Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 19.04.2022 - anthony-maurin - 5 min  - vu 2913 fois

FAIT DU JOUR Quelque chose a changé mais la feria reste la feria !

Soleil et feria de Pâques à Arles ne riment pas toujours (Photo Anthony Maurin).

La feria de Pâques à Arles s'est achevée hier soir. Dans les arènes, le bilan est plus que satisfaisant aussi bien sur le fond que sur la forme. Qu'il est bon de revivre ces instants taurins ensoleillés !

Un truc s'est perdu... Pour la première fois, pas d'œuf en chocolat, pas de bouquet de lilas, pas de signe pascal pour célébrer les gloires taurines. Même pas une petite friture tombée des gradins pour saluer avec respect et gourmandise la présence des maestros en piste. Tout se perd ! Dans les rues, un peu moins de musique mais pas moins de monde que dans les ferias de l'ancien monde. On peut dire que ça fait du bien de reprendre ses marques même quelque chose cloche. Dans les arènes, l'aspect populaire que l'on retrouve dans les rues s'est aussi ressenti et c'est plutôt rassurant.

Le public a répondu présent et avec force. Ici, les arènes samedi soir (Photo Anthony Maurin). • Anthony MAURIN

Arles reprenait vie avec une vraie feria. Une feria qui a fait sa réputation, une feria qui était attendue jusqu'en Espagne. Les ersatz proposés comme palliatif de feria durant la période covidée n'ont plus lieu d'être. Place aux festivités longues de quatre journées pleines et surtout d'autant de nuit déchaînées. Les gestes sont encore approximatifs, tantôt une bise, tantôt un check voire carrément rien du tout, "on ne sait jamais". On ne sait pas non plus comment reprendre le sens de la vie mais c'est plutôt en bonne voie. La rouille sociale s'estompe pour laisser l'éclat enjoué d'une conversation animée.

Dans les arènes, pour l'aspect tauromachique, quatre corridas dont une de rejon étaient à l'affiche. Une novillada sans picadors et une autre piquée égayaient quant à elles les matinées de samedi et dimanche. Le public attendait cette première vraie feria. Il l'attendait comme le Messie et Pâques raconte une histoire dans ce sens. On a, parfois, senti un trop-plein d'émotion, une sorte de fragilité spirituelle régner sur les gradins. Le soleil était de la partie et pour une feria de Pâques, c'est toujours une belle surprise. Autre belle surprise, le taux de remplissage des arènes !

Roca Rey au capote lors de son premier duel (Photo Anthony Maurin). • Anthony MAURIN

Une première course samedi soir avec un quasi plein pour assister à un bon démarrage. Les toros de La Quinta, les chouchous de Jean-Baptiste Jalabert, directeur des arènes et ancien matador de toros qui a fait de cette souche sanguine la base de son élevage personnel de toros de combat (La Golosina), furent à la hauteur de leur réputation. Ils ont offert aux gradins de quoi se frotter les mains et aux maestros qui les affrontaient de quoi se gratter la tête.

C'est le Péruvien Andrés Roca Rey qui a compris le premier, alors qu'il passait en dernier, comment il fallait se comporter face à ce bétail dans ces arènes. Le jeune met le bain à Antonio Ferrera et à Jose Maria Manzanres qui écoute le silence ou quelques applaudissements quand Roca Rey coupe deux appendices à chacun de ses toros. Olé ! Toros qu'il n'a pas oublié de faire briller au passage car ses deux opposants furent honorés d'une vuelta à titre posthume, gage de leurs qualités intrinsèques.

Luque en Luquecina, sans épée dans la main droite, à quelques instants de la grâce d'Aldeano (Photo Anthony Maurin). • Anthony MAURIN

Autre moment d'importance, un instant de grâce, l'indulto d'Aldeano, un toro de Victoriano del Rio. Cette course ou plutôt ce mano a mano était à l'origine prévu pour El Juli et Emilio de Justo. Le second s'étant blessé à Madrid lors de sa corrida en solitaire, il a fallu que l'empresa choisisse son remplaçant. Daniel Luque est sorti du chapeau, pas par hasard. Ses dernières venues à Arles se sont bien passées, c'est un immense professionnel et quel torero !

