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Publié il y a 4 mois - Mise à jour le 14.07.2024 - Corentin Corger - 5 min  - vu 3570 fois

FAIT DU JOUR Le Manduellois Mehdi Rahmouni, arbitre assistant de la finale de l'Euro

Mehdi Rahmouni avec sa tenue officielle de l’Euro 2024.

- © Photo UEFA

Originaire de Manduel, l’arbitre assistant de 35 ans dispute l’Euro 2024 de football et les Jeux Olympiques. Il a été retenu pour arbitrer aux côtés de François Letexier la finale de l'Euro, ce soir, entre l'Espagne et l'Angleterre. 

Né à Bastia, Mehdi Rahmouni est arrivé dans le Gard à quatre ans du côté de Manduel. Licencié du club de foot de sa commune, il commence véritablement l’arbitrage à 15 ans. « J’étais contestataire, je râlais. Je ne comprenais pas toutes les décisions. Alors j’ai voulu apprendre les règles pour mieux maîtriser ce sport », se souvient-il. Pris de passion pour le sifflet noir, il gravit les échelons et passe rapidement du district Gard-Lozère à la Ligue Occitanie. Entre jouer et arbitrer, le Manduellois a été contraint de faire un choix : « Ça commençait à devenir problématique car j’arbitrais les équipes contre lesquelles je jouais. »

Un choix difficile pour l’intéressé qui perd l’esprit d’équipe et se retrouve désormais seul dans son camp. Mais Mehdi se prend au jeu même si à 18 ans, il ne pense pas encore à en vivre. Étudiant dans le secteur bancaire la semaine, l’arbitre central continue de s’épanouir le week-end au niveau régional. Jusqu’à un match de D1 féminine entre Montpellier et Lyon où il évolue en tant qu’assistant. « L’élément déclencheur car après je me suis orienté sur la filière assistant », confie-t-il alors qu’il est conseillé par Claude Bouillet et Sandryk Biton, deux anciens arbitres. Ce dernier a eu « un rôle important » dans la formation de Mehdi.

Mehdi lors de la finale de la Youth League. • © Photo UEFA

Du National à la Ligue 1 en deux ans et demi

Après des années en CFA, CFA2, le Gardois est reçu par la Fédération française de football en 2013 et peut désormais officier en National. Une première étape dans sa carrière alors qu’il travaille en parallèle comme banquier pour des grandes entreprises. « Mon premier match en National je le fais avec François Letexier qui débute aussi. Le feeling passe bien du coup on a formé une équipe ensemble ». Une collaboration qui s’est transformée en amitié et qui fêtera ses dix ans cet été. Même si les deux hommes sont séparés quelques temps car, dès la saison suivante, M. Letexier évolue déjà en Ligue 2 et même en Ligue 1.

Mais Mehdi progresse vite aussi et accède au deuxième échelon après deux saisons en National. De jeunes arbitres de 25 ans qui surfent sur une politique de rajeunissement des effectifs de la part de la FFF qui souhaite créer un vivier de jeunes talents et les emmener rapidement dans les championnats professionnels. Le Gardois fait partie de ces pépites et, après seulement six mois, il se retrouve déjà en Ligue 1 en janvier 2017. Une prouesse et l’occasion de retrouver François Letexier. Depuis 2017, ils forment un trio en compagnie de Cyril Mugnier. L’ascension est fulgurante : finale de la Youth League (Ligue des champions U19), Euro U21, des affiches de Ligue 1 (OM-PSG) et la finale de Coupe de France Monaco-PSG en 2021.

« La Marseillaise, ça nous prend aux tripes »

Si le covid et la jauge limitée à 5 000 spectateurs avaient gâché la première expérience, le trio a été désigné pour la finale de la Coupe de France de mai dernier (victoire 2-1 du PSG face à Lyon) dans la plus vieille des compétitions. « C’est un accomplissement ! Quand on chante La Marseillaise, ça nous prend aux tripes et ça donne des frissons de voir tous les Français unis dans le stade. Serrer la main au président de la République c’est aussi inoubliable », raconte Mehdi, encore des étoiles dans les yeux, qui a vécu ce moment avec sa famille, ce qui est plutôt rare.

