela fait quelques jours, qu’un panneau "chemin privé" a été installé à l’entrée de la voie, mais les automobilistes n’ont pas changé leurs habitudes et ils sont toujours aussi nombreux à l’emprunter. Cette route n’existe pas mais elle a un nom, ici on l’appelle "le Grand Chemin" et dans les mois à venir on la rebaptisera peut-être « le grand problème. »

Norman Jardin

Norman Jardin

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