Publié il y a 3 h - Mise à jour le 24.10.2024 - Stéphanie Marin - 4 min  - vu 55 fois

ARLES Mémorial pour les ouvriers indochinois : dix ans après...

Les frères Trinh et Jacques Lemaire, responsable de l’association du Vieux Saint-Chamas, devant le Mémorial national aux travailleurs indochinois à Salin-de-Giraud, le dimanche 20 octobre. 

- S.Ma

La stèle en hommage aux travailleurs indochinois, immigrés de force en France pendant la Seconde Guerre mondiale, a été inaugurée en octobre 2014 à Salin-de-Giraud.   

Une décennie s'est écoulée depuis l'inauguration de la stèle rendant hommage aux 20 000 travailleurs indochinois, immigrés de force pour la plupart, afin de servir l’effort de guerre de la France, non pas en tant que combattants, mais employés dans les usines d’armement, en charge des travaux les plus pénibles. Une oeuvre signée Le Ba Dang, érigée dans la cour de la mairie annexe de Salin-de-Giraud.

"Avant, il n'y avait pas d'histoire pour ces ouvriers arrachés de leur terre natale, on ne savait même pas que ça avait existé. Depuis dix ans, on en parle et on sait qu'en Camargue ça a compté", explique Fabrice Trinh, un des trois fils du Vietnamien Trinh Xûan Bô, lui-même un de ces travailleurs déracinés, alors âgé de 24 ans. Arrivé à Marseille le 8 juin 1940 par le bateau baptisé "Muinam", Xûan Bô Trinh était, parce qu'il parlait le français, interprète au sein de la 73e compagnie.

Les frères Trinh et Jacques Lemaire, responsable de l’association du Vieux Saint-Chamas, devant le Mémorial national aux travailleurs indochinois à Salin-de-Giraud, le dimanche 20 octobre.  • S.Ma

Près de 15 000 ONS (ouvriers non spécialisés) indochinois se retrouvent bloqués en France jusqu'à la fin de l'occupation allemande. Le service de la Main‑d’œuvre indigène (MOI), organisme civil dépendant du ministère du Travail, mettra alors ces déracinés à disposition des services publics et des entreprises privées. Entre 1940 et 1946, 2 000 Vietnamiens furent envoyés en Camargue dans les salines, 500 d'entre eux, par leur savoir-faire ont initié le développement de la culture du riz. "Des paysans vietnamiens qu'on a fait vivre dans des camps et travailler dans des conditions épouvantables, qui n'étaient pas considérés comme des humains", déplore Fabrice Trinh.

Le travail de Pierre Daum, journaliste et auteur de plusieurs ouvrages sur le passé colonial de la France, a levé le voile sur ce pan de l'histoire totalement enfoui, même les frères Trinh l'ignorait. "Notre père ne nous a jamais rien raconté", assure le fils cadet. Au Vietnam également, très longtemps les travailleurs indochinois recrutés en 1939 par l'armée française et revenus au pays dix ans plus tard, ont été considérés comme des traitres car assimilés à tort à des soldats de l'armée française, contre laquelle le peuple vietnamien s'est battu pour se libérer de la domination coloniale. 

Le Mémorial national aux travailleurs indochinois à Salin-de-Giraud. • Pierre Daum

Depuis la publication du livre de Pierre Daum Immigrés de force, les Travailleurs indochinois en mai 2009 aux éditions Actes Sud, un mouvement de reconnaissance a été engagé, notamment par des élus locaux. Hervé Schiavetti, le premier en décembre 2009. Alors maire d'Arles, il a remis une médaille de la Ville à dix de ces travailleurs encore en vie en décembre 2009. À Saint-Chamas en 2011, Sorgues et Bergerac en 2012, des hommages ont été rendus à ces ouvriers déracinés. "L'apothéose, c'est 2014, avec l'inauguration à Salin-de-Giraud, d'une stèle nationale, au sens où elle a été co-financée par l’État français. Le gouvernement a envoyé un représentant, le sous-préfet d’Arles, lequel a lu un très beau texte signé du secrétaire d’État aux Anciens combattant et à la mémoire", précise Pierre Daum. Et depuis, que s'est-il passé ? Quelles actions ont été menées pour la reconnaissance de ces travailleurs indochinois ? En 2015, une plaque a été dévoilée sur le Monument du souvenir indochinois, dans le cimetière Saint-Lazare de Montpellier. 