L’année 2024 a été riche en émotions pour l’arbitre de touche devenu international en 2018 et élite en 2022, ce qui lui permet d’arbitrer toutes les plus grandes compétitions. Coupe du Monde U20, finale de la Supercoupe de l’UEFA, demi-finale de Ligue Europa ou encore un quart de finale spectaculaire de Ligue des Champions entre le Real Madrid et Manchester City (3-3). « On touche le foot de très haut niveau avec une intensité très élevée. J’ai l’impression de vivre un rêve éveillé. Quand j’ai commencé à Saint-Quentin-la-Poterie, je ne pensais pas arbitrer un jour à Bernabeu, c’est un honneur et une fierté d’avoir commencé dans le Gard et de représenter ce département. »

Le Nîmois au stade Santiago Bernabeu de Madrid. • © MR

Benzema et Verratti

Le plaisir d’arbitrer un match d’un tel niveau et surtout le soulagement de ne pas se retrouver au cœur d’une polémique le lendemain, « quand on ne parle pas de nous, c’est que l’on a fait notre match. » Concentré de manière optimale, l’assistant est focalisé sur le jeu pendant 90 minutes et ne savoure l’instant qu’au coup de sifflet final. « Les tifos je les vois le lendemain à la télé », plaisante-t-il notamment au sujet d’un classico au Vélodrome où « l’atmosphère est différente et demande d’élever le seuil de concentration. » Il était aussi présent, le soir du match reporté entre l’OM et Lyon après le jet de pierres sur le bus lyonnais qui a blessé le coach Fabio Grosso : « Pour n’importe quel acteur, on n’aurait pas disputé le match. Dans ces moments-là, les familles du foot doivent être unies. »

Des souvenirs, surtout des bons, Mehdi en a forcément en pagaille. « J’ai beaucoup apprécié la classe de Karim Benzema, son comportement exemplaire. Il ne discute jamais les décisions. » Dans un autre registre, il se souvient aussi d’échanges avec Marco Verratti, l’Italien réputé au contraire pour son sens de la contestation, « ce n’est jamais méchant, il veut juste débattre mais il oublie que le match doit continuer. »

JO de Paris : « Une opportunité unique dans sa vie »

La généralisation de la VAR est un outil non négligeable dans sa mission. « Avant la VAR, quand on se trompait, on ne dormait pas la nuit qui suivait. Désormais, les nuits sont moins difficiles. Cela rétablit la justice sportive ». Mais la technologie n’évite pas les erreurs et l’arbitrage reste basé sur l’interprétation. Alors Mehdi est le prolongement des yeux de François, « sur certains angles, je sais parfaitement à quel moment il a des doutes. On se connaît vraiment bien », explique l’assistant qui peut communiquer en direct via un micro et des oreillettes.

Pour couronner cette saison exceptionnelle, le trio a été sélectionné pour disputer l’Euro 2024 (14 juin – 14 juillet) et fait partie des plus jeunes arbitres retenus, « ça a toujours été un objectif mais on ne s’en doutait pas. » Avec celle de Clément Turpin, la France a deux équipes d’arbitrage durant ce tournoi, une véritable performance. « L’arbitrage français se porte bien, on ne sélectionne pas deux arbitres pour faire plaisir, les résultats sont là. Le travail finit toujours par payer. » En phase de poules, il a officié lors de Croatie-Albanie et Danemark-Serbie.

Pour Mehdi, pas de vacances cet été mais l’aventure en vaut la peine. Car dès la fin de l’Euro, il enchaîne avec les Jeux Olympiques (26 juillet – 11 août) et un regroupement prévu dès le 18 juillet. Pour le coup, son trio sera le seul représentant tricolore. « C’est une opportunité unique dans sa vie, ça restera une histoire que je raconterai à mes enfants. » Encore débutant au très haut niveau, Mehdi veut s’y installer durablement en espérant pourquoi pas un jour arbitrer une finale de Coupe du Monde ou de Ligue des Champions.

Très attaché au Gard, l’assistant vit à Nîmes avec sa famille et est rattaché au club nîmois de l’Académie Univers où il éduque les jeunes joueurs à l’arbitrage. De quoi peut-être susciter des vocations et l’envie de suivre la même voie que Mehdi, porte-drapeau de l’arbitrage gardois à l’international

Corentin Corger

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