Publié il y a 1 an - Mise à jour le 20.01.2023 - François Desmeures - 4 min  - vu 1104 fois

SAINT-JEAN-DU-GARD À la Borie, projet paysan et coopératif cherche souscripteurs pour assise financière

Plus de 200 personnes ont participé à la réunion publique

- (photo François Desmeures)

Alors que la mairie a retiré la vente préalablement confiée à la Safer, les partisans du projet agricole (fondé sur le rachat par Terre de liens et une SCI qui fonderait un tiers-lieu, relire ici) tenait ce jeudi soir une réunion publique, devant une salle comble, pour lancer financièrement le projet en récoltant des souscripteurs. Le député, Michel Sala, a apporté son soutien au projet.

Jacques Verseils et Françoise Clavairolle ont ouvert la réunion • (photo François Desmeures)

Après la décision du conseil municipal de retirer le mandat de vente à la Safer (relire ici), les tenants du projet Terre de Liens ont eu une bonne nouvelle le mardi : les deux recours déposés contre la décision du comité gardois (relire ici) avaient été acceptés à l'unanimité par le comité régional. Un désaveu régional à une décision départementale qui légitimait d'autant plus le projet Terre de Liens. 

Désormais, la municipalité attend les acheteurs potentiels. Et, selon le maire Michel Ruas (relire ici), ceux-ci peuvent être Terre de Liens comme n'importe quel autre. "Cela fait plus d'un et demi qu'il y a urgence", entame Jacques Verseils, président-fondateur de l'association Abraham Mazel et partie prenante du projet, en référence à l'expulsion des squatteurs, le 2 juin 2021. "Il faut faire revivre ce bien commun."

"Des enjeux plus collectifs et sociologiques"

Une notion de bien commun laissée à l'exposé de Françoise Clavairolle, ethnologue et auteure de l'ouvrage La Borie sauvée des eaux, en 2011, à la suite d'une étude menée à la fin des années 2000. Un travail qui "portait sur la notion de patrimoine, explique celle qui est aussi membre du comité scientifique du Parc national des Cévennes, mais aussi sur les témoignages qui montraient bien qu'il y avait des enjeux plus collectifs et sociologiques. Au fond, tous les acteurs du territoire avaient quelque chose à dire sur la Borie." Près de quarante ans après le "Non au barrage", "cette lutte est vécue comme un événement majeur"

Un événement joyeux à l'époque que l'âme de la soirée, Jacques Verseils, a tenté de réanimer en réclamant "de la joie" dans l'étape du jour et en appelant Pascale Hoeckman, de Terre de Liens, à expliquer le travail de la structure dont elle est administratrice. Créée il y a vingt ans, la structure s'est donnée pour mission de conserver les terres agricoles pour les agriculteurs. Cinq fermes lui appartiennent dans le Gard, deux en Lozère. Une ambition difficile à mettre en oeuvre dans les Cévennes, alors que le marché de l'immobilier est désormais très éloigné du prix des terres agricoles et que Terre de Liens, habituellement, n'investit pas dans le bâti. Une exception est néanmoins faite sur le projet de la Borie, afin de permettre aux deux agriculteurs (Frédéric Proust et Frédéric Blanc) de vivre à proximité de leurs parcelles. 

"Si on n'a pas un demi-million sur soi"

Michel Launay, toujours pour Terre de Liens, a ensuite énuméré les options agricoles choisies : activité maraîchère, fruitiers, plantes médicinales et petite transformation locale provenant des quatre hectares de terres agricoles. "Ce n'est pas rien de penser à s'installer dans un lieu emblématique comme la Borie", a ensuite témoigné Frédéric Blanc, qui pense développer du maraîchage bio ainsi qu'une activité autour des pins et des hectares de forêt. Le paysan a souligné la difficulté d'obtenir une terre pour un agriculteur, notamment dans les Cévennes "où, si on n'a pas un demi-million sur soi..." 

Les questions sont ensuite venues de la salle Stevenson • (photo François Desmeures)

Pour Terres vivantes en Cévennes, Hervé Parrain a donné des chiffres d'auto-suffisance alimentaire, ambition affichée par le programe alimentaire territorial d'Alès Agglo : 3 % pour Saint-Jean-du-Gard, 14 % pour le Gard dans son ensemble et 92 % pour la Lozère. "Et dans tous les cas, a ajouté l'apiculteur de Pallières, 90 % de la production sont exportés, ce qui veut dire qu'il faut en importer 90 %."

180 000 € à trouver

Après le témoignage des deux derniers occupants, Delphine Maillard et Patrick Pasanau - qui ont expliqué l'annulation de leur bail rural, raisons de terres actuellement en friche après des années d'exploitation - et qui souhaitent acquérir la maison qu'ils louent actuellement avec 9100 m2 de terrain, Christian Sunt a expliqué les projets du tiers-lieu qui s'implanterait dans la Borie haute, sorte de maison en symétrie aux parties reliées par une arche. Mise en place d'outils de transformation des châtaignes, auberge paysanne, café, petit atelier de conditionnement... Les projets ne manquent pas. Mais l'argent, si, pour l'instant. "Nous avons déjà 270 000 € de rassemblés, il manque 330 000 € et la SCI s'est engagée à prendre cette charge." Outre la présentation, l'enjeu de la soirée était donc de faire souscrire une bonne part des deux cents personnes présentes dans la salle Stevenson. L'emprunt, auprès de la coopérative bancaire la Nef, est assez bien engagé. "Mais pour qu'il se fasse, il faut une garantie." 

En clair, la Nef attend environ 180 000 €, d'argent frais ou d'engagement, pour débloquer les 150 000 € restants. Une part sociale de la société civile immobilière, c'est cent euros. "Si cent personnes donnent 50 € par mois pendant trois ans, on peut acheter", a insisté Christian Sunt. Pour Jacques Verseils, "nous avons un petit délai d'environ deux mois". Car s'il venait l'envie à la municipalité d'accepter une offre avant, les acteurs du projet espèrent bien que la Safer préemptera naturellement les terres agricoles, près la décision qu'elle a prise face aux recours déposés. Ce qui bloquerait un nouvel achat. 

L'espoir ultime serait même d'obtenir une réduction du prix. Pour Terre de Liens, Pascale Hoeckman avait déjà effectué une démarche auprès de Michel Ruas en vue d'acheter l'ensemble, en 2016. "La mairie nous l'avait alors proposé pour 200 000 €", témoigne-t-elle. Sept ans plus tard, la municipalité en attend 600 000 € et en espère même plus. Une illustration de plus du délire tarifaire qui s'est emparé de l'immobilier en Cévennes et s'est accentué avec le Covid. 

François Desmeures

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