FAIT DU JOUR Une digue à Fourques pour ne plus avoir peur du Rhône
Jeudi dernier, sur la commune de Fourques s'est déroulée l'inauguration de la fin des travaux de consolidation de la digue entre Beaucaire et Fourques. Une inauguration importante et festive, qui a célébré la fin des travaux, mais aussi la fin de la crainte du grand fleuve.
Depuis le XIIIe siècle, on sait à Beaucaire et tout le long de la rive droite du fleuve qu'un drac (un monstre ailé et amphibie) vit au fond de l'eau. Et plus, récemment, en 1840 et 1856, ce sont deux crues hors du commun qui ont inondé et meurtris le territoire. On estime que le volume de déversement, côté Gard, en novembre 1840 a été de 1,4 milliard de m3 !
Encore plus récemment, décembre 2003, la crue centennale a été la plus forte depuis le XIXe siècle. Elle a touché plus de 12 000 personnes et causé plus de 700 millions d’euros de dommages dans le delta du Rhône. Juste pour la plaine de Beaucaire et la Camargue Gardoise, 4 000 personnes ont été inondées et le montant des dommages représente 350 millions d’euros. De quoi être décrit par le maire de Fourques, Gilles Dumas, comme un fleuve dangereux.
Gilles Dumas, le maire de Fourques depuis 1977, été un des porteurs principaux de ce dossier : « Il nous aura fallu du temps, du travail, de la patience et de l'argent. Mais aujourd'hui la digue est en place. Elle est réalisée de manière durable et efficace. Désormais, nous vous encourageons à continuer les travaux en aval du Rhône ». Pascal Mailhos, le préfet du Rhône et de la région Auvergne-Rhône-Alpes, élargit cette réflexion : « Il reste du travail à faire. Ce n’est pas que la prévention des inondations. Il y a également la qualité de l’eau et le tourisme à traiter. Il nous faut poursuivre ces actions ».
Établir une défense contre le fleuve
Cette très forte inondation a mis en avant la nécessité d’une politique de prévention des crues cohérente et solidaire sur l’ensemble du bassin rhodanien. Elle s’est traduite par la nomination d’un préfet coordonnateur de bassin en janvier 2004 et l’appel des présidents des régions Provence-Alpes Côte d’Azur, Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes, en mars 2004, affirmant ainsi leur volonté commune de considérer la gestion du Rhône comme un projet interrégional.
Avec ce Plan Rhône, qui regroupe principalement, l'État, le comité de bassin Rhône Méditerranée et quatre conseils régionaux, le mode opératoire a été modifié. Jusqu’à présent les pouvoirs publics rehaussaient les digues après chaque crue. Ici, le Plan Rhône a privilégié l'acceptation de l’inondation pour des crues rares (période de retour 100 ans). Tout en acceptant aussi la formation de brèches pour des événements exceptionnels sur une période de retour de 1 000 ans. Un choix qui passe par l’implantation, sur chaque rive d’une digue résistante à la surverse, d’une longueur de 5 km, capable de résister au déversement jusqu’à la crue millénale du Rhône.
Cette opération de lutte contre les inondations s’élève à près de 60 millions d'euros (financée principalement par l’État, la région Occitanie et le département du Gard), elle s'inscrit dans le cadre du programme de sécurisation des digues du Rhône depuis le barrage de Vallabrègues jusqu’à la Mer portée par le Syndicat mixte interrégional d'aménagement des digues du delta du Rhône et de la mer (SYMADREM) depuis 2007 et qui devrait s’achever en 2025 côté Gard et 2030 du côté Bouches-du-Rhône. Ce syndicat est un établissement public territorial qui gère les systèmes d’endiguement, fluviaux et maritime, dans le delta du Rhône et il a la maîtrise d’ouvrages des travaux de renforcement des digues. Cela concerne les 115 000 personnes habitants dans le delta du Rhône.
Concrètement, les objectifs sont, entre Arles et Beaucaire, de réussir à contenir les crues jusqu'à 11 500 m3/s, et au-delà, de permettre un déversement, sans que le fleuve ne fasse de brèche dans la digue. Cela jusqu’à la crue millénale du Rhône, au débit de 14 000 m3/s. La longueur totale d’ouvrages sécurisés est de 13 km et 45 000 personnes sont protégées par ces travaux de protection.
Un ouvrage prévu pour 100 ans
La conception de cet ouvrage a été pensée de manière à garantir sa sûreté et sa durabilité pour les 100 prochaines années. Enfin, la digue a été bâtie de manière à optimiser le recyclage et le transport de matériaux et réduire de ce fait l’empreinte carbone du chantier. Du côté de l'écologie, le chantier a permis de restaurer six mares et d'en créer sept pour, notamment, le triton crêté et la cistude d’Europe. Comme l'a rappelé le président du Symadren, Jean-Luc Masson : « Une campagne de déplacement de l’espèce protégée le papillon diane et de sa plante hôte, l’aristoloche, a également été réalisée ».
Comme le souligne Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, Pyrénées-Méditerranée, « les Régions Occitanie et Sud, ainsi que les départements du Gard et des Bouches-du-Rhône se sont ainsi mobilisés pour agir collectivement. La sécurité des habitants doit être notre première priorité. Les travaux menés par le Symadrem sur les digues du Rhône, qui représentent plusieurs dizaines de millions d’euros d’investissement, sont essentiels pour préserver les riverains des crues ».
Franck Chevallier