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Publié il y a 1 an - Mise à jour le 09.10.2023 - Sabrina Ranvier - 4 min  - vu 5939 fois

FAIT DU JOUR Cévennes : cet internat où on se met au garde-à-vous

Andréa Armand, Arthur Coulin, Yanis Sens et Cyprien Vetz, font partie des volontaires mis à l'honneur le 15 septembre car ils ont décroché le diplôme de premiers secours PSC1.

- Sabrina Ranvier

Ils ronchonnent à propos des livres trop longs à lire, s’emportent contre les emplois du temps trop chargés. Chaque année en septembre, la très grande majorité des ados de 17 ans retournent au lycée. Mais que deviennent ceux qui ont décroché ? Après avoir lâché un bac pro commerce, Yanis a cumulé des petits boulots. Arthur, Andréa ou Sirine possèdent un baccalauréat. Mais ils ont dévissé en BTS ou dans l’enseignement supérieur. Déboussolés, déscolarisés, parfois empêtrés dans des situations familiales compliquées, ils ont tous choisi volontairement d’intégrer l’Epide à La Grand'Combe. Dans cet internat de la deuxième chance, les 17-25 ans portent un uniforme, chantent la Marseillaise le vendredi. Mais, surtout, ils comblent leurs lacunes scolaires, passent leur permis et construisent des projets d’insertion.

Levée des couleurs, Marseillaise et accompagnement sur mesure

Filles ou garçons, ils ont tous entre 17 et 25 ans. 140 jeunes sont accueillis à l’Epide de La Grand'Combe. Tous déscolarisés, ils ont rejoint volontairement cet établissement public d’inspiration militaire.

Dans la cour, une horloge affiche l’heure en chiffres rouge vif : 8h00. Une centaine de jeunes attendent en rang autour d’une place ce vendredi 15 septembre. Ils fixent deux mâts, droit devant eux. Leurs tenues sont exactement les mêmes : un haut rouge carmin, un pantalon marine et des chaussures de travail noires. Seule fantaisie, leur polo est griffé du logo Epide. L’Établissement pour l’insertion dans l’emploi ou Epide, est un internat de la deuxième chance, où les jeunes volontaires restent maximum 24 mois. L’objectif : combler les lacunes, reprendre confiance et trouver pas à pas une solution pour se réinsérer. Il y a vingt Epide en France. Celui de La Grand'Combe a ouvert en février 2022.

Les volontaires sont rassemblés avec les cadres sur la place centrale de l'Epide à 8h. • Sabrina Ranvier

Marseillaise et vouvoiement de rigueur

Les coupes de cheveux des garçons sont bien nettes. Ici, les chignons, cheveux au vent ou autres crêtes ne sont pas les bienvenus. Une mèche sauvagement teinte en blond dans le week-end renvoie directement à la case maison. La chevelure des demoiselles est attachée, le maquillage inexistant. Les boucles d'oreilles sont admises uniquement si elles sont discrètes.

« Centre Epide, à mon commandement garde-à-vous ! » Une voix ferme surgit sous les mâts. C’est celle de Catherine Pech, la directrice. L’assemblée s’exécute. Deux volontaires hissent les drapeaux français et européens. « Allons enfants de la patrie, le jour de gloire est arrivé… » Un chœur formé par l’ensemble des volontaires et employés de l’Epide couvre le bruit du train qui passe en contrebas. À peine le chant terminé, la directrice invite « Monsieur Sgar » à la rejoindre au centre de la place. À l’Epide, les cadres vouvoient les volontaires et les appellent « monsieur » ou « madame ».

Pourquoi diable, monsieur Sgar est-il convoqué ? Il ne va pas être puni, mais mis à l’honneur. Entré fin août 2022, il a trouvé sa voie. Il part suivre une formation d’animateur de centre de vacances dans le Finistère. La cadre, responsable de sa section, dresse le portrait d’un volontaire « drôle, touchant, qui ne lâche rien ». Un peu gauche, un brin intimidé, l’intéressé remercie ses cadres puis lance à l’assemblée : « Croyez en vous et vous allez y arriver. »

Lorsqu’ils décrochent une formation, ou un emploi, ils ne sont pas « lâchés dans la nature ». Sirine Derfoufi a démarré le 1er septembre une formation en apprentissage d’un an à la Fnac d’Alès. « J’ai un contrat de soutien pendant trois mois : cela veut dire que je suis logée, nourrie, blanchie à l’Epide, le temps que je fasse une recherche d’appartement ». • Sabrina Ranvier

Cérémonie de mise en valeur chaque vendredi

Madame Andrea Armand, messieurs Arthur Coulin, Yanis Sens et Cyprien Vetz sont invités à le remplacer au centre de la place. Tous ont décrochés le PSC1, le diplôme de premier secours. Une première victoire. « C’est agréable d’être reconnu pour ce que l’on fait ». Un petit sourire éclaire le visage de Yanis, 19 ans. Le port de l’uniforme ne le gêne pas, chanter la Marseillaise non plus : « Cela donne l’impression d’appartenir à un groupe. Il y a une sorte d’union. On est réuni sous le drapeau. » Ce jeune homme à la barbe discrète a arrêté l’école en première bac pro commerce. Bucheron, animateur périscolaire… Pendant trois ans, il enchaîne les petits boulots pour aider sa mère. Pourtant, depuis tout petit, il sait ce qu’il veut faire : devenir policier. « Quand j’étais chez moi, c’était compliqué », reconnaît-il. Ce jeune homme, qui vivait dans un minuscule village vers Sommières, est entré à l’Epide avec son jumeau en juin. Depuis, il savoure les trois repas par jour : « On sait que quand on est ici, notre mère peut manger à la maison ».

Les volontaires sont logés, nourris, blanchis et perçoivent 460 € par mois. Yanis donne de l’argent à sa mère et en met de côté pour s’acheter une voiture. Tous les soirs, il révise le code de la route. Puis il passera son permis. « Au lieu de payer 1 200 ou 1 300 € dans une auto-école classique, en passant par l’Epide, cela nous reviendra à 350 € », s’enthousiasme Cyprien Vetz.

Yanis et Cyprien sont amis depuis leurs années collège à Pérols dans l’Hérault. Posé, très à l’aise à l’oral, Cyprien déroule un parcours scolaire classique, sans redoublement. Il a même décroché un bac pro mécanique auto avec mention. « J’avais terminé le premier trimestre avec 19 de moyenne. Mes parents ne croyaient pas en moi. Je voulais leur prouver que j’en étais capable », se souvient-il. Pourquoi n’a-t-il pas trouvé d’emploi dans la foulée ? « Personne ne veut embaucher un mécanicien auto qui n’a pas le permis », rétorque-t-il d’un sourire contrit. À la maison, personne ne peut le lui financer. Il y a d’autres soucis. « Mon père est malvoyant. Il travaille toujours. Mais les tentatives de suicide de ma mère, c’est moi qui devais les stopper. Pour un enfant, ce n’est pas facile à gérer », confie Cyprien. Aussi, quand Yanis lui a parlé de l’Epide, il a sauté sur cette bouée de sauvetage. Ils y sont entrés ensemble fin juin. Si Yanis vise le concours d’adjoint de police, Cyprien tentera celui de gendarme. Il veut être mécanicien dans la gendarmerie. Tests psychotechniques, cours de sport adaptés… L’Epide propose des entraînements spécifiques à ceux qui se destinent à porter la tenue.

Sabrina Ranvier

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