Attention, cartelazo ! Le paseo est prévu, comme indiqué, à Las cinco menos cinco. Les photos sont de Blaise Volckaert, les textes de Christophe Chay et Jacques Durand. Un cartel équilibré qui vous embarquera dans une lidia de la tauromachie vue par trois paires d’yeux et pensée par trois cerveaux en ébullition.

Blaise Volckaert est gastronome. Déjà, ça pose le bonhomme. Chef de cuisine, photographe et fumeur de cigares. De bons goûts ! Il a déjà publié de nombreux ouvrages taurins dont Gueules de Toreros et Tabaco y Oro aux mêmes éditions Passiflore et avec Jacques Durand.

Natif d'Arles mais établi à Nîmes, Christophe Chay est journaliste pour la chaîne de télévision régionale ViàOccitanie. Ses carets taurins sont légendaires, son savoir biblique et son érudition d’exception. Mais Christophe Chay n’est pas un revistero froid, vous le découvrirez à travers les textes ciselés qu’il a mis en place en écho aux photos proposées.

Pédagogue s’il en est, il est aussi l’auteur et co-auteur de plusieurs ouvrages taurins dont l’Encyclopédie de la corrida, ou encore La Tauromachie, Histoire et dictionnaire, et il collabore régulièrement avec la presse nationale et régionale. Il commente les corridas nîmoises au côté d’Hervé Sallafranque sur les ondes de France Bleu Gard-Lozère.

Jacques Durand vient compléter le cartel par devant. Lui, le maestro des lignes libres et des pensées justes. Journaliste et écrivain, l’aficion l’a reconnu écrivant dans Libé pendant deux décennies ou collaborant à Face au toril. D’une humilité rare et d’une compréhension fine et totale, son analyse taurine mérite qu’on s’y attarde. Il a reçu le Prix international de journalisme à Pampelune en 1987 et si vous voulez le lire plus en détails, sachez qu’il publie toujours une page taurine pour les éditions nîmoise d’Atelier Baie.

Avec ces trois noms, experts dans leur domaine, vous pouvez embarquer pour la lecture de cet ouvrage de 140 pages. Avant d’en parler un peu plus, mettons à l’honneur les éditeurs qui jouent tant bien que mal le jeu de la parution taurines. Un des plus actifs est Passiflore. Le fruit de la passion pour parler des toros, logique mais encore faut-il garder la ligne directrice.

Aujourd’hui ? Ils ont quatre, Patricia Martinez, cofondatrice et gérante, Manon Arnaud, Marta Serra et Maylis Robin, à œuvrer dans ce sens. « Nos publications s'organisent autour de deux axes : la littérature contemporaine, avec des romans et des auteurs « coup de cœur » et la culture du Grand Sud, avec des beaux livres et des ouvrages sur le sport et les traditions. »

Des livres de qualité, tous imprimés en France et dont romans ont été publiés en poche chez Folio.

Allez, zou, revenons a Las cinco menos cinco. José Tomas, El Juli, Rafaelillo, Andrés Roca Rey, Daniel Luque, Juan Bautista, El Pana, Manzanares fils, Andy Younès, Cristian Pérez, Joselito et Talavante, Juan Jose Padilla, Saul Jimenez Fortes, El Rafi, Patrick varin, Marc Marion, El Cid, Sébastien Castella, Isaac Fonseca, Marco Pérez, Paco Ureña, El Pantera, Lalo de Maria, Gines Marin, Morante de la Puebla, Jérémy Banti, Miguel Angel Perera, Jean-Luc Couturier, Jesus Enrique Colombo, Curro Diaz et Paco, Emilio de Justo, Antonio Ferrera, Chamaco, Pepe Moral, El Chino (Pedro Gomez), Juan Leal, José Garrido, Mehdi Savalli, Fernando Robleño, Diego Urdiales, Juan Ortega, Manuel Perera, Tristan Espigue, Diego San Roman ou encore Thomas Joubert, Enrique Ponce et Ivan Fandiño sont les portraits détaillés.

Les yeux de Blaise Volckaert se posent sur un moment de leur vie et donnent souvent un autre regard sur le sujet. Ses yeux d’aigle viennent capturer l’intensité, la peur, la joie, le doute, des moments d’intimité mais aussi des moments de liesse ou de torpeur. Chaque photo est pensée pour être ici et pas ailleurs. Chaque cliché apporte une idée en plus, une mention spéciale. Vous savez quoi ? Faites comme lui, comme eux en réalité. Mettez-vous dans un fauteuil confortable, quelques volutes et de bonnes odeurs devront vous côtoyer pour que l’expérience soit parfaite. Ouvrez le livre, savourez l’instant et regardez attentivement ce travail. Perdez-vous en le faisant.

C’est Christophe Chay qui vous ramènera tout en douceur à la réalité de la chose. Sur ses carnets il note tout. Véritable archiviste de la corrida en France, le journaliste au style qui lui est propre et dont les lecteurs (et auditeurs) se délectent. Technique, pointue, sans égo et avec des yeux dans le dos, l’écriture de Christophe Chay est complètement complémentaire à celle de Jacques Durand. Chacun dans son sitio, chacun une typographie différente.

Jacques Durand. Si on prend le parti de dire que Chay est l’analyste du trio (ce qui est un peu faux dans cet ouvrage), Durand est l’intellectuel qui n’intellectualise pas grand-chose. Il faut dire que quand on lit Jacques Durand, on se rend bien compte qu’on devient moins idiot. Il écrit avec une telle intelligence que les mots vous pénètrent et restent en vous, comme accrochés à des images. Jacques Durand associe les mots et les idées sans oublier les formes et le fond. Concis, juste, vrai.

Cet ouvrage vous livre trois manières de voir et de cerner un événement, une carrière, un instant, une vie. Ce livre est fait pour l’aficionado qui ne veut pas oublier, pour celui qui désire aller plus loin, pour l’impétueux qui a besoin de se tempérer, pour le mouligas qui a des envies de vélocité. Un livre qui s’adresse à la fois à l’aficionado de passage, à celui qui reste, même à celui qui ne peut plus aller aux arènes pour telle ou telle raison. On dirait même que le bouquin a été conçu pour que le grand public se l’accapare et découvre avec ces trois sensibilités complémentaires ce qu’est vraiment la tauromachie. Une rencontre entre trois toreros et leur public pour un moment unique dans l’espace et le temps.

A las cinco menos cinco aux éditions Passiflore, 30 euros.