Publié il y a 1 an - Mise à jour le 21.02.2023 - Corentin Migoule - 5 min  - vu 2191 fois

FAIT DU SOIR 160 adolescents franciliens à Méjannes-le-Clap pour accomplir volontairement leur Service national universel

sophie Béjean

La rectrice face à une compagnie du SNU. (Photo Corentin Migoule)

En attendant que le président de la République le rende éventuellement obligatoire, 160 adolescents venus d'Île-de-France profitent des vacances scolaires de la zone C pour, de leur plein gré, accomplir leur Service national universel (SNU). Installés au village vacances de Méjannes-le-Clap, ils ont reçu la visite de la rectrice académique ce mardi après-midi. 

"De l'entraide, de la solidarité, la compagnie trois : c'est gagné !" Au deuxième jour de leur stage de cohésion, lequel constitue la première étape du Service national universel (SNU) auquel ils ont décidé de participer sur la base du volontariat, les membres de la compagnie verte ont déjà leur propre chant qu'ils font retentir dans l'amphithéâtre du VVF Club de Méjannes-le-Clap (notre vidéo). Ces derniers font partie des 160 adolescents âgés de 15 à 17 ans qui sont arrivés dans le Gard ce dimanche en provenance de la région Île-de-France, dans le cadre du nouveau principe de mobilité extra-régionale qui a conduit les volontaires occitans à faire le chemin inverse.

"Cette année, le choix a été fait de jumeler les régions Île-de-France et Occitanie", confirme Sophie Béjean, rectrice de l'académie de Montpellier, accompagné du Directeur académique des services de l'Éducation Nationale (Dasen) du Gard, Philippe Maheu, à l'occasion de sa visite du centre ce mardi après-midi. "Sortir de sa région, c'est super intéressant. On vient d'une région très urbaine et un découvre un territoire plus rural", apprécie Flavie, 17 ans, originaire d'Alfortville (Val-de-Marne). "Pour l'instant on prend nos marques. On a appris les gestes fondamentaux, le garde-à-vous, le repos et la marche en groupe", rajoute celle qui s'est inscrite sur les conseils de son papa, militaire pendant près d'une décennie.

sophie Béjean
La rectrice face à une compagnie du SNU. (Photo Corentin Migoule)

"C'est ni le service militaire, ni la colonie. C'est un séjour de cohésion durant lequel on leur inculque plusieurs valeurs, dont la citoyenneté", résume habilement Germain Ibanez, ancien gendarme et capitaine de la compagnie bleue qui compte 37 jeunes volontaires encadrés à l'aide de trois autres tuteurs. À l'heure où ils reçoivent la visite de Sophie Béjean ce mardi en fin d'après-midi, les adolescents ont déjà englouti une bonne partie de la journée ponctuée d'activités diverses (sport, ateliers pratique, gestes de premiers secours en cas d'accident de la route avec les pompiers, rites républicains, etc.). Regroupés et bien rangés, casquette vissée sur la tête, ils s'apprêtent à voir rentrer en piste Nessy, un joli malinois de 5 ans et demi, chien spécialisé dans la recherche de billets, d'armes et de stupéfiants. Au doigt et à l'œil, la femelle obéit au maître-chien de la brigade cynophile qui répond alors aux questions émanant d'une assistance médusée.

Maitre chien
L'odorat de Nessy a impressionné les jeunes volontaires. (Photo Corentin Migoule)

"Ce n'est pas très militaire. On est dans un juste milieu parfait", analyse Charlotte, heureuse après 48 heures dans le Gard. Dans la même compagnie bleue, Vittorio, 16 ans, originaire de Boussy-Saint-Antoine (Essonne), s'est engagé pour "se rapprocher des métiers de la citoyenneté", bien que son projet professionnel ne soit pas encore déterminé. Dans le même temps, leurs camarades de la compagnie verte sont regroupés dans une salle de conférence où des gendarmes les sensibilisent aux dérives d’Internet, en abordant sans ménagement des sujets concrets auxquels un jeune de 16 ans peut être confronté. C'est le cas du "sexting", l'envoi de photos à caractère sexuel, une pratique de plus en plus répandue chez les ados. "Quand vous êtes en couple, vous pouvez trouver ça cool d'envoyer un nude à votre copain ou votre copine. Mais pensez qu'un jour vous allez peut-être vous séparer et qu'il pourra divulguer les images", prévient le brigadier. 