C'est d'ailleurs lui qui a dynamité la course par son toreo pur. De son côté, El Juli, n'a pas montré grand chose si ce n'est, piqué au vif par le natif de Gerena, le Madrilène a sorti une partie de son grand jeu au cinquième toros de la tarde. Daniel Luque ravit les étagères qui s'enflamment quand il jette, à deux reprises, son épée de mort. Le piéton semble vouloir gracier Aldeano mais le palco est indécis. Le public s'engouffre dans la brèche et pétitionne fortement. Au bout de quelques minutes durant lesquelles Aldeano a démontré toute sa noblesse après avoir fait voir son fond de bravoure, le mouchoir orange descend du palco et le joyeux tumulte s'abat sur le sable des arènes. Luque indulte et récolte au passage les deux oreilles et la queue (symboliques) de son adversaire qui rentre vivant dans le toril. Une feria, c'est comme une boîte de chocolat comme disait l'autre : on ne sait jamais sur quoi on va tomber mais on y va pour tomber sur ça.

Quiebro dans les planches de Diego Ventura (Photo Anthony Maurin). • Anthony MAURIN

Hier matin, la corrida de rejon de Capea a elle aussi satisfait son public. Les chevaux sont un peu sacralisés en terre arlésienne et ici, on aime voir le dressage. Depuis une bonne décennie, c'est du dressage spectaculaire que l'on va voir pendant ce genre de course. Mieux vaut ne pas regarder dans le détail ou de trop près. Heureusement que les toros sortent sans le bout de leurs cornes... Bref. C'est Diego Ventura qui a une nouvelle fois mis le feu aux gradins. Le Portugais était accompagné par un autre Portugais en la personne de Rui Fernandes mais aussi de l'héritier de la star mondiale de l'art équestre, Guillermo Hermoso de Mendoza.

Il n'a pas encore les qualité de son centaure de papa mais il en a la cavalerie et il écoute ses conseils. En deux ans le jeune a fait d'énormes progrès et s'il continue il n'aura pas usurpé sa place au soleil. Diego Ventura a encore fait le show. Un de ses chevaux mord le frontal du toro, l'autre fait des quiebros dans les planches, un troisième se monte sans bride (mais avec un fin câble en acier difficile à distinguer d'en haut des gradin), un autre fait des pirouettes millimétrées... Le cavalier connaît son métier et les arènes d'Arles, il a tapé dans le mille. Quatre oreilles et une queue pour Ventura, deux oreilles pour Guillermo Hermoso de Mendoza.

Juan Leal sur son dernier toro, celui de la bronca pour la seconde oreille (Photo Anthony Maurin). • Anthony MAURIN

En guise de clôture c'était une corrida de Jandilla qui attendait l'aficion. Habituellement, à Nîmes comme à Arles, les dernières corridas de cycle n'attirent pas les foules. Pour l'occasion, une moitié d'arène s'était tout de même réunie pour célébrer le dernier acte. Une course de Jandilla, élevage qui a fait deux ou trois très belles saisons récemment et dont on attend énormément. Les toros venus à Arles, sauf le cinquième, n'ont pas été à la hauteur de nos attentes. Les maestros, eux, ont rattrapé le coup. Consciencieux Josileto Adame, sérieux El Rafi et vaillant Juan Leal qui sortira seul en triomphe de cette course après une belle bronca à la présidence. En effet, sur son deuxième duel, l'Arlésien a coupé une oreille, ce qui est déjà bien, mais les tendidos en auraient voulu deux.

Le tunnel a été long à vivre mais les ferias reprennent alors profitez-en ! (Photo Anthony Maurin). • Anthony MAURIN

après un bref passage en revue de quelques figuras du monde de la tauromachie, l'aficion peut se rassurer, tout le monde sera opérationnel. Cette feria arlésienne a servi d'exercice. Le rodage est fait, maintenant on peut passer à autre chose. La feria de l'ascension à Alès, arrive à grands pas et cette de Pentecôte à Nîmes promet également de jolis moments en piste comme dans la rue ou au coeur de la nuit des bodegas. Quelque chose a changé mais la feria reste la feria, c'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas !

Anthony Maurin

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