Une proposition de résolution en février 2020

En 2020, Stéphanie Do, alors députée La République en Marche, s’est emparée du sujet et a déposé au Parlement en février 2020 une proposition de résolution visant à acter la reconnaissance de la réquisition forcée de travailleurs vietnamiens lors de la Seconde Guerre mondiale, les souffrances que ces hommes ont vécues sur le sol de la métropole, et la complexité de leur rapatriement en raison des limitations apportées par l’administration française.

Le journaliste, grand reporter pour Le Monde diplomatique, a signé et co-signé plusieurs oeuvres sur ce sujet entre autres. "Ce n’est pas du tout une mission que je me suis donnée. Je suis convaincu que la société française est en souffrance d’un manque de connaissances historiques, c’est-à-dire sérieuse, honnête sur son passé colonial et, pour mettre tout de suite les pieds dans le plat, sur les crimes perpétrés au nom de la France dans un nombre très importants de pays autour du monde, explique-t-il. Donc en tant que citoyen français, je suis ravi de participer très modestement par mon travail à une amélioration ô combien nécessaire de la connaissance sur la colonisation française et en particulier les souffrances que l’entreprise coloniale française a provoqué chez des millions d’êtres humains à travers la terre.

Un Mémorial inauguré en 2025

Une connaissance que Pierre Daum continue à diffuser, regrettant toutefois "qu'il n'y ait pas, ne serait-ce que trois lignes sur le sujet dans les manuels scolaires". Il travaille actuellement sur un nouveau projet, centré sur les travailleurs indochinois passés par la poudrerie de Bergerac. Fait du hasard, le président Macron était en visite dans la cité périgourdine, au mois d'avril dernier, et a posé la première pierre d’une usine de poudre pour obus. Ce travail mené par le journaliste s'articule autour d'un livre, d'une exposition de photos d’archives, "mais aussi d'un mémorial". "Le président de la Communauté d'agglomération bergeracoise a décidé d’offrir tout un pan de mur de la mairie de Creysse, ville où se trouvaient les baraquements du camp des Indochinois." L'inauguration est prévue pour la mi-octobre 2025. Le Département de la Dordogne, la Région Nouvelle-Aquitaine sont partenaires, l'État a également été sollicité.

10e anniversaire de la stèle en hommage aux travailleurs indochinois

Une cérémonie a été organisée le dimanche 20 octobre à l'occasion du 10e anniversaire de la stèle en hommage aux travailleurs indochinois en présence de Myriam Le Huu, présidente de l’association Mémorial des ouvriers indochinois, Dinh Toan Thang, ambassadeur du Vietnam en France, Cécile Lenglet, sous-préfète de l’arrondissement d’Arles et Patrick de Carolis, maire d’Arles, président de l’Agglomération Arles Crau Camargue Montagnette, entre autres personnalités des sphères politique, associative et civile. 

du 10e anniversaire de la stèle en hommage aux travailleurs indochinois en présence de 

Myriam Le Huu, présidente de l’association Mémorial des ouvriers indochinois, Dinh Toan Thang, ambassadeur du Vietnam en France, 

Cécile Lenglet, sous-préfète de l’arrondissement d’Arles et 

Patrick de Carolis, maire d’Arles, président de l’Agglomération Arles Crau Camargue Montagnette, entre autres personnalités des sphères politique, associative et civile. 

du 10ème anniversaire de la stèle en hommage aux travailleurs Indochinois en présence de 

Myriam Le Huu, présidente de l’association Mémorial des Ouvriers Indochinois, Dinh Toan Thang, ambassadeur du Vietnam en France, 

Cécile Lenglet, sous-préfète de l’arrondissement d’Arles et 

Patrick de Carolis, Maire d’Arles, Président de l’Agglomération Arles Crau Camargue Montagnette, entre autres personnalités des sphères politique, associative et civile. 

Stéphanie Marin

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