Aussi, les gendarmes ont mis en garde les jeunes volontaires en ce qui à trait au "chantage à la webcam", lequel, étonnamment, "touche davantage les hommes", notamment ceux âgés de 15 à 25 ans. Plus tôt dans la journée, les 160 adolescents franciliens s'étaient adonnés à des actions bien précises qui, au fil des jours, deviendront rituelles. Réveillés à 7 heures tapantes, les volontaires du SNU disposent alors de 20 minutes pour se préparer et enfiler leur uniforme. "Après on se retrouve au point de rassemblement pour un garde-à-vous, avant de se rendre au petit-déjeuner en colonnes. Puis on chante la Marseillaise, on procède au lever de drapeau et on retourne dans nos chambres où on doit défaire nos draps, les empiler, et faire un grand ménage avant l'inspection des tuteurs. Si ce n'est pas bien rangé, ils envoient toutes nos affaires par la fenêtre !", raconte Pauline.

Flavie
Flavie s'est inscrite au SNU sur les conseils de son papa, lequel garde un bon souvenir de son service militaire. (photo Corentin Migoule)

Des réunions de démocratie interne sont organisées chaque jour. En cercle, les membres d'une compagnie se réunissent et chacun désigne la "pépite" et le "râteau" de sa journée, autrement dit la meilleure action et le point négatif. Pour certains, le "râteau" est tout trouvé : le manque de leur smartphone interdit en journée pendant toute la durée du séjour. "On y a seulement droit de 19h à 21h, mais ce n'est pas très pertinent car on doit manger et se doucher au cours de ces deux heures", revendique Celyane. "Si on est surpris pendant la journée avec notre téléphone, on nous fait faire des squats (un exercice de musculation, NDLR)", se marre Nils, qui en a fait le frais quelques minutes plus tôt pour un tout autre motif.

À rebours de ses deux compagnons d'aventure, Charlotte appréhende à merveille cette mesure restrictive : "Dans la vie de tous les jours, on n'arrive pas à se séparer de notre téléphone. Là on y est forcé. C'est intéressant car on voit à quel point on est dépendant de cet objet." Dans une dizaine de jours, à la fin du stage de cohésion, les ados franciliens auront peut-être envie d'abaisser leur temps passé sur les écrans. C'est en tout cas l'hypothèse qu'échafaude capitaine Ibanez : "C'est mon cinquième stage et, à la fin, beaucoup de jeunes me disent qu'ils arrivent très bien à vivre sans."

Vittorio
Vittorio, heureux comme un pape au village vacances de Méjannes-le-Clap. (photo Corentin Migoule)

Quoi qu'il advienne, la pertinence du dispositif relancé en 2019 ne fait aucun doute aux yeux de Sophie Béjean : "Les leçons que je retiens des promotions précédentes, c'est qu'en fin de séjour, les jeunes sont enthousiastes. Ils repartent grandis, plus responsables et plus respectueux." Ainsi, alors que 1 250 adolescents d'Île-de-France sont répartis jusqu'à la fin des vacances scolaires dans les neuf centres que compte la région Occitanie, les effectifs n'auraient eu aucun mal à se constituer. "Le recrutement a été facile. Les jeunes sont certes informés par leur académie, mais je me rends compte que beaucoup viennent sur les conseils de copains qui ont déjà fait le SNU", rapporte Germain Ibanez, y voyant la preuve d'un bouche à oreille qui fonctionne. 

Pour l'instant facultatif, ouvert aux jeunes de 15 à 17 ans sur la base du volontariat, le Service national universel deviendra-t-il obligatoire tel que le président de la République l'avait laissé entendre le 31 décembre dernier lors de ses vœux ? "Il faut en débattre et anticiper une éventuelle organisation", fait valoir la rectrice. "À titre purement personnel, je serais très favorable à ce que le SNU devienne obligatoire. Mais je crains que cela soit impossible. On ne pourra jamais forcer des jeunes à venir. À moins de trouver des incitations qui rendent l'obtention du SNU intéressante, comme une aide au financement du permis de conduire par exemple. Même si, sur un CV, en matière de recrutement, c'est forcément un plus !", conclut l'ancien gendarme.

Les deux autres étapes du SNU : 

Phase 2 : mission d'intérêt général (MIG) de 84 heures minimum dans l'année, hors temps scolaire. Phase 3 : engagement volontaire, de trois mois à un an, en intégrant par exemple la réserve civique, la réserve de la gendarmerie nationale, les jeunes sapeurs pompiers, en réalisant un service civique ou en s'engageant au profit d'une structure associative. 

Corentin Migoule

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