ALÈS Le Parti communiste invite la presse au cœur d'une "passoire thermique"
Ce jeudi 5 janvier au matin, la section alésienne du Parti communiste français (PCF), engagée dans une campagne baptisée "Droit à l'énergie pour tous", a invité la presse locale à s'immerger au cœur d'une "passoire thermique". L'habitante choisie pour illustrer "la grande précarité" a témoigné anonymement.
Depuis quelques mois, la section alésienne du Parti communiste français (PCF) a initié une série d'évènements faisant écho à l'actualité. Ce jeudi matin, comme elle en a pris l'habitude, la section a délaissé le format traditionnel des conférences de presse pour inviter les médias locaux à rencontrer une Alésienne frappée de plein fouet par la précarité, laquelle est aggravée par la crise énergétique. Un cas concret pour illustrer un fléau qui tend à se "généraliser". "Aujourd'hui on est chez cette dame mais on aurait pu être ailleurs", admet l'élu d'opposition à la ville d'Alès, Jean-Michel Suau.
La "dame" en question, une "connaissance" du PCF alésien, a accepté d'ouvrir les entrailles de son logement à la presse locale et a réclamé la préservation de son anonymat. Nous l'appellerons Émilie. À 45 ans, cette maman vit seule avec son petit garçon de 11 ans, scolarisé dans un collège de la ville d'Alès. Arrivée en Cévennes en provenance de la capitale en 2015, la quadragénaire a pris possession en novembre 2020 d'un T3 de 60 mètres carrés au cœur d'une maison de ville établie dans le quartier des Près-Saint-Jean.
Un logement qu'elle loue à un propriétaire privé pour 480 euros par mois (+20€ de charges) et pour lequel elle bénéficie d'une aide au logement de 357€. Problème : Émilie vit dans une "passoire thermique". Autrement dit un logement inadapté beaucoup trop gourmand en énergie. À Alès, il en existerait "environ 7 000" selon Jean-Michel Suau, un chiffre qu'il assure tenir d'un "organisme officiel". Mais "ce n’est pas propre à Alès, c’est un phénomène national", précise fort justement l'élu communiste.
Pour chauffer la pièce à vivre et les deux chambres de son logement, Émilie ne peut plus compter sur sa clim réversible défectueuse qui ne fait "plus de chaud depuis quelques temps". Alors qu'il s'agit de l'unique mode de chauffage des lieux, son propriétaire aurait refusé de la changer. L'Alésienne a donc acheté un chauffage à bain d'huile et un petit chauffage soufflant, a priori dédiés à du chauffage d'appoint. "Je coupe tout quand mon fils part au collège", précise Émilie, qui profite de l'exposition plein sud de son salon pour faire des économies les jours de grand soleil comme aujourd'hui.
Pour s'en sortir c'est la débrouille
Car depuis son arrivée dans le logement il y a un peu plus de deux ans, la mère de famille ne cesse de voir le montant de sa facture d'électricité flamber. 173€ en novembre dernier, puis 224€ en décembre : son échancier de 124€ par mois est très régulièrement dépassé. Au point que le surplus des dépenses occasionnera sans doute une facture de régularisation de plus d'un millier d'euros. Une somme qu'Émilie ne pourra sans doute pas payer.
Sans emploi depuis deux ans, celle qui a quitté le milieu de la restauration "à cause du Covid" survit grâce aux aides. Ses revenus mensuels se résument à l'addition de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et d'un complément de RSA pour un total de 827€. Après avoir réglé les factures de la vie courante (50€ d'Internet et de téléphonie, 66€ d’eau, 27€ d'assurance, 52€ d'assurance voiture et environ 110 € de courses alimentaires), l'ex-parisienne revendique un reste à vivre de 300€. "Mais je ne compte pas l'essence pour la voiture et tous les frais pour mon fils. C'est un collégien, ça a des besoins", concède Émilie.
Pour s'en sortir, la mère de famille s'en remet à la débrouille. En mai dernier, elle a fait marcher "le jeu de la concurrence" en changeant de fournisseur d'électricité pour "limiter la casse". La nuit, alors que la température tombe sous la barre des 16° l'hiver, elle active ce qu'elle appelle le mode "pilou-pilou", autrement dit enfiler un pyjama bien chaud. "Depuis quelques temps je fais mon pain et mes yaourts moi-même", complète l'Alésienne.
Le PCF alésien réclame des mesures "plus globales"
Car sa situation financière, comme celle de nombreux français, devrait encore se dégrader dans les mois qui viennent. "Même avec le bouclier tarifaire de l'État, il faut s'attendre à 15% d'augmentation du prix de l'électricité. Ma crainte, c'est qu'on aille même au-delà de ces 15% comme le prédisent certains spécialistes", redoute Jean-Michel Suau, selon qui "les gens en grande précarité" souffriraient "plus que les autres" de la crise de l’énergie.
Changer de logement ? Émilie y pense tous les jours. "Je fais 8 à 12 visites d'appartement par mois", précise celle qui a fait une demande de logement social. La quadragénaire se dit prête à quitter Alès pour une commune de la périurbanité. Trouver un travail pour ne plus compter sur les seules aides de l'État ? La mère de famille y songe aussi. Elle assure avoir un projet relatif à "la réflexologie et le bien-être" mais peine à se lancer, quelque peu rebutée par "le contexte" économique actuel.
Présent à ses côtés ce jeudi matin, Giovanni Di Francesco pose une question : "Quels moyens donne-t-on aux propriétaires pour mettre aux normes les logements ?" Le secrétaire de la section alésienne du PCF met en exergue la "douceur" du début de l'hiver qui sauve un peu les meubles. Pour combien de temps ? Inquiets, Jean-Michel Suau et le Parti communiste alésien se disent "porteurs de mesures plus globales". "Au-delà du chèque énergie qui est nécessaire, on veut qu'il soit renforcer par une baisse de la TVA à 5,5%. Ça épongerait quasiment les 15% d'augmentation attendus en février. On milite aussi pour la déconnexion des prix européens de l'énergie, comme l'Espagne et le Portugal", développe l'élu d'opposition. En bref, "un retour à un marché de l'énergie régulé".