L'INTERVIEW Méryl Debierre, élue à Alès : « La parité en politique n’a pas vraiment aidé les femmes »
Conseillère municipale déléguée à la Jeunesse à Alès et désormais forte de dix années d'engagement politique, Méryl Debierre aborde sans détour les enjeux de la parité, la sécurité des élus, et présente les initiatives destinées à la jeunesse, tout en envisageant son avenir politique à l'approche du changement de maire.
Objectif Gard : La place des femmes en politique reste un sujet sensible et qui vous touche.
Méryl Debierre : C’est une question complexe. La parité, contre toute attente, n’a pas vraiment aidé les femmes. Personnellement, je ne suis pas pour, car cela mène parfois à ce que certaines femmes soient choisies uniquement pour remplir les quotas. Cela nuit à leur engagement et à leur image. Une femme en politique doit souvent prouver deux fois plus sa capacité, car les stéréotypes persistent : « Sois là, mais ne fais pas de vagues » ou encore « Sois belle et tais-toi ». Ces clichés et remarques sexistes sont encore très présents.
Comment vivez-vous personnellement cette pression ?
Pour ma part, je le vis plutôt bien parce que je suis préparée. Une femme en politique doit souvent faire face à des attentes supplémentaires par rapport aux hommes, devant correspondre à une image précise : être mariée, avoir des enfants… Je comprends que cela puisse décourager d’autres femmes qui sont moins prêtes. Certaines de mes collègues n’osent pas s’exprimer, de peur de dire quelque chose de travers.
« Être élue, aujourd’hui, c’est avant tout un engagement sincère, qui va au-delà du simple bénévolat »
Méryl Debierre, conseillère municipale à la ville d'Alès
Vous menez de front votre engagement politique à Alès mais aussi pour l'EPTB Gardons et la gestion de votre entreprise. Est-ce difficile de cumuler ?
C'est beaucoup de sacrifices et mon équilibre personnel en pâtit. Être élue aujourd’hui, c’est un engagement sincère. Dans les associations, le bénévolat est valorisé, mais pour un élu, l’implication est tout aussi intense, sans que l’indemnité puisse être considérée comme un salaire. Pour moi, il est important de sensibiliser davantage le public à la nature réelle de cet engagement. Beaucoup pensent que nous travaillons à la mairie, alors que ce n’est qu’une partie de notre engagement. Cet engagement me fait vibrer, mais ce n’est pas ce qui me fait manger !
« L’authenticité, pour moi, est la clé d’une relation saine entre élus et citoyens »
Méryl Debierre, conseillère municipale à la ville d'Alès
La sécurité des élus est un sujet de plus en plus préoccupant. Quel est votre avis sur la question ?
Il existe un réel danger pour certains élus, mais je me sens trop petite pour être menacée. Pour les femmes, cette insécurité est amplifiée. Je pense qu’il est urgent de renforcer la sensibilisation sur le rôle des élus pour désamorcer la méfiance qu’ils subissent. Enfin, je crois que l’authenticité est primordiale en politique. Beaucoup de politiciens pensent encore que le public ne comprendra pas tel ou tel choix. Pourtant, les gens préfèrent souvent qu’on leur explique les décisions, même impopulaires. Par exemple, dire clairement : « Nous devons augmenter les impôts parce que les dépenses de la ville augmentent, alors quelles solutions proposons-nous ensemble ? » L’authenticité, pour moi, est la clé d’une relation saine entre élus et citoyens.
Dans un contexte de restrictions budgétaires, le gouvernement Barnier a appelé les collectivités à réduire leurs dépenses, poursuivant ainsi les pressions initiées par Bruno Le Maire avant son départ. Comment réagissez-vous à ces critiques concernant la gestion financière des collectivités locales ?
C'est lamentable. Ces propos montrent à quel point l’État est déconnecté de la réalité des collectivités locales, notamment rurales. Les élus locaux sont quotidiennement en contact avec leurs administrés et doivent répondre à des besoins concrets que l’État ignore souvent. Il ne suffit pas pour le gouvernement de tenir des réunions pour affirmer qu’il nous écoute. D’ailleurs, si le gouvernement comprenait les difficultés locales, ces accusations sembleraient encore plus injustes. La situation est telle que je pense que des stages seraient bénéfiques pour que les responsables nationaux comprennent les défis quotidiens des maires de communes.
« La Maison de la jeunesse est devenue un lieu de ressource, pensé pour les jeunes et avec eux »
Méryl Debierre, conseillère municipale à la ville d'Alès
Quel bilan tirez-vous trois ans après l’ouverture de la Maison de la jeunesse à Alès ?
