FAIT DU SOIR Route à sens unique, stationnement... Des commerçants et riverains de Remoulins disent non aux changements
Route de Bagnols en sens unique, stationnement en partie payante et en zone bleue... Il y a quelques jours, d'importants changements ont été initiés dans la commune de Remoulins. Il s'agit d'une phase de test qui durera jusqu'à l'automne et pourrait être pérénisée selon les conclusions. Les conséquences se font déjà sentir pour les riverains et commerçants. Trois collectifs (*) sont en train de se monter et une pétition demandant l'arrêt immédiat de l'expérimentation cumule déjà plusieurs centaines de signatures.
"J'enregistre 40% de baisse de fréquentation. Normalement, la saison estivale, c'est là où ça cartonne. Si ça continue encore en septembre, je ne tiendrai pas." Ces mots sont ceux de Mickaël Ibrahim, à la tête de la station essence Avia, route de Bagnols à Remoulins. À la sortie du rond-point, deux imposants panneaux de signalisation jaune encadrent la route de Bagnols et indiquent un sens interdit à plusieurs centaines de mètres. Rien qui incitent les automobilistes à s'engager dans cette voie et donc à faire le plein chez Mickaël.
En effet, la Ville de Remoulins a mené une étude, grâce au dispositif "Petites villes de demain". Pour régler les problèmes de sécurité, de vitesse excessive et pour fluidifier le trafic au niveau du carrefour de La Poste, la municipalité a aménagé temporairement la route de Bagnols en sens unique (dans le sens Remoulins-Bagnols), avec des potelés en plastique. En clair, on peut ressortir du village par cet axe mais plus y rentrer. Les automobilistes venant de Bagnols sont désormais aiguillés vers l'autre entrée, en périphérie Est de la Ville. Là où se trouvent tout un ensemble de commerces similaires à ceux du centre-ville que desservait la route de Bagnols.
"Il y a une rupture d'égalité entre les deux zones de commerces de Remoulins. En cas de baisse de chiffre d'affaires, on peut faire appel à un cabinet d'avocat", déplore Anne Philippot, titulaire à la pharmacie du Pont du Gard, située sur l'avenue Geoffroy-Perret. Alors que les itinéraires GPS sont en train de se réajustés vers l'entrée Est, elle ajoute dépitée : "Quand on est en vacances, qu'on ne connaît pas le village, on s'arrête toujours dans les premiers commerces que l'on voit car on ne sait pas si on va en trouver plus loin..."
"Il y doit y avoir cinq à six fois plus de voitures qui passent chemin du Grand champ"
Si certains commerçants constatent une chute de leur fréquentation, des riverains ressentent le contraire. Des conducteurs ignorent les panneaux de signalisation, s'engagent quand même sur la route de Bagnols et se trouvent embêtés au bout de quelques centaines de mètres. Fernand et Monique habitent chemin du Grand champ, une rue perpendiculaire et servant de déviation. Depuis la mise en sens unique, le couple observe un intense ballet de véhicules dans leur rue. Certains s'y aventurent jusqu'au bout. D'autres comme les camions et les bus ne peuvent pas et peinent à faire demi-tour. Quand bien même les poids lourds ne sont pas autorisés sur cette route depuis bien avant la nouvelle circulation.
"Il y doit y avoir cinq à six fois plus de voitures qui passent chemin du Grand champ. C'est dangereux car à l'entrée de la rue, la chaussée ne mesure que 2,93m de large, sans trottoir, sans limitation de vitesse. Une voiture et un piéton ont dû mal à se croiser, il faut se plaquer contre le mur", raconte Fernand. Une crainte qui devrait s'accroître au moment de la rentrée scolaire, car la rue est juste à côté du collège.
La volonté commune de trouver une solution allant dans l'intérêt général
L'autre changement qui pose problème aux commerçants, c'est le passage en payant des stationnements en front de Gardon et l'aménagement de quelques emplacements supplémentaires en zones bleues (aires de stationnement gratuite mais limitées dans la durée). "