Nîmois pur souche, Stéphane est un passionné de sport, fan du Nîmes Olympique. Dans sa jeunesse, c’est surtout la course à pied qu’il pratique avec assiduité, à l’image de sa 303e place au marathon de New York, achevé en 2h45. Un besoin de se dépenser sans cesse qui illustre bien la personnalité de ce père de famille de 52 ans qui continue à courir deux fois par semaine et à se rendre à la salle de musculation.

Brenda, sa fille âgée de 23 ans, a justement été la principale cible du Gardois dans ses premières vidéos postées sur Tiktok lors du confinement à partir de mars 2020. « C’était une période où on avait envie de rigoler donc tous les jours, je postais des prank », commente l’intéressé. Le prank consiste à faire une farce et Stéphane raffole de capter ses gags en image. Tout le monde y passe, même son épouse Christine et ses parents. Faire semblant de se couper le doigt, se cacher dans l’armoire, remuer la bouteille de soda... Du grand classique, mais la recette fonctionne et l’homme cumule rapidement des milliers de vues puis des millions. Celle où il se cache dans la poubelle pour terroriser sa fille a dépassé les trois millions de vues sur Tiktok.

« Si c’est pour faire du travail de pataras, je préfère faire deux tournées »

À partir de janvier 2021, Stéphane décide de continuer à filmer ses blagues avec ses deux collègues de travail du collège Claude-Chappe à Gallargues-le-Montueux où il officie depuis 2014. Cuisinier en milieu scolaire depuis plus de 20 ans, le Nîmois prépare en moyenne 540 repas chaque midi contre 600 avant la covid. « Ça a fait tilt, je me suis dit pourquoi ne pas faire des vidéos intelligentes et montrer ce que l’on fait. Au début, les gens se demandaient si je ne cuisinais pas dans un sous-marin ou en prison. »

Car le cantinier met souvent en scène un outil indispensable pour cuisiner à grande échelle : une immense sauteuse où il prépare 20 kilos de pâtes, riz et légumes en tous genres avec sa passoire automatique. « Je peux faire 35 kg de spaghetti d’un coup, mais si c’est pour faire du travail de pataras, je préfère faire deux tournées », confie le cuisinier qui écrase aussi la purée à la main. Une vidéo où il fait cuire du riz a atteint la bagatelle des 10,7 millions de vues. Une volonté de montrer les coulisses d’une cantine scolaire et de changer l’image d’une cuisine réchauffée industrielle, car ici les plats sont préparés sur place.

« L’idée, c'est de montrer de l’entrée au dessert ce que l’on propose pour 3,30 euros. On fait de la qualité avec du bio et on varie les menus. Certains parents d’autres établissements me disent qu’ils payent six euros et que ce n’est pas bon », explique l’intéressé qui apprécie son travail et a instillé la bonne humeur en filmant aussi ces personnes de l’ombre. Alexandra, sa cheffe, et Alexandre, l’agent présent cette année, ont contribué à son succès en jouant les cameramen.

Étant donné la charge de travail qui lui incombe, Stéphane ne consacre que deux minutes pour se faire filmer. C’est le soir qu’il prend le temps de réaliser le montage et de poster sa vidéo.

« Le Département du Gard doit être fier »

Notre Tiktokeur y consacre une bonne demi-heure et peut compter sur le soutien de son épouse, Christine : « Il a un tel débit que parfois, je lui dis de réduire la cadence et de faire des phrases plus concises. » Elle est sollicitée avant chaque publication et conseille Stéphane sur l’écriture des textes qui accompagnent les vidéos. « Le Département du Gard doit être fier d’avoir un gars professionnel comme ça, qui fait sérieusement son boulot et qui est passionné », ajoute-t-elle.

Employeur du cuisinier, la collectivité suit Stéphane sur le réseau social et publie parfois des messages bienveillants. Pour le cantinier, l’objectif est de donner une bonne image de l’établissement, montrer les efforts fournis pour améliorer l’alimentation des enfants et mettre en lumière ces hommes et femmes anonymes. Quand il est sur son téléphone, Stéphane met aussi un point d’honneur à répondre à tous les messages et commentaires. « C’est une question de politesse, sans eux, je n’aurais pas tous ces abonnés », avoue l’intéressé, suivi aujourd’hui par près de 385 000 personnes et qui a récolté 7,6 millions de likes.

Son accent sudiste et sa spontanéité sont les clés du succès d’un homme passionné qui fait la promotion d’une profession habituellement peu visible sur les réseaux. « J’aime mon travail, je suis content de me lever le matin », affirme-t-il. Et les idées ne manquent pas pour susciter les vues : visite complète de la cuisine, préparation maison de croque-monsieur et pizzas ainsi que quelques blagounettes pour amuser la galerie, car Stéphane ne peut pas s’en empêcher.

« Monsieur, pouvez-vous venir cuisiner chez nous parce que ce n’est pas bon ? »

Avec cette reconnaissance sur TikTok, le quinquagénaire parle désormais le même langage que les collégiens. Il a conscience que grâce à ce support, il capte davantage leur attention. Alors le cantinier en profite pour faire passer des messages de sensibilisation comme lorsqu’il pousse un petit coup de gueule sur le gaspillage du pain.

« Si tu prends un morceau, tu le manges », expliquait-il dans la vidéo en question. « Quelques jours après, un élève est passé et m’a dit : Monsieur, j'ai mangé le pain. Donc tout ça, c'est positif. » Même s’il est caché derrière ses fourneaux, l’homme ne passe pas inaperçu dans cet établissement auprès des élèves, leurs parents et la direction qui le soutient dans sa démarche. « Monsieur, pouvez-vous venir cuisiner chez nous parce que ce n’est pas bon ? » : tel est le type de message que Stéphane a déjà reçu. Il en sourit et répond toujours en essayant d’arrondir les angles. Avec la rentrée, le Gardois est heureux de rallumer la caméra de son smartphone pour de nouvelles aventures : « Ça me plaît donc je vais continuer. La priorité reste la cuisine, mais il y aura aussi de l’humour », prévient le cantinier star de TikTok.

Cet article est issu du magazine Objectif Gard, numéro 48, sorti le 2 septembre 2022. Vous pouvez le découvrir dans son intégralité en cliquant sur la Une :