LE DOSSIER « L’objectif serait que nos étudiants réservistes défilent pour le 14-Juillet »
IMT mines Alès a signé un partenariat et été distinguée par la garde nationale.
L’école d’ingénieurs alésienne IMT mines Alès a remporté le prix de la garde nationale en mai 2023. « L’objectif maintenant serait que nos étudiants réservistes puissent défiler pour le 14-Juillet et là, on aurait tout gagné », sourit Assia Tria, la directrice de l'établissement. L’école d’ingénieurs a signé une convention avec la garde nationale en 2020. L’idée est partie d’un étudiant. Le dispositif est monté en puissance. 23 étudiants se sont engagés dans la garde nationale cette année. En tout, 38 élèves de l’école sont réservistes. 3/4 d’entre eux sont des garçons. L’école aménage leur parcours. Ils suivent leurs 15 jours de préparation militaire sur une semaine de vacances scolaires et sont autorisés à ne pas suivre les cours à l’école la semaine suivante. Missions de terrain, stages... Au total, ils peuvent avoir six à sept mois dans leurs parcours en lien avec la garde nationale. Leur diplôme porte la mention « réserviste ».
« Les premiers diplômés sont toujours réservistes. Certains sont employés dans des entreprises travaillant en partenariat avec l’armée », indique Didier Aubaret, fonctionnaire de défense. Cette convention a permis de renforcer les relations de l’école avec le ministère de l’Armée et de l’Intérieur : « Cela nous a permis de trouver de nouveaux contrats de mission et de recherche. » Cela lui permet aussi d’attirer des étudiants qui n’ont pas pu accéder aux sélectives écoles militaires comme Saint-Cyr ou navale.
« Les réservistes sont essentiels au quotidien dans la gendarmerie »
30 gendarmes « à temps partiel » sont sur le terrain tous les jours dans le Gard. Cet été, à cause des Jeux Olympiques, le département ne bénéficiera pas de renforts estivaux. Il devra notamment miser sur les réservistes.
Mercredi 28 février 17h. Casque vissé aux oreilles, deux personnes, une femme et un homme, très concentrés, répondent aux appels du 17. Pas le temps de se poser. Il faut être réactif et savoir bien évaluer la situation pour prendre les bonnes décisions. Face à eux, sur un écran géant est affiché la carte du département avec les positions des différents véhicules de gendarmerie. La femme est gendarme à 100 %. L’homme est réserviste. Cet ancien gendarme a choisi de garder un pied dans l’institution et de rejoindre la réserve opérationnelle.
Infirmier, psychiatre, DRH…
« Les réservistes sont essentiels au quotidien », tranche le général Éric Chuberre, commandant de groupement du Gard. La gendarmerie du Gard comporte 850 militaires d’active et 500 réservistes. En moyenne, 30 réservistes de la gendarmerie sont sur le terrain tous les jours. Certains sont d’anciens militaires. Les autres viennent de tous horizons. Le lieutenant-colonel Veyrenc, conseiller réserve du général, passe son doigt sur un graphique : « On a 10 % de professions intermédiaires, 32 % d’employés, 10 % de cadres et professions libérales… J’en ai entre 20 et 30 de l’hôpital de Nîmes. » Un de ses réservistes est directeur de CFA à Alès, un autre médecin psychiatre. « On a un directeur général des services d’une communauté de communes, le directeur des ressources humaines d’un grand service de l’État », énumère le lieutenant-colonel Veyrenc, lui-même réserviste. « Avant d’être affecté dans le Gard, j’étais dans le Loir-et-cher, se souvient le général Chuberre. Le directeur du zooparc de Beauval était adjudant de la réserve opérationnelle. Il partait faire des patrouilles. C’était quelque chose qui mettait du piment dans sa vie ». Il considère que ces profils différents, cette réserve est « une richesse infinie ».
Cruciaux l’été prochain
Répondre au 17 est réservé aux anciens gendarmes expérimentés. Les autres sont intégrés directement dans les unités. Cet été, à cause des Jeux Olympiques, leur rôle sera encore plus crucial. D’habitude, le département bénéficie de 65 gendarmes mobiles de plus en renfort en période estivale pour gérer notamment les zones touristiques. Impossible cette année. « On va devoir compenser par des restrictions de permission et par l’emploi de la réserve opérationnelle, reconnaît le général. Sur le Grau-du-Roi, j’en aurais besoin nuit et jour ». Il compte créer des « task force » spécialisées sur différentes activités comme les fêtes votives par exemple. Certains réservistes vont aussi partir aux JO.