Il est extrêmement positif. La Maison de la jeunesse d'Alès est devenue un lieu de ressource, pensé pour les jeunes et avec eux. Elle centralise les informations et services pour éviter aux jeunes de devoir chercher de l’aide ailleurs. Au-delà de l’information, c’est un espace de rassemblement et de sécurité où les animateurs instaurent une relation de confiance et les accompagnent dans des domaines aussi variés que la santé ou l’orientation professionnelle. La fréquentation a même dépassé nos attentes. En ce moment, nous travaillons pour mettre en place un système de comptage, afin de mieux comprendre et quantifier les besoins spécifiques des jeunes. Ce projet nous permettrait de mieux cerner les habitudes de fréquentation, les créneaux les plus sollicités, et d’adapter notre offre en conséquence. En parallèle, nous projetons de renforcer l’implication des jeunes dans les politiques locales, afin de les associer aux décisions qui les concernent...
Selon nos informations, les États généraux de la jeunesse à Alès se tiendront prochainement... Pouvez-vous nous en dire davantage ?
L'agglomération d’Alès est effectivement engagée dans une consultation pour étoffer son offre de services à destination des jeunes. Cela passe par l’écoute active de leurs attentes. Christophe Rivenq (le président de l'Agglomération, NDLR) a notamment souligné plusieurs fois l’importance de cette démarche pour retenir les jeunes sur le territoire. Nous savons que les jeunes veulent des loisirs, des événements d’envergure, mais ces initiatives sont parfois restreintes par les budgets. On les entend dire « sortir à Alès, c'est nul. »
« Contrairement à certaines villes, nous ne souhaitons pas nous leurrer ni imposer des projets aux jeunes »
Méryl Debierre, conseillère municipale à la ville d'Alès
La proximité de pôles universitaires est également une priorité, et nous travaillons avec l’université de Nîmes pour renforcer l’offre locale en matière de formations et de logements étudiants adaptés (cliquer ici). L’Agglo d’Alès s’implique activement dans le programme national des Cités éducatives, qui a pour objectif d’offrir des actions innovantes en faveur des jeunes des quartiers prioritaires de la ville. Mais c’est en procédant ainsi que nous pourrons mieux orienter nos actions. Contrairement à certaines villes, nous ne souhaitons pas nous leurrer ni imposer des projets aux jeunes. Notre priorité est de les associer, pour qu’ils s’approprient pleinement les initiatives et qu’elles répondent réellement à leurs besoins.
Le maire d'Alès Max Roustan, passera le flambeau à son premier adjoint, Christophe Rivenq, dès 2025. Quels souvenirs garderez-vous de votre collaboration. Et envisagez-vous de poursuivre auprès de Christophe Rivenq ? Si oui, dans quel rôle ?
Dire que 2026 est « loin » serait une blague, car ça s'agite déjà beaucoup. C'est d'ailleurs très rigolo de voir le jeu se mettre en place. Depuis 2014, Max m'a offert une véritable opportunité, grâce à laquelle j’ai pu m’épanouir, évoluer et grandir en côtoyant des personnes de tous horizons. Cette expérience est devenue une passion, presque addictive, et je ne le remercierai jamais assez, quoi qu’il advienne par la suite. Non seulement il m’a donné ma chance, mais surtout il m’a fait confiance. À chaque fois que j’ai porté un projet, notre vision s’alignait naturellement, et il me soutenait pleinement. C’est aussi pour cela que je suis restée. Bien que n’étant pas forcément une élue politiquement correcte, j’ai toujours pu exprimer ce qui me dérangeait, tout en restant dans la forme. Sa dévotion pour Alès est indéniable et mérite le respect, il a transformé cette ville au-delà des attentes pour un ancien bassin minier. Avec Christophe Rivenq, l’Agglomération d'Alès dispose d’un visionnaire capable de porter cette transformation dans la continuité des efforts engagés. Si je devais m’engager en 2026, ce serait pour continuer dans cette dynamique, en accord avec mes valeurs personnelles. Mais cela ne se fera pas à n’importe quel prix : je tiens à conserver mon indépendance et rester fidèle aux principes qui m’animent. En ce moment, aucun engagement formel n’a été pris, mais si l’opportunité se présente, j’envisagerai de m’investir de nouveau pour servir Alès et poursuivre les initiatives menées avec Christophe Rivenq et Max Roustan.