Publié il y a 4 mois - Mise à jour le 01.07.2024 - François Desmeures - 5 min  - vu 1034 fois

4E CIRCONSCRIPTION Les maires des communes cévenoles moyennes face à la vague RN

Pierre Meurin est arrivé en tête de la 4e circonscription, avec 48,69% des suffrages

- Stéphanie Marin

Il n'aura manqué que 845 voix au RN Pierre Meurin pour être réélu dès le premier tour. Avec une participation bien supérieure à 2022, le député sortant passe de 13 648 voix à 31 366 hier. Son adversaire direct, Arnaud Bord, gagne lui aussi des votes, passant de 11 870 à 17 639. Mais en pourcentage, l'évolution est sans appel : Pierre Meurin obtient 48,69% des suffrages exprimés, cette fois-ci, contre 30,56% au premier tour de 2022. Avec des scores qui avoisinent ou dépassent les 50% dans des communes dont le maire est de gauche ou a appelé à faire barrage à l'extrême droite. Ce lundi tous sont un peu groggy et, pour certains, s'interrogent sur le sens donné à leur action. 

Jean-Michel Perret, maire de Saint-Hilaire-de-Brethmas • S. V.

Lui est assez remonté, préférant même délivrer "une réaction de citoyen plutôt que de maire". Mais la fonction n'est jamais bien loin pour Jean-Michel Perret, premier magistrat de Saint-Hilaire-de-Brethmas, classé dans une gauche modérée. "Je suis dépité. Mon premier réflexe a été de me dire : "qu'est-ce que je me fais ch... à avoir des nuits de cinq heures pour qu'au final, les gens votent à l'extrême droite ?", lâche-t-il. Dans sa commune, le député sortant d'extrême droite obtient une "majorité absolue", avec 53,09% des suffrages exprimés, soit un bond de 543 voix, en 2022, à 1 418 ce 30 juin. 

"Je ne confonds pas tout, les électeurs votent pour une étiquette aux législatives, pense Jean-Michel Perret, en comparaison avec les élections municipales. Comme sur la 5e circonscription, où un parachuté de la dernière minute arrive devant." Sur la messagerie qu'il partage avec ses collègues élus de Saint-Hilaire, le maire regrette aussi une gauche qui n'a pas su expliquer une complexité, "que de voter depuis des décennies pour les candidats qui leur promettent moins de charges et moins d'impôts a une répercussion directe sur leur protection sociale et leurs services publics"

"Ces résultats, ça ne donne pas la pêche pour se remobiliser comme élu de terrain"

Serge Bord, maire de Saint-Julien-les-Rosiers

"Je suis, par moments, découragé, entame Serge Bord, maire de Saint-Julien-les-Rosiers. J'espérais que la mobilisation supplémentaire pourrait aller aux deux-tiers au Nouveau front populaire, mais en fait, les blocs se sont partagés un tiers chacun. Les pourcentages sont quasiment les mêmes qu'aux élections européennes." En tant que maire, il souhaitait peser sur ce deuxième tour, avec "une intervention écrite" à l'intention de ses administrés. "Mais désormais, je ne sais pas... Les mots paraissent inutiles. On ne se rappelle même pas de l'histoire, qu'il y a près de 100 ans, le nazisme prenait le pouvoir. Aujourd'hui, on est d'accord pour "les essayer" comme ils disent. Je suis très troublé."

Serge Bord, lors de la présidentielle 2022 • DR

Alors, peu lui fait que certains électeurs "me rassurent pour les municipales". Serge Bord ne s'y projette pas. "Ces résultats, ça ne donne pas la pêche pour se remobiliser comme élu de terrain. On a besoin de digérer, de prendre du recul, poursuit Serge Bord. On est dans une société de plus en plus cultivée, avec de plus en plus de monde qui a le bac, et il y a de plus en plus d'obscurantisme. À 74 ans, je ne comprends plus les Français et l'orientation qu'ils veulent donner à la France." 

À Salindres, Pierre Meurin grimpe jusqu'à 58,58% dès le premier tour, contre 40,13% en 2022. Dans la municipalité, marquée à gauche, siège en troisième adjoint Jean-Luc Gibelin, vice-président de la Région Occitanie en charge des transports. "C'est une situation préoccupante, qui ne correspond pas à mon engagement municipal ni personnel", avoue l'élu communiste, qui essaie de se rassurer en constatant une hause "intéressante" du candidat Nouveau front populaire. Arnaud Bord a en effet gagné 121 voix dans la commune, par rappport à 2022, quand Pierre Meurin en a ajouté... 565.  

Jean-Luc Gibelin garde un mince espoir. Tout en louant la décision d'union - cette fois-ci - de sa présidente de région, Carole Delga, qui fait de la lutte contre l'extrême droite une valeur forte. "Nous avons besoin de ce rassemblement", insiste l'élu régional qui regrette que, "pendant des semaines, il a été utilisé le qualficatif d'extrême gauche pour désigner le Nouveau front populaire, alors que le ministère de l'intérieur a reconnu que c'était une union de la gauche"

"Les gens sont perdus et votent pour le premier qui pourra mettre une claque à Macron"

Claude Cerpedes, maire de Saint-Martin-de-Valgalgues

Avec un maire qui n'a jamais caché son appartenance au parti communiste, Saint-Martin-de-Valgalgues a également placé Pierre Meurin en tête, avec 41,02% contre 37,29% à son adversaire socialiste, Arnaud Bord. Si ce dernier a convaincu 313 électeurs supplémentaires, on est loin des 521 voix en plus pour le député sortant, qui fait plus que doubler son score. "Ça me laisse presque sans voix, se désole le maire, Claude Cerpedes. On a toujours résisté, mais on sent que les digues lâchent. Les gens sont perdus et votent pour le premier qui pourra mettre une claque à Macron. Je connais presque tout le monde à Saint-Martin, beaucoup disent qu'ils votent RN parce qu'ils en ont marre. Et les solutions proposées par la gauche pour changer de société n'ont pas été adoptées par les électeurs..." 

"Mais, pour autant, poursuit le maire, ils me disent qu'ils me gardent leur confiance. Il y a une véritable perte de repères, une conscience politique qui est en train de se perdre." Pour Claude Cerpedes, si une éducation démocratique est nécessaire, il craint qu'elle ne pèse pas bien lourd face "aux réseaux sociaux ou au poids des punchline"

"Les gens ont confirmé leur appétance pour un programme fantaisiste"

Philippe Ribot, maire de Saint-Privat-des-Vieux

Opposé sur l'échiquier politique, Philippe Ribot portait, en 2022, la candidature du camp présidentiel sur la circonscription. Dans sa commune de Saint-Privat-des-Vieux, Pierre Meurin y frôle les 50%, à 49,04%, avec 22 points de plus qu'en 2022, mais surtout avec 876 voix supplémentaires (contre 599 en 2022). "La plupart des abstentionnistes sont venus voter pour le RN", en déduit Philippe Ribot, qui se console en soulignant que le score "est un peu moins élevé chez nous que dans d'autres communes autour d'Alès. C'est une vague de fond qui vient de loin, les gens ont confirmé leur appétance pour un programme fantaisiste", tranche le maire de Saint-Privat. 

Philippe Ribot et Arnaud Bord, lors de la feria d'Alès 2022 • François Desmeures

"Fidèle à ce que j'avais dit en 2022", Philippe Ribot ne donne pas de consigne de vote pour le second tour, trouvant même ces appels contre-productif. Toutefois, il nuance avec le choix qu'il fera. "À titre personnel, je connais Arnaud Bord, c'est un social-démocrate avec lequel on peut trouver des accords." Philippe Ribot glissera donc un bulletin pour son adversaire socialiste lors des législatives 2022, tout en craignant "que l'Assemblée nationale soit encore plus clivée qu'auparavant"

"La population a pas mal changé, il y a pas mal de turn-over", constate Florence Bouis. La maire de Molières-sur-Cèze, marquée à gauche, voit Pierre Meurin atteindre les 43,33% dans sa commune, en ayant presque triplé le nombre de voix depuis 2022. "Pierre Meurin n'est pas dans ma ligne. Donc, pour moi, c'est compliqué : je vois le soutien que j'ai sur la commune... puis ce vote... Pour moi, ce n'est pas cohérent." 

"Je vois le soutien que j'ai sur la commune... puis ce vote... Pour moi, ce n'est pas cohérent"

Florence Bouis, maire de Molières-sur-Cèze

"L'histoire de Molières est basée sur de fortes migrations, poursuit Florence Bouis, de gens de l'Est, d'Italie, d'Espagne, et même de Bosniens pendant la guerre en ex-Yougoslavie. Et ça se passe bien. Mais presque une personne sur deux a voté pour ça... Chez nous, on ne souffre pas d'immigration. Donc, il est difficile de comprendre ça." 

Enfin, à Barjac, il s'en est fallu de peu que le RN toise Arnaud Bord, qui conserve quatre voix d'avance, dans la ville du communiste Édouard Chaulet. "Depuis les élections européennes, on parle de Bardella beaucoup plus que des autres, constate Édouard Chaulet. Cette publicité se retrouve dans le vote. Il y a des amertumes, des colères, des renversements de table. Et, aussi, du racisme, j'en conviens. Mais cette élection n'a rien de locale, on peut en juger par l'ancrage d'Arnaud Bord et de Cathy Chaulet."

Édouard Chaulet, maire de Barjac • François Desmeures

"La baisse annoncée de l'essence et du gazole aura séduit le monde rural, juge le maire de Barjac, on l'avait déjà vu avec le mouvement des Gilets jaunes. En fait, c'est la peur de la pauvreté qui motive les gens. Mais il faut que notre campagne s'ouvre, on a besoin de gens dans les champs autant que de médecins." Édouard Chaulet espère encore dans un "sursaut pour le deuxième tour. Mais les Macroniens voteront-ils Bord ? J'ai voté deux fois Macron, ce serait un juste retour d'ascenseur..."

François Desmeures

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