ÉCONOMIE Les chiffres de la Banque de France appellent à mieux dépenser l'argent public
Nathalie Ravet, directrice de la Banque de France dans le Gard, à Nîmes, explique la lettre économique envoyée par le Gouverneur de la BDF au président Macron.
Chaque année entre avril et juillet, le Gouverneur de la Banque de France envoie une lettre, un document important, au président de la République. Les données sont actualisées avec cette année une thématique en lien avec l’inflation.
Pour Nathalie Ravet, directrice de la Banque de France dans le Gard, « nous avons un mandat, nous devons vaincre l’inflation par différents moyens, d’ici la fin 2025 nous voulons la ramener à 2 %. Pour cela il faut identifier les symptômes afin de mieux agir contre cette maladie économique et sociale. »
Il faut dire qu’entre la reprise post covid de la fin 2021 et le début 2022 qui a vu l’émergence du conflit en Ukraine, les Français ont senti quelques troubles dans leurs économies. D’abord, l’énergie, puis l’alimentation, les biens manufacturés, les services… Tout augmente, même leur salaire. Le Smic a été revalorisé de +12 % en 18 mois. Hélas, la France comme l'Europe importent encore trop d’énergie et de produits agricoles.
Fin mars en France, l’inflation était de 6,7 % contre 3,1% en Espagne, 8,1% en Italie mais plus de 17 % en Lettonie ! « En France, l’inflation est tirée par les prix de l’alimentation qui ont augmenté de 15 %, c’est pour cela que l’inflation est ressentie fortement. Ce qu’il faut traiter en premier c’est l’inflation sous-jacente. Nous devons continuer à relever les taux d’intérêt et on devrait avoir une reprise du pouvoir d’achat en 2024-2025. » L’inflation touche d’abord les zones rurales et les personnes les plus âgées.
Les salaires de bases des ouvriers ont augmenté plus que celui des cadres. En 2023 ils seront tous deux revus à la hausse afin que les entreprises puissent conserver leurs cadres.
« D’un autre côté, les chefs d’entreprise ont partiellement réussi à limiter leur taux de marge qui avait été bon en 2021 avec 34%, en 2022 avec 32% et qui devrait être aux alentours de 30% cette année. Ce sont les entreprises d’énergie, les services de transport et l’industrie agroalimentaire qui s’en sortent le mieux. »
Pour revenir à l’inflation sous-jacente, les choses peuvent se jouer sur les taux d’intérêt via le taux directeur donné par la BCE. Mais là encore, la France est bien en-dessous des taux connus il y a encore une grosse dizaine d’années. À savoir que tous les changements apportés ne pourraient porter leurs fruits qu’après un délai de transmission qui est long, en général, d’un à deux ans.
« Après le quoi qu’il en coûte, les boucliers tarifaires, en 2022/2023, coûteront 50 milliards. C’est une solution temporaire mais nous plaidons pour un retour aux dépenses plus normales car la dette publique ne cesse de croître pour atteindre maintenant 112% du PIB, chiffre qui a doublé en 20 ans ! » La France, en 2022, a un écart de +20% avec les autres pays d’Europe…
Toujours en France, les encours de crédit augmentent sur un an de 6,9% quand les crédits à l’habitat sont en hausse de 5,1%. Les taux d’intérêt des crédits à l’habitat sont parmi les plus bas d’Europe à 2,36% contre 3,43% en Espagne par exemple.
Pour les entreprises gardoises, les encours de crédits utilisés (mobilisés) affichent une évolution de +4,6% sur une année glissante à fin février 2023. Les encours de crédits accordés aux ménages gardois affichent une évolution de +4,1% sur une année glissante à fin février 2023 (dont crédits à l’habitat +4,1%, crédits à la consommation +4,4%).
Comment s’en sortir au plus vite ? Par de gros changements. « Nous devons muscler notre économie en maîtrisant mieux l’inflation, en augmentant notre croissance potentielle de 1% à 1,5%. On doit réduire la vulnérabilité à des chocs extérieurs et transformer les secteurs de l’écologie, de l’énergie, du numérique… En France, c’est la notion de travail qui devra retrouver du sens en se transformant. Les services publics devront eux aussi connaître une refonte. »
Il faut dire que chez nous les dépenses publiques représentent 58% du PIB quand elles n’équivalent qu’à 44% aux Pays-Bas ou 50% en Allemagne. Moderniser, donc, et mieux dépenser l’argent public qui devra servir à structurer les vies de demains.
Les ultimes soucis et enjeux viennent du monde du travail. « 52% des entreprises ont encore du mal à recruter et la France a pourtant un taux de chômage de 7,2%, nous sommes loin du plein emploi ! Les jeunes et les seniors sont les tranches d’âges les plus impactées… » conclut Nathalie Ravet, directrice de la Banque de France dans le Gard.