FAIT DU JOUR Hassan Amezian, ce Gardois qui utilise la nutrition « de manière chirurgicale »
«Le Gard est le 5e département français pour l’obésité », s’alarme ce natif de Bagnols-sur-Cèze. Ce trentenaire, qui a souffert d’obésité à l’adolescence, s’en est sorti avec une idée : aider les autres. Titulaire de diplômes universitaires en nutrition, il a créé Amezian. Avec son équipe comprenant des médecins et des infirmières, il a aidé en cinq ans, 3 000 personnes ayant des troubles hormonaux à perdre du poids.
Il gère une vingtaine d’employés et est en plein recrutement. Mais pas de frénésie ou de nervosité. Le regard d’Hassan Amezian est doux, bienveillant. La voix calme, posée. Cheveux bouclés, épaules carrées, il se dégage une force tranquille de ce natif de Bagnols-sur-Cèze. Difficile d’imaginer que le parcours scolaire de ce trentenaire a été « jonché d’injures ». « J’ai eu une problématique personnelle d’obésité, j’ai énormément souffert à ce moment-là », confie ce fils d’un couple de commerçants. À 13 ans, il pèse 117 kilos.
Spirale infernale des régimes
Il essaie de se priver de nourriture, tombe dans « la spirale infernale » des régimes et se retrouve avec des troubles alimentaires, des fringales nocturnes. Comment s’en sortir ? Il se documente, s’intéresse aux mécanismes hormonaux. Il en est persuadé : le corps est comme une montre, il suffit de trouver les bons rouages pour contrôler la prise de poids. Au lycée, il parvient à se délester de 37 kilos. La première dizaine s’envole en trois-quatre mois. Sans privations drastiques, simplement en adaptant son alimentation. Il mise sur des œufs avec de l’huile d’olive au petit déjeuner avant d’opter pour la formule fromage blanc-amandes-fruits rouges : « Paradoxalement, j’avais moins de coups de pompe après. » Pourquoi donc ? « Ce n’est pas une bonne idée pour les personnes en fort surpoids de prendre du pain et des céréales le matin car cela diminue leur taux de cortisol, assure-t-il. C’est un peu comme si on demandait d’entrée de jeu une mise au repos ». Le cortisol est « un peu le moteur de notre corps, c’est une hormone qui permet de crée notre énergie à partir des graisses ».
À l’adolescence, lorsqu’il était en surpoids, Hassan était « très stressé », avait du mal à dormir. « Trop de stress emmène une prise de poids », analyse-t-il. Pour dompter ses problèmes de sommeil, il choisit de consommer les glucides, pâtes, pain ou riz, principalement le soir. Les glucides permettent « de libérer le tryptophane dans le sang, un acide aminé que le corps utilise pour créer la sérotonine ». La sérotonine, c’est le fameux neurotransmetteur du bien-être : « Le corps l’utilise pour sécréter de la mélatonine et la valentonine pour permettre d’entrer dans le sommeil. » Les glucides le soir lui permettent de mieux dormir. Il se sent mieux. Le cercle vertueux s’enclenche, la perte de poids aussi.
Boulimie de diplômes
Il quitte le lycée avec une idée : aider les autres à s’en sortir avec leurs problèmes de poids. Inscrit à l’université de Montpellier, il se passionne pour le sport et avale avec voracité les diplômes. Il passe une licence de biologie spécialisée en neurosciences et endocrinologie ainsi que trois Diplômes d’Université (DU) en nutrition. Il poursuit en master à Lyon, mais raccroche à la fin de la première année : « Je voulais exercer avec des personnes, pas être enfermé dans un labo à malmener des souris ou à jouer avec des pipettes. » Il devient notamment vacataire à la faculté de Staps de Montpellier où il enseigne les neurosciences et la biologie. Il en profite pour passer en deux ans une licence de Staps.
En 2019, il devient champion de France universitaire de "force athlétique". Le Bagnolais s’entraîne alors deux à trois heures par jour. Impossible aujourd’hui. Il est passé à deux heures tous les deux jours.
Chef d’entreprise
Il a une autre priorité : sa société Amezian. Il l’a créée il y a cinq ans. Elle regroupe une vingtaine de personnes dont notamment trois médecins et des infirmières diplômées en nutrition. Tous sont Français et exercent en France. Hassan, lui, vit en Estonie où il travaille avec deux professionnels du digital. « Je ne m’y suis pas du tout installé pour des raisons fiscales. Les taxes sont quasiment les mêmes, précise-t-il. Mais en Estonie, on vous met tout à disposition pour réussir. En termes d’administratif, c’est tellement plus simple et il y a une grande compétence des personnels dans le digital ».
