Les décors ne sont pas souvent observés à leur juste valeur, encore moins sur le petit écran. Ils révèlent pourtant une ambiance, un contexte social, une époque… Bien sûr, quelques erreurs peuvent parfois être commises, des anachronismes le plus souvent. L’affaire de la bouteille d’eau en plastique sur la photo de promotion de la série britannique « Downton Abbey » en est un bon exemple.

Pour éviter cela, les équipes doivent avoir l’œil et précis comme lorsque l’on passe le fil dans le chas. Il en va de la crédibilité du programme aux yeux du spectateur. Et cela jusque dans le détail, les nappes, les rideaux, les coussins. Certains chefs décorateurs décident, les petites mains exécutent. Thierry Lautout n’est pas de ces hommes-là, « il a ses idées, mais pour autant, ce matin (jeudi 5 septembre, NDLR) lorsque nous étions sur le plateau de tournage pour prendre des mesures, il m’a demandé mon avis », témoigne Marina Sido. Le plateau de tournage cité par la quadra pétillante est un de ceux de la série "Escort Boys". L’enregistrement des scènes de la deuxième saison a démarré ce lundi 16 septembre. La première saison tournée en partie dans le Gard, à Aigues-Mortes par exemple, mais aussi dans les Bouches-du Rhône à Arles et dans l’Hérault ; et diffusée en fin d’année 2023 a eu l’effet d’un raz-de-marée sur Amazon Prime Video.

« Escort boys » la première saison tournée en 2021 en Camargue

L’adaptation française et libre de la série israélienne "Johnny and the Knights of Galilee", nous emmène donc au pays des flamants roses, des chevaux et des taureaux, pour suivre les aventures de quatre garçons en galère, tombés dans l’escorting pour sauver le domaine apicole de leur enfance. Coachés par la petite sœur du groupe qui dirige cette “entreprise” unique dans la région, ils devront se mettre au service des femmes et à travers leur désir… Thierry Lautout a fait lui-même le "pitch" à Marina Sido alias La Nine de Camargue en 2021. « Le tournage de la saison 1 avait déjà démarré, se souvient-elle. Thierry a sonné à ma porte, on ne se connaissait pas. J’ai dû le faire attendre car je devais aller chercher les enfants à l’école ! » Comment ce chef-décorateur parisien s’est-il retrouvé devant le domicile de la Saint-Gilloise ? C’est tout simplement la société nîmoise TissuChoc qui a fait le lien entre les deux clients. « Thierry avait besoin d’une nouvelle couturière. Quand il m’a expliqué le projet, j’ai tout de suite accepté. Je n’avais jamais travaillé pour le cinéma, ni la télévision, cette opportunité s’est présentée à moi. Je ne pouvais pas refuser, c’est une expérience incroyable et originale », explique-t-elle.

« Je cousais les torchons de ma mère »

De toute façon, la nouveauté ne lui fait pas peur, après des études de droit et un passage à la Cour pénale internationale à La Haye, « j’ai décidé d’envoyer un coup de pied dans la fourmilière, de tout plaquer, ce n’était pas pour moi, ça ne me correspondait pas. » Tout plaquer d’accord, la reconversion professionnelle est devenue chose courante, mais pour faire quoi ensuite ? Un métier qui l’anime vraiment. « J’ai eu ma première machine à l’âge de 3 ans. Je cousais les torchons de ma mère. » Des souvenirs qui ont rejailli 30 ans plus tard. Marina est alors devenue couturière, un métier indispensable alors que l’anti-gaspi même en matière de vêtements gagne du terrain. Toutefois la Saint-Gilloise ne se contente pas de rafistoler, elle crée aussi, du sur-mesure jusqu’aux accessoires de mode (sacs, bijoux, chapeaux etc) en tissu, toile de jute ou en cuir.

Adeline Blondieau et la Nine de Camargue

Et après une dizaine d’années d’expérience et la création de sa société sous le nom La Nine de Camargue, Marina a trouvé sa signature : le couverton. Sacs à main, bananes, cartables… Ce qui originellement fait office de tapis de selle pour les gardians est décliné sous toutes les formes. Ces articles qui reflètent l’identité camarguaise ont trouvé leur public. La comédienne Adeline Blondieau, l’une des héroïnes de la série Sous le soleil, est l’heureuse propriétaire d’une banane XXL et en fait volontiers la promotion sur les réseaux sociaux. La marque bénéficiera d’un autre joli coup de projecteur puisque des créations de Marina, notamment des coussins en couverton, seront visibles dans la saison 2 d’Escort Boys. Le rôle de Marina ne s’arrête pas là, elle doit habiller l’ensemble des décors de la série. « Pour une seule maison, il y a douze fenêtres, chacune compte quatre rideaux et les dimensions sont parfois spéciales. Tout ça pour un ou deux épisodes », s’amuse-t-elle. Mais il y a aussi les nappes, les draps etc. Une masse de travail importante, l’intéressée ne rechigne jamais à se retrousser les manches, même si les commandes peuvent paraître surprenantes. Car les mesures sont parfois étranges, voire disproportionnées, sans que cela ne se voie de l’autre côté de l’écran. « Tout est calculé pour que le rendu soit le plus esthétique possible. »

« Sur la première saison, comme ils sont venus me chercher en cours de tournage, il a fallu gérer les urgences. Ça a été très tendu mais à la fois très excitant. Je l’ai vécu comme un challenge parce qu’après tout, ce n’est pas mon métier. Je suis très heureuse de faire partie de l’équipe pour cette deuxième saison et puis cette fois-ci, on a pu anticiper. » La Saint-Gilloise a même pu découvrir le plateau de tournage en construction, elle ne s’y était jamais rendue en 2021. Car tout se passe dans son tout petit atelier, au sein de son domicile. Voir son nom serait une fierté pour la couturière et il faut bien le dire une jolie carte de visite. On ne sait jamais si d’autres producteurs de séries tournées dans notre région ont besoin de ses services...