Publié il y a 1 jour - Mise à jour le 06.04.2025 - Anthony Maurin - 3 min  - vu 146 fois

NÎMES Benzine Cyprine ? Cocktail explosif de Kamille Lévêque-Jégo

Copyright Kamille Lévèque Jego Courtesy NegPos Galerie

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Benzine Cyprine par Kamille Lévêque-Jégo, du 12 avril au 13 juin 2025 à la Galerie NegPos FotoLoft 1, cours Némausus, du lundi au vendredi de 13h à 18h ou sur rdv. Vernissage de l’exposition ce samedi 12 avril à 18h30.

NegPos se situe dans le bateau... Au Nemausus I (Photo ArAnthony Maurin).

Kamille Lévêque-Jégo est une artiste photographe qui dissèque les images et les genres médiatiques pour en exploiter leurs caractéristiques systémiques. Elle emprunte autant au genre documentaire qu’aux mécanismes séduisants de la publicité. En s’appuyant ainsi sur une culture populaire de l’image, elle extrait une symbolique et des stéréotypes qu’elle détourne dans des compositions millimétrées, tout en feignant la spontanéité.

« Benzine Cyprine, brulot féministe, composé par Kamille Lévêque-Jégo, nous emportera dans une fiction autoproclamée d'un gang de filles qui s'oppose aux violences faites aux femmes » entame Patrice Loubon le directeur artistique de NegPos Centre d'art et de photographie de Nîmes.

Patrice Loubon, fondateur de NegPos (Photo Archives Anthony Maurin).

« Celles-ci ne sont pas, comme vous l'aurez deviné, ces « Trad wifes » ni ces « bimbos » si chères à Trump et consorts, elles montrent les dents et sortent aussi les griffes. Maniant avec brio les ressorts dramaturgiques de la rhétorique photographique, empruntant à la publicité et à la mode leurs esthétiques « vilement » séductrices, Kamille Lévêque-Jégo nous embarque dans un remake survitaminé et contemporain de Faster, pussycat ! Kill ! Kill ! (1965, Russ Meyer). »

Plus proche de nous et sans doute plus en phase avec la thématique évoquée est le film FoxFire (2012) dont l'action se situe aux États-Unis (1955) et met en scène cinq jeunes filles formant un gang dont l'objectif est de lutter contre le machisme et l'emprise des hommes sur les femmes.

« Par les mises en scènes de Kamille et leur côté cinématographique, on se laisse prendre au jeu confondu par la véracité des images et des situations. Petit chef-d'oeuvre visuel et emblématique d'une époque où les femmes depuis « #meetoo », les prises de paroles de Judith Godrèche et Adèle Haenel, le procès tonitruant de Dominique Pélicot ne se laissent plus soumettre à la volonté d'hommes, figures monstrueuses et décadentes d'un patriarcat en train de vivre ces derniers jours... ? Espérons-le, car l'heure a sonné d'une féminité sans plus de complexes d'infériorité », ajoute Patrice Loubon.

Copyright Kamille Lévèque Jego Courtesy NegPos Galerie
Copyright Kamille Lévèque Jego Courtesy NegPos Galerie

Les travaux de Kamille Lévêque-Jégo sont le résultat de recherches documentaires, de scénographies méticuleuses et d’une hybridation des arts graphiques. Elle compose une photographie sensationnelle à partir d’instants ordinaires pour produire dans un premier temps un effet d’embrigadement émotionnel auprès du regardeur.

Puis, dans un second temps, ses travaux apportent, non sans ironie, un recul sur nos automatismes de lecture et sur nos préconceptions idéologiques.

Son inspiration ? C’est au cœur de la malléabilité de l’image numérique et dans la relativité du témoignage photographique qu’elle la trouve.

Copyright Kamille Lévèque Jego Courtesy NegPos Galerie
Copyright Kamille Lévèque Jego Courtesy NegPos Galerie

Au lieu de prendre la fiction comme un divertissement, elle s’en sert comme un révélateur de nos formatages culturels et comme une façon de questionner des problématiques sociétales.

Kamille Lévêque Jégo est diplômée de l’ISDAT, elle approfondit ses recherches photographiques à l’université du Bauhaus (Allemagne). Son projet au long-cours Benzine Cyprine est diffusé en 2019 lors de l’ouverture des 50e rencontres internationales de photographies d’Arles. Elle est lauréate en 2018 du festival Manifesto (Toulouse) et programmée aux Nuits de Pierrevert 2023.

Copyright Kamille Lévèque Jego Courtesy NegPos Galerie
Copyright Kamille Lévèque Jego Courtesy NegPos Galerie

Vous l’avez compris, Benzine Cyprine est un documentaire au long cours (2014-2020) sur un gang de femmes du même nom. Il est aussi un symbole identitaire.

La création de ce projet venait du besoin impérieux de répondre à un malaise existentiel autour du fait d’être de sexe féminin. Cette classe de sexe qui est ressentie comme vulnérable, impuissante et dénigrée.

Malgré cela, on peut trouver sa propre façon d’incarner son genre au-delà des injonctions liées à son sexe. Mais de nos jours, cette démarche n’est ni spontanée, ni innée. Elle se construit, elle s’influence.

Copyright Kamille Lévèque Jego Courtesy NegPos Galerie
Copyright Kamille Lévèque Jego Courtesy NegPos Galerie

« Ma réponse était de donner à voir une féminité flamboyante qui va à contre-sens des figures mièvres, complaisantes et hypersexuées de la femme, celles-là mêmes qui saturaient les flux médiatiques des grands et petits écrans, de la presse ou encore de la publicité. Je me suis alors mise à photographier des symboles d’une identité féminine particulière qui inspire à la fois sensualité et virilité. Cette symbolique s’exprime à travers les instants de vies d’un gang de femmes, de leurs personnalités et de leurs attitudes. Car le groupe identitaire, à mon sens, offre la valorisation, le respect, la cohésion et la force de revendication en totale opposition au sentiment de vulnérabilité. »

Benzine Cyprine c'est ce cocktail explosif qui représente un désir d’accès à la jouissance et à l’émancipation en extériorisant son individualité de manière souveraine.

L’artiste valorise cette identité féminine par les mêmes procédés empruntés à l’advertising (esthétique aguicheuse, charte graphique, slogan, projection dans le réel…). C’est une attitude ironique de ma part qui suit les règles d’un monde où l’émotion retient plus l’attention que l’intellectualisation, où le divertissement obtient plus de fascination que le développement d’une pensée. Pourtant, la fiction a aussi son rôle actif dans notre façon d’imaginer notre avenir.

Anthony Maurin

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