FAIT DU SOIR Marion Saussol, une comédienne alésienne de passage avant le Festival d'Avignon
S'il fait toujours autant rêver, le métier de comédien est sujet à une forte précarité. Après 20 ans de carrière, Marion Saussol le sait mieux que quiconque. Mais l'abnégation de l'Alésienne de naissance lui vaut encore quelques belles opportunités, dont une énième participation au Festival d'Avignon avec la déroutante comédie romantique Au cœur du temps.
Elle n'y avait pas mis les pieds depuis un bon bout de temps. Mais en fin de semaine dernière, descendue de Paris avec la perspective rapprochée du Festival d'Avignon, Marion Saussol a fait escale à Alès par le train pour se prêter au jeu pas si fréquent pour elle de l'interview. Après quoi, la dynamique quadragénaire (42 ans) allait rendre visite à son papa domicilié à Monteils.
Car c'est bien dans la capitale des Cévennes où elle est née et a vécu jusqu'à ses 18 ans que ce petit bout de femme a fait ses débuts dans l'acting. Elle n'était qu'une élève de Troisième quand un cours de théâtre a retenti comme une révélation. Après le bac, bien que la tentation d'une licence de psychologie ait un temps plané, c'est pour une licence d’études théâtrales à Montpellier qu'elle a opté. "Un jour, je me suis faite arrêter par des mecs qui vendaient des magazines orientés sur les arts du spectacle", rembobine-t-elle.
Être comédienne, "c’est ça que je veux faire", souffle-t-elle alors. "Être sur scène, incarner des personnages, j'adore ça ! En étant comédienne, en une seule vie on en vit douze milliards", s'enthousiasme l'Alésienne. Elle file donc croquer son rêve à Paris en intégrant le Studio 34. Depuis, celle dont le frère Damien est directeur de production dans le septième art arpente les scènes parisiennes et provinciales.
Au sein de la compagnie Art'eMissTer, elle met en scène divers spectacles et se lance dans l'écriture. Pour des raisons financières au départ. "Je ne pensais pas en être capable", livre-t-elle avec le recul. Parallèlement, elle côtoie le monde du spectacle jeune-public, interprète des rôles dans l'univers contemporain et plonge également dans le répertoire classique. Débrouillarde et touche-à-tout, Marion Saussol s'essaie aussi à la réalisation avec le court-métrage Fumer tue, demain j'arrête.
Une comédie romantique
"J’aurais aimé faire un peu plus de cinéma, mais j’ai eu moins d’opportunités que dans le théâtre. Pour moi, c’est le même travail, mais ce sont deux facettes différentes. Ce n’est pas la même construction de personnages", analyse la comédienne. D'ailleurs, si elle devait choisir entre les deux, le théâtre primerait. De théâtre il est évidemment question avec sa sixième participation au Festival d'Avignon dans le cadre de la représentation quotidienne de la pièce Au cœur du temps.
La quadragénaire qui assure la mise en scène tout en incarnant le personnage clé de Manon se charge de pitcher le scénario. "C'est une mise en abime d’une mise en abime", lâche-t-elle de sa voix pénétrante et légèrement éraillée. Et de poursuivre : "C'est l'histoire de Manon, en 2025, qui réalise une série et la montre à ses proches. Cette série, c’est l’histoire de Sam, en 1985, qui trouve une montre lui permettant de voyager dans le temps. Elle va revivre dans trois autres époques et rencontrer des âmes des vies antérieures."
Tout en admettant que le résumé peut paraître abscons, la comédienne en défend l'intérêt : "Il ne faut pas essayer de tout comprendre dès le départ. C'est une pièce puzzle ! Il faut se laisser porter. On ouvre un tiroir, puis l'autre. À la fin, l'armoire est totalement ouverte et tout est bien rangé à sa place. J'aime bien les films comme Usual suspects où on ne comprend rien au départ et tout se décante à la fin." Pour Au cœur du temps, la metteure en scène se serait inspirée de la série Pretty Little Liars.
"Je pense qu'on sourit, qu'on est ému aussi"
Sur les planches, les trois comédiens s'immiscent dans cinq époques différentes, lesquelles ont chacune leur propre identité visuelle projetant instantanément le spectateur dans la période jouée. Ils interprètent au total 18 personnages, tantôt un homme, tantôt une femme, "ce qui amène un équilibre et une réflexion sur le genre". Les comédiens sont accompagnés d'un musicien dont la présence sur scène n'est pas anodine. "La musique est juste assez présente pour nous emmener vers l'émotion", prévient Marion Saussol.
Depuis qu'elle est jouée, la pièce reçoit de "très bons retours" à Paris. "Mon père rit dans la salle, ma mère aussi. Je pense qu'on sourit, qu'on est ému aussi", expose l'Alésienne. Parce qu'elle n'a "pas beaucoup de perspectives" après Avignon, Marion Saussol se lance à corps perdu dans ce festival qu'elle aime tant, mais où il n'est pas facile de se faire une place parmi les 1 500 spectacles au programme. Puisqu'elle a une santé d'enfer, celle qui "adorerait" jouer un jour au Cratère a doublé ses chances de s'illustrer, le public ayant aussi l'occasion de la voir à l'œuvre chaque jour dans Les enfants du paradis.
Marion Saussol dans Au cœur du temps, du 7 au 29 juillet, au festival d'Avignon. Représentation chaque jour, du lundi au dimanche (sauf le mercredi) à 13h25, théâtre des Corps Saints.