300 candidats postulent chaque année pour être réservistes dans la gendarmerie dans le Gard. Il faut avoir 17 ans, la nationalité française et jouir de ses droits civiques. Les candidats passent un premier entretien individuel. Leurs antécédents judiciaires sont contrôlés, puis ils rencontrent un médecin du service de santé des armées. Si les feux sont au vert, le candidat suit une préparation militaire gendarmerie de deux semaines. Il aura ensuite une autre période de formation de cinq jours. Environ 110 sont retenus : « Une quarantaine se retirent d’eux-mêmes, une quarantaine ne sont pas gardés à cause des antécédents judiciaires et une quarantaine sont éliminés par le service de santé militaire. »
Parole d’experte
Céline Bryon-Portet, professeur de sociologie, université Montpellier III
Objectif Gard : 73 % des Français ont confiance dans l’armée, selon le Cevipof, c’est six points de plus que l’école. Comment expliquer ces chiffres ?
Céline Bryon-Portet : La confiance est un sentiment qui fluctue en fonction du contexte, de l’évolution du pays. On est dans une période de crise depuis quelques années. Il y a une crise économique aggravée par le problème de l’énergie. Cela entraîne une crise sociale qui se manifeste actuellement avec la crise des agriculteurs. À cela se greffe une crise sécuritaire. Le nombre d’agressions est en hausse. Beaucoup de gens se sentent en insécurité. Il y a aussi eu les émeutes suite à l’affaire Nahel. Une partie de la population française a vu des choses qui lui fait craindre que ça dégénère en guerre civile. La guerre en Ukraine commence à s’éterniser. Il y a eu les déclarations d’Emmanuel Macron lundi 26 février* et la réponse de Poutine sur le nucléaire. Tout cela crée un climat anxiogène.
« L’armée apporte un sentiment de protection »
Les Français plébiscitent l’armée uniquement à cause de ce contexte anxiogène ?
Le deuxième facteur est la crise de l’autorité. À partir des années 60-70, il y a eu une remise en cause du principe d’autorité. Tout cela aboutit au fait que les grandes figures et les représentants de l’autorité sont en faillite : la figure du père, celle de l’enseignant. Ils représentaient jadis l’autorité. Aujourd’hui, il n’y a plus cette barrière sacrée, ce respect de la fonction enseignante. Cela m’est arrivé de me faire insulter. Affaires Cahuzac, Fillon… Il ne se passe pas un ou deux mois sans scandale politique. Globalement, il y a une crise des figures et institutions de l’autorité.
Pourtant l’armée représente l’autorité. Pourquoi son image n’est pas écornée ?
D’un côté, il y a un rejet des figures de l’autorité et en même temps le constat que la société se délite car il n’y a plus d’autorité. La conjonction de toutes ces crises fait que les armées vont voir leur blason redoré. Avec la crise sécuritaire, les Français se disent que si un jour il y a une guerre civile, on sera bien content d’avoir les militaires pour nous protéger. C’est la même chose pour la guerre en Ukraine. Les militaires sont les derniers garants de cette autorité mise à mal. Les gendarmes et les policiers arrivent derrière. L’armée est préservée. Elle ne verbalise pas, elle sécurise avec Vigipirate. Sa présence rassure les Français. L’armée apporte ce sentiment de protection.
Lorsque certains appelés rentraient du service militaire, ils ne renvoyaient pas toujours une image reluisante de l’armée… Est-ce que la suspension de la conscription en 1997 a permis à l’armée d’avoir une image positive ?
J’ai été officier dans l’armée. J’ai vécu les périodes de brimades imposées aux nouveaux arrivants. Aujourd’hui, comme il n’y a plus de service militaire, on ne voit plus le côté négatif et certains réclament même le retour du service militaire. Aux yeux de certains, l’armée permettrait d’imposer un cadre aux jeunes sans projet. Dans l’armée, on vous discipline, d'aucuns diraient on vous mate. Vous avez inculqué la notion de limite à ne pas franchir.
Uniformes, lits au carré, levée des couleurs… Dans les Épide comme celui de La Grand’Combe, des jeunes volontaires déscolarisés cherchent un projet pour se réinsérer dans un cadre d’inspiration militaire. Est-ce que les méthodes de l’armée sortent des casernes ?
Parce qu’il n’y a plus de service national, on essaie de reconstituer ailleurs ce qu’il s’y faisait. Les politiques sont bien embarrassés car cela ferait scandale auprès des jeunes si on essayait de relancer le service militaire. On essaie de concevoir des formes hybrides comme le Service national universel**
* Emmanuel Macron a déclaré que l'envoi de troupes occidentales au sol en Ukraine ne doit pas "être exclu" à l'avenir.
**Les 15 à 17 ans volontaires peuvent faire un séjour de cohésion d’une quinzaine de jours hors de leur département.