FAIT DU SOIR La mosquée de Pont-Saint-Esprit ouvre ses portes aux collégiens
Ce mercredi matin, 20 élèves de sixième scolarisés au collège George-Ville ont visité la mosquée spiripontaine. Une fois les chaussures retirées, toute la classe s'est assise sur les tapis chauffés de la salle de prière. Pendant plus d'une heure, Yassine Taleb, vice-président de l'association culturelle musulmane de Pont-Saint-Esprit, a répondu aux questions des élèves sur ce lieu de culte installé dans le bâtiment depuis 1995 et sur l'Islam.
La démarche a interpellé certains parents. Certains étaient réticents à ce que leur enfant prenne part à la sortie scolaire. "Il a fallu vraiment expliquer que cette visite se déroule dans un esprit de découverte. On leur a fait visiter les trois lieux de culte à Pont-Saint-Esprit : l'église Saint-Saturnin, le temple et la mosquée. S'il y avait eu une synagogue, on y serait allé aussi", contextualise Elisabeth Carniello qui travaille au service "Patrimoine" de la Ville.
Cela fait déjà au moins quatre années que ces sorties de collégiens sont organisées dans les lieux de culte de Pont-Saint-Esprit. Ces 20 sixièmes en option "art" suivent un projet culturel tout au long de l'année en parallèle de leurs cours. Cette année, ils doivent réaliser un "carnet de voyage à la découverte de Pont-Saint-Esprit". Cela passe par la visite de lieux emblématiques de la commune comme la Citadelle, le toit du prieuré Saint-Pierre, la glacière (Maison des patrimoines), le lavoir mais aussi les lieux de culte.
"Je ne savais pas qu'il fallait enlever ses chaussures avant la prière"
"Pour chaque religion, on suit le même questionnaire afin d'éviter tout prosélytisme. Cela donne de bonnes bases car le programme prévoit l'étude des religions en 5e, explique Marie-Pierre Guillaume, leur professeur d'arts plastiques. Beaucoup d'élèves ne sont jamais rentrés dans des lieux de culte." Quel est le livre sacré de l'Islam ? Les représentants de la religion peuvent-ils être mariés ? Sont-ils payés ou bénévoles ? Les élèves se prennent au jeu des questions, assis entre les arches de cette salle aux murs couverts de faïence. À la fin, ils ont même pu goûter le fameux thé à la menthe concocté dans les règles de l'art par l'un des fidèles.
"C'était très bien. J'ai beaucoup aimé l'accueil et je ne savais pas qu'il fallait enlever ses chaussures avant la prière", commente une jeune fille, très curieuse. "Au collège, on entend souvent des mots en arabe, mais on ne comprend pas. Ceux qui les prononcent ne savent pas toujours ce que ça veut dire d'ailleurs", ajoute-t-elle.
À l'image de cette élève, Elisabeth Carniello remarque que cette option est bénéfique pour les jeunes : "Ce sont des élèves qui sont de plus en plus ouverts au fil des années. Avec ces visites, ils n'ont plus le même regard sur les religions. Ça permet de lever l'inconnu et les tabous." Tout en respectant la laïcité qu'impose le cadre scolaire bien entendu. C'est aussi la vision que partage Yassine Taleb qui essaie de médiatiser les activités de la mosquée : "On essaie d'ouvrir au maximum les portes, de discuter... On vit dans un monde d'informations de masse et on n'a pas toujours la bonne. C'est bien que grâce à sa curiosité, on se fasse son propre avis."
"L'inconnu fait peur (...) Il ne faut pas avoir de tabous"
Un discours qui fait écho à un contexte présidentiel où certains raccourcis et idées peu favorables à l'Islam font surface. Le vice-président de l'association culturelle musulmane de Pont-Saint-Esprit est heureux de pouvoir s'appuyer sur cette démarche éducative pour casser les images préconçues, voire stéréotypées, qui peuvent se créer autour de cette religion : "L'inconnu fait peur. (...) Il ne faut pas avoir de tabous. Ces personnes musulmanes très respectueuses se cachaient presque avant. Mais plus on va se cacher, moins les autres vont comprendre nos différences qui sont positives en réalité. Ce qu'on croit nous appartient, mais cela n'empêche pas de respecter les règles de vie en société."
L'idée derrière les différentes visites de ces lieux de culte, c'est avant tout de prôner le vivre-ensemble. "Ce genre de visites permet de montrer les vraies valeurs de l'Islam : la paix, la fraternité, le partage, l'ouverture. À forcer de répéter que ce n'est pas cela, on finit par le croire", poursuit le vice-président de l'association culturelle musulmane. Il espère que les élèves repartent avec plein de souvenirs positifs comme les décors et le thé. Que cela les aidera plus tard à éviter les amalgames et à transposer la différence comme richesse, car comme il le dit justement : "Dans une équipe, si on a que des profils similaires, on n'avance pas. Au foot, s'il n'y a que des attaquants, on ne gagne pas le match."
Marie Meunier