AIGUES MORTES Jean-François Gomez, l'éternel éducateur
Éducateur à la retraite, l'Aigues-Mortais Jean François Gomez a écrit une quinzaine d'ouvrages dont Le gai savoir des éducateurs, sous titre et éloges des transparents, sorti récemment. Portrait d'un éternel aidant.
S'occuper des autres. C'est depuis toujours le quotidien de Jean-François Gomez. "Quand j'étais jeune, j'étais engagé dans des associations et mouvements de jeunesse, se souvient-il. J'ai commencé le métier d'éducateur à 18 ans, dans les quartiers difficiles de Béziers. J'essayais de travailler de manière pragmatique, mais j'ai très vite compris que je devais me former pour progresser."
Au cours de ses études, Jean-François Gomez est séduit par la pensée du docteur François Tosquelles, tête de file du mouvement de la psychothérapie institutionnelle. "Après la seconde guerre mondiale, qui a fait plus de 40 000 morts dans les hôpitaux psychiatriques, on a commencé à remettre les choses en question, explique Jean-François Gomez. On s'est dit qu'on ne pouvait plus laisser les patients allongés à longueur de journées, sans aucune activité. L'une des idées portées par François Tosquelles est de faire participer les patients à la vie de l'hôpital, en fonction de ce qu'ils peuvent faire, bien entendu. La psychiatrie institutionnelle consiste, en quelque sorte, à introduire de la démocratie participative dans les établissements. "
Directeur d'établissements, enseignant et écrivain
Des préceptes que Jean-François Gomez va mettre en place dans les années 1970, à la tête d'un établissement pour adolescents handicapés, en Île de France. "J'ai essayé de leur donner le plus d'autonomie possible, se rappelle-t-il. Assez rapidement, ils sont parvenus à se déplacer en métro, de manière indépendante." De retour dans le sud de la France, Jean-François Gomez prend la tête d'un foyer d'hébergement social pour adultes handicapés. "J'ai là aussi essayé de le gérer dans l'esprit de la psychothérapie institutionnelle, estime-t-il. Nous avons notamment beaucoup travaillé sur l'accompagnement des familles, car le handicap peut bouleverser les relations sociales en leur sein. On essaye de les aider à moins souffrir, à mieux comprendre les réactions de leurs enfants."
Une longue expérience que l'Aigues-Mortais a partagé dans les amphithéâtres des facultés pour lesquelles il a enseigné, mais aussi avec les lecteurs des multiples articles parus dans ses ouvrages ou dans des revues spécialisées. À le retraite depuis 2002, l'éducateur aujourd'hui âgé de 78 ans garde un œil avisé sur sa profession. "En France, les infirmiers ne sont plus formés spécifiquement à la maladie mentale, regrette Jean-François Gomez. Les méthodes de management classique ont repris le dessus sur la psychothérapie institutionnelle. Un bon éducateur n’est pas quelqu’un qui obéit aux prescriptions, mais qui est dirigé par l’éthique. Quelqu'un qui a du flair et sait trouver la bonne voie quand il n'y a personne pour le guider."
Pour guider ses successeurs, Jean-François Gomez s'appuie sur le récit. "Mes écrits sont à la fois narratifs, théoriques et peuvent même flirter avec la littérature... Je ne me donne pas la posture du grand scientifique qui parle depuis un piédestal, avance-t-il. Dans mon dernier ouvrage, je raconte une histoire à la fois vraie et romancée. En remontant des murs de pierres sèches je repense à mes années d’éducateurs et m'arrête sur certaines de mes expériences."
Une façon pour lui d'accompagner les aidants d'aujourd'hui dont il relit parfois les écrits. Avec l'œil bienveillant de l'éternel éducateur.
Boris Boutet