Les grains de sable, encore frais à cette heure-ci, chatouillent les orteils. La montre n’affiche pas encore 10 heures, et déjà parasols et serviettes se multiplient le long du bord de plage longée par la promenade Jacques-Chirac. Dans notre dos, ces fameux et imposants immeubles pyramidaux qui ont façonné l’image de La Grande-Motte. Un autre champ de découvertes en direction du centre-ville qui s’ouvre aux visiteurs. Pour certains, la dernière balade dans cette station balnéaire héraultaise remonte à 30 ans en arrière.

C’est le cas de Ginette et Henri, 72 et 78 ans, rencontrés un peu plus tôt dans la matinée, à l’arrêt de bus Ernerst-Mattet à Montfrin, au niveau du rond-point de Navalet. Cette fois-ci la montre affiche 8 heures. Le duo, sac accroché dans le dos, est très vite rejoint par une bande de copines âgées de 69 à 80 ans. « Nous sommes des fidèles et ce depuis le tout début, lance Marie-France, 74 ans. Et cette année encore, nous sommes-là, tous les mardis depuis le mois de juin. » Le 14 juin précisément, date de lancement de la 13e saison du bus de la mer sur le territoire de la Communauté de communes du Pont du Gard. 

1€, "c'est symbolique"

Un dispositif qui permet de répondre à un double objectif. Le premier : rendre accessible à tous les habitants de la CCPG - soit environ 26 000 personnes - les bords de plage de la région grâce à un tarif des plus attractifs, 1€. « C’est symbolique. Mais au-delà du prix, pour nous, c’est un confort et une sécurité, car conduire à nos âges, surtout après une journée de plage, c’est plus difficile qu’avant. S’il n’y avait pas ce bus, nous irions beaucoup moins souvent à la plage », assure Marie-France. Mais pas question pour la septuagénaire et ses amis, membres de l’association Les Godillots Monfrinois, de faire la crêpe sur le sable. « Quand on est au Grau-du-Roi, on marche jusqu’à La Grande-Motte et inversement, ce qui fait 12km aller-retour. Mais on fait des pauses baignades quand même », précise-t-elle, amusée. 

Le bus de la mer propose cette année en plus des plages grand-mottoise et graulenne, une nouvelle destination, dans les Bouches-du-Rhône cette fois-ci : les Saintes-Maries-de-la-Mer. Soit des distances de 50 à 70km au départ de Montfrin, car le bus de la mer part également d'Aramon, d'Estézargues, Collias et autres communes du territoire en fonction des jours(*). Tenant compte de la hausse des prix du carburant, plus 4 centimes pour le gazole et plus 6 centimes pour l'essence entre juin et juillet 2023 selon les données du ministère de la Transition énergétique, l’économie n’est pas négligeable. D’autant qu’il faut ajouter les frais d’autoroute et de stationnement. 

"Une quarantaine de voitures en moins sur la route"

Ce dispositif permet aussi d’agir concrètement en matières de décarbonation, de développement durable. « Avec ce bus, c’est une quarantaine de voitures en moins sur la route », insiste le président de l’intercommunalité, Pierre Prat. 8h15, le bus blanc de la coopérative des autocaristes réunis, Cars du Duché, implantée à Uzès, s’immobilise à l’arrêt Ernerst-Mattet. Au volant, Christophe, 49 ans, large sourire aux lèvres. Claude, 74 ans, son fils, Grégory et ses petits enfants Julian et Ethan sont déjà bien installés, ils avaient embarqué à Comps.

Contrôle des tickets et ceintures attachées obligatoires, direction Meynes. Claude est toujours assise au premier rang, « c’est une habitude, et puis derrière, il y a les pies ! », souligne-t-elle, un sourire en coin. Cette Théziéroise chérit sa tranquillité, mais ne crache pas sur quelques bavardages tout de même. « Je suis habituée à être seule, c’est aussi pour ça que je prends ce bus, parce qu’on se retrouve avec les copines, on fait des rencontres avec des personnes qu’on ne voit jamais, malgré le fait que nous habitons à 5km de distance parfois. »

Un taux de remplissage d'environ 93%

Pour Claude, ces journées à la plage, elle s’en accorde jusqu'à deux par semaine, « c’est un moment de détente, on ne stresse pas au volant, on n’a pas à penser aux tâches ménagères à la maison, etc. » Et si elle en profite autant aujourd’hui et savoure ces temps de partage en famille ou entre amis, c’est parce que plus jeune, lorsqu’elle était encore professionnellement active, à la tête d’une exploitation agricole, Claude n’avait pas l’occasion ne serait-ce que de penser à s’accorder ces petits plaisirs.

Après un passage à Meynes et Saint-Bonnet, le bus ne fera plus aucun arrêt. Juste avant de s'engager sur l'autoroute A9, Christophe, le chauffeur, effectue un dernier comptage. En tout, 14 personnes ont embarqué à bord du bus de la mer ce mardi 8 août. « Il y a moins de monde aujourd’hui parce qu’il y a la fête votive de Montfrin. La semaine dernière, c’était complet », témoigne Marie-France. D'après les chiffres communiqués par Pierre Prat, le taux de remplissage cette année et pour l'instant, est d'environ 93%. En 2022, 1 264 personnes avaient bénéficié de ce dispositif, pour lequel la CCPG investit 21 000€.  

Une heure et demie plus tard, des cliquetis se font entendre. Le bus est stationné au niveau de l'arrêt Ponant à La Grande Motte, les ceintures sont détachées. Mais avant de laisser ses passagers franchir la porte du car, le chauffeur rappelle les consignes du retour : "Rendez-vous à 17h15 au même endroit, départ à 17h30, les habitués le savent, ce sera avec ou sans vous !" Jamais un passager n'a manqué à l'appel pour ce chauffeur, "mais c'est arrivé à un de mes collègues l'année dernière, une dame s'était trompée d'heure, pensant que le départ du retour était à 19h30." Elle avait dû rentrer par ses propres moyens. Une fois avertis, Marie-France, Claude et les autres passagers, ont pris pour la plupart le chemin de la plage, Christophe, quant à lui, comptait se dégourdir les jambes en ville, avant de reprendre le volant en fin d'après-midi.

*Le calendrier détaillé des tournées est disponible sur le site web : www.cc-pontdugard.fr