La prise en charge par Amezian dure trois mois. « Le but est d’éduquer la personne au fonctionnement de son corps, de la rendre autonome », précise Hassan. Tout démarre par un entretien gratuit en visio avec une infirmière. Il dure entre 45 minutes et 1 heure. « Que la personne adhère ensuite ou non, elle reçoit déjà des conseils gratuitement », souligne Hassan. Si la personne choisit de suivre le programme, elle enchaîne par un entretien avec un médecin qui prescrira un bilan hormonal très poussé. Ils adaptent la prise en charge en fonction du résultat. « On utilise la nutrition de manière chirurgicale », résume Hassan. Toutes les deux semaines, un bilan d’évaluation est fait. Une nouvelle prise de sang approfondie est réalisée au bout de trois mois. Ces trois mois de suivi coûtent 747 €.
Travail d’équipe
« Franchement, Hassan est très bienveillant. Il ne fait pas cela pour l’argent », estime le docteur Rania Ouddane. Cette généraliste, qui exerce en cabinet en région parisienne et en visio via le réseau Qare, a fait la connaissance d’Hassan Amezian, par hasard, il y a un an, via des patientes. Elle ne veut pas lâcher sa patientèle, mais accepte de prendre en plus des patientes suivies par Amezian. Elle parle quasiment tous les jours avec lui et échange parfois le samedi à 22h. « C’est vraiment un acharné de travail, confirme sa compagne Aurialine Pillon. Il est très persévérant. Quand il a un objectif, il va se donner à fond pour y arriver. Il veut aider un maximum de personnes ». Celle qui a exercé comme infirmière en cancérologie le connaît depuis deux ans. Après s’être formée à la nutrition, elle a intégré Amezian l’an dernier. Avec un nutritionniste, elle s’occupe notamment du suivi des patients qui peuvent les contacter par Whatsapp. Ils peuvent envoyer des photos de leurs repas. « Ils nous envoient parfois un message ‘je suis au resto, qu’est-ce que je prends ?’. Si c’est dans nos horaires d’ouverture, on répond », sourit-elle.
Pour Hassan, c’est essentiel d’être entouré de différents profils : des infirmières formées en nutrition habituées à accompagner des patients au quotidien, des médecins généralistes ou endocrinologues. Chacun son rôle. « J’ai eu la semaine dernière une dame avec une insuffisance surrénale », raconte le docteur Ouddane. Cette femme, qui souffrait de problèmes de poids, était fatiguée. Les premières analyses faites par son médecin traitant n’avaient rien révélé. Amezian lui prescrit un bilan métabolique poussé en dosant notamment le cortisol. « Elle avait une insuffisance surrénale sévère. Elle a eu besoin de médicaments, ajoute le docteur Rania Ouddane. J’ai prescrit une IRM des surrénales en urgence ainsi qu’un bilan biologique complémentaire afin d’évaluer l’origine primaire ou secondaire de cette insuffisance surrénalienne et elle a été aiguillée en urgence vers un endocrinologue ». Elle précise que pour les insuffisances surrénales légères, des conseils nutritionnels adaptés peuvent améliorer le taux de cortisol sous réserve d’un suivi. « Par exemple, en cas de fatigue surrénale légère, il faut augmenter les protéines et faire prendre plutôt les glucides le soir », ajoute Aurialine Pillon.
En cinq ans, 3 000 personnes ont fait appel à Amezian. « Je ne m’attendais pas à un tel essor, admet Hassan. C’est un peu inquiétant de voir qu’autant de personnes sont en détresse au niveau du poids et du mal-être hormonal ». Il en est convaincu, tout doit passer par l’éducation. Il a commencé à écrire un livre et espère qu’il va sortir le plus vite possible. Il reviendra sur son parcours mais donnera aussi des conseils.
Attention aux privations et au stress
Certaines personnes mangent des salades, des graines et ne maigrissent pas. Pourquoi ? « Vous pouvez faire Koh Lanta et ne pas manger pendant 40 jours et vous ne perdrez pas un gramme si le métabolisme est bloqué », caricature le docteur Ouddane. « Une des erreurs pour maigrir, c’est la privation. Elle peut engendrer des carences et les gens peuvent se retrouver en hypothyroïdie », renchérit Hassan Amezian. La thyroïde est un peu le chef d’orchestre du métabolisme. En fonction de la quantité d’hormones qu’elle sécrète, elle peut l’accélérer ou le ralentir. Et quand le métabolisme rame, on stocke du gras, on s’épuise... Hassan Amezian et le docteur Ouddane pointent un autre facteur de prise de poids : le stress. Les glandes surrénales envoient le matin une bonne dose de cortisol pour mettre en route la machine. Il diminue ensuite dans la journée. Pour faire face au stress, le corps sécrète d’autres pics de cortisol. Ce qui peut, selon Hassan, amener à stocker de la masse grasse au niveau du ventre ou même bloquer la synthèse et la conversion d’hormones thyroïdiennes.