Publié il y a 2 mois - Mise à jour le 16.09.2024 - François Desmeures - 3 min  - vu 610 fois

FAIT DU JOUR L'année exceptionnelle pour la Reinette ne peut cacher une tendance à la baisse

Grégoire Metge et Jean-Marc Ribes à l'ouvrage

- François Desmeures

À l'Arboux, sur la commune de Mandagout, les ravages de la crue de 2020 sur les vergers et les terres ne sont toujours pas un lointain souvenir. Si l'année 2024 est parfaite pour la pomme Reinette, Jean-Marc Ribes voit les parcelles exploitées se réduire à grande vitesse. Son gendre poursuit l'affaire mais d'autres agriculteurs n'auront pas de successeur. Les exploitants reconnaissent que leur métier peut en rebuter certains, mais ils le trouvent surtout alourdi par la réglementation, qui découragerait les éventuels repreneurs. 

Grégoire Metge et Jean-Marc Ribes à l'ouvrage • François Desmeures

Les arbres sont lourds de fruits, que l'équipe de cueilleurs rapporte inlassablement aux cagettes. Jean-Marc Ribes fait une pause, lui qui a vécu pour et par cette exploitation depuis plusieurs décennies. Celui qui "fait le marché de Nîmes depuis 42 ans" a désormais transmis "les deux-tiers de l'exploitation" à son gendre, Grégoire Metge. En plus des oignons doux, ils exploitent des vergers de pomme Reinette du Vigan, 5 hectares exactement, dont la récolte bat son plein actuellement. Soit un hectare de moins qu'avant la crue dévastatrice de 2020, qui a emporté de la terre et les arbres. 

"Et tout le système d'irrigation qu'on avait installé dans toute la vallée dans les années 80", précise aussitôt Jean-Marc Ribes, encore choqué par l'événement. Les cinq hectares se répartissent entre haut de la vallée et bas du hameau de L'Arboux, commune de Mandagout. "Cette année est exceptionnelle, lâche Jean-Marc Ribes qui a suffisamment de recul sur les années pour un tel jugement. On a eu des nuits froides et beaucoup de pluie.

François Desmeures

"Une bonne année, on récolte 100 à 120 tonnes. L'an dernier, avec la grêle en juin, ç'avait été la cata. Mais tant que le réchauffement climatique ne se fait pas plus violent, ça va..." Reste que les vergers sont parfois à renouveler et que le travail de réinstallation de l'irrigation a pris du temps et de l'argent. Heureusement pour l'exploitation, elle avait été autorisée avant la loi sur l'eau et a donc pu être réinstallée moyennant quelques suées administratives. 

Il faut être précautionneux en ramassant car toutes les pommes tombées restent au sol • François Desmeures

"Il reste une clientèle fidèle, poursuit Jean-Marc Ribes, qui n'a pas de problème à vendre ses pommes, la Reinette reste très demandée dans le Gard et l'Hérault. Par contre, dès qu'on passe le Rhône..." La Provence reçoit aussi les pommes en provenance des Alpes, dont certaines variétés que Jean-Marc Ribes vend sur les marchés d'Uzès, le mercredi, et de Nîmes le vendredi. "Je n'ai conservé que la vente au détail, j'ai laissé les deux-tiers de l'exploitation à mon gendre, qui envoie sa production à la coopérative" (Origine Cévennes, NDLR). En plus des pommes, Grégoire Metge produit environ 80 tonnes d'oignon doux des Cévennes AOP. 

François Desmeures

Sept ou huit personnes s'activent dans "nos parcelles vieillissantes", tranche Jean-Marc Ribes. "Mais on est un peu les derniers des Mohicans, avec les Salles à Arphy. On fait tout à la main. De toute façon, ici, on ne peut pas rentrer avec les tracteurs." Et entre le lieu de stockage et le verger coule l'Arboux. "On maintient l'activité, mais jusqu'à quand ? Il y a ceux qui arrêtent... Et puis, si la qualité n'est pas parfaite, ça ne se vend plus. On nous interdit de traiter, mais parfois c'est comme si on empêchait à un humain de prendre des antibiotiques..." 

François Desmeures

Si l'année 2024 a été généreuse en eau, l'exploitation de Grégoire Metge et Jean-Marc Ribes a quand même passé correctement les années de sécheresse précédentes. "On n'a jamais eu de problèmes avec l'eau, ici. C'est avec l'OFB (office français de la biodiversité) qu'on a des problèmes, rigole Grégoie Metge. Aujourd'hui, on n'a plus le droit d'agrandir les terres, on ne peut plus défricher pour agrandir des parcelles d'oignons, alors qu'il faudrait plus de tonnage à la coopérative, par crainte de manque d'eau."

François Desmeures

En ancien, dont le père "avait acheté la propriété en 1962", Jean-Marc Ribes se souvient : "Avant, avec 800 € par mois, tu arrivais à vivre en étant en autonomie. Maintenant ce n'est évidemment plus possible. Heureusement pour moi, l'oignon a payé les études des enfants, et heureusement ma femme était infirmière à domicile." Pour Grégoire Metge, "le problème est qu'on n'est pas suivis, on se sent délaissés. On n'est plus soutenus par le monde agricole." 

L'un des vergers, au bord de l'Arboux • François Desmeures

"Le hangar, poursuit Jean-Marc Ribes, je l'ai fait il y a 35 ans. Aujourd'hui, je n'aurais plus l'autorisation. S'il n'y a pas de repreneurs des exploitations, l'activité agricole va mourir", dit-il, en pensant principalement à la culture de la Reinette et même de l'oignon doux. Car dans un secteur recherché comme les Cévennes, Jean-Marc Ribes le sait : "J'ai 45 hectares autour du mas. Si je vendais, je serais tranquille pour des décennies..."  Mais pour l'un de ceux qui participa à la création de la Foire de la pomme et de l'oignon doux viganaise, ce n'est vraiment pas à l'ordre du jour. 

François Desmeures

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