FAIT DU JOUR Mort de Fayed : un an après, qu'est-ce qui a changé ?
Le 21 août 2023, le jeune Fayed, 10 ans, est la victime collatérale d’un règlement de comptes, lié au trafic de drogue. Très vite, Nîmes fait la Une des télévisions nationales. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, se rend sur les lieux. Un an après ce drame, la situation de Pissevin a-t-elle évolué ?
« Une ignominie ». Tel ont été les mots du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, pour qualifier la mort du petit Fayed, 10 ans. Ce 21 août, dans le quartier de Pissevin, à l’ouest de Nîmes, il est 22h30. Il fait chaud, plusieurs jeunes, en vacances, sont dehors. Soudain, la torpeur de l’été se brise : une série de tirs retentit. L’une des balles touche mortellement un petit nîmois de 10 ans qui rentrait chez lui avec son oncle.
Nîmes vit un cauchemar
Ce drame relève de l’insupportable. « Je me souviens très bien de cette nuit-là, j’étais à ma fenêtre. Mon fils était dehors… Ça aurait pu être lui », confie Hicham Abderrazak, responsable du club de foot Soleil Levant. Le quadragénaire réside dans la tour Wagner voisine de celle de la famille de Fayed. Très vite, Nîmes fait la Une des journaux. D’autant que deux jours après ce drame, un jeune homme de 18 ans, connu des services de police, est également tué par balle.
Horreur à Pissevin. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, est dépêché sur place. Il présente ses condoléances à la famille de Fayed et part en préfecture mettre sur pied, avec le nouveau préfet, une contre-offensive. Ces dernières années, Nîmes est devenue tristement célèbre pour son trafic de drogue et ses règlements de comptes. À Pissevin, le trafic génère près de 60 000 € par jour ! « Ce drame a permis une prise de conscience », pense Raouf Azzouz, directeur des Mille couleurs.
Gérald Darmanin n’arrive pas en sauveur, mais en « urgentiste » de la sécurité. Il est accompagné d'une compagnie de CRS, mobilisée jusqu’à la fin de l’année. L’idée est de « faire baisser la pression » mais pas d’éradiquer le trafic de drogue, trop bien implanté. « Il y a toujours eu du trafic dans la galerie Richard Wagner, mais là, ça a pris une proportion énorme. C’est un échec collectif », commente l'élu départemental LR du canton et ex-adjoint à la sécurité de la ville de Nîmes, Richard Tibérino.
« La situation s’est calmée »
En parallèle, les chauffeurs de bus entrent en grève, refusant de traverser le quartier : « À 5 heures du matin, les conducteurs enlèvent les poubelles destinées à bloquer la police. Certains ont eu peur de recevoir une balle perdue et ne se sont plus sentis capables d’assurer la sécurité de leurs passagers », se souvient Nasser Mohamedi, chauffeur membre du syndicat CFDT. Après moult réunions et une forte mobilisation des habitants, le service reprend, le trajet restant toutefois dévié jusqu’à 6h20 du matin.
Du côté de la sécurité, le travail des policiers commence à faire effet. « La police a monté des coups. Il y a eu des opérations de contrôle, du travail judiciaire… Des individus ont été mis à l’ombre. Alors oui, il y a eu un impact sur le trafic de drogue », assure l’adjoint à la sécurité, Richard Schieven. Huit mois plus tard, le Contrat de sécurité intégré est enfin signé, entre la Ville et l'État. Suspendu à cause de la mésentente entre le ministère de l’Intérieur et le maire de Nîmes, qui estimait ne pas avoir assez de moyens, le document acte une (petite) avancée : l’ouverture d’un poste de police, entraînant cependant la fermeture de celui de Valdegour, dans le quartier voisin.
La sécurité ne fait pas tout
Interrogé, l’ensemble des acteurs en convient, « la situation s’est calmée » même si le trafic perdure. Cette politique a-t-elle servi à reculer pour mieux sauter ? Tous les acteurs évoquent le volet de la prévention. D'ailleurs, le Conseil départemental et régional, après le drame, ont mis sur la table 120 000 € pour permettre l’embauche de trois médiateurs chargés d'aller à la rencontre des jeunes.
« Nous n’avons pas vu arriver la première vague de jeunes qui se sont mis à travailler dans le réseau. Nous avons besoin de prévention, de lieux permettant aux parents de demander de l’aide quand ils sentent que leur enfant décroche », pense Hicham Abderrazak. Le directeur des Mille couleurs, Raouf Azzouz, appelle à un sursaut des habitants et regrette, à l'instar de plusieurs acteurs du quartier, qu'il n'y ait pas eu de marche blanche pour Fayed.
À chaque règlement de comptes, « des jeunes viennent nous voir, car ils ont envie de s’en sortir », confiait le président d'Humanîmes, Ahmed El Hanbali. Même constat de Richard Tibérino qui reçoit les mineurs et leurs parents dans le cadre de sa mission de prévention contre la délinquance : « Il faut plus de moyens et notamment un soutien psychologique. »
L'espoir de la rénovation urbaine
Enfin, sur le volet habitat, la rénovation urbaine avance bien, selon l'adjoint chargé des Travaux, Olivier Bonné. Ce programme est synonyme de second souffle pour le quartier même si l’objectif, recréer de la mixité sociale, semble difficile à atteindre, Pissevin n’attirant pas de classes moyennes. Du mieux donc à Pissevin même si le défi reste immense, dépassant à ne pas s'y méprendre aux frontières du quartier. La mort d'un enfant de 10 ans, d'une balle perdue, ne laissant personne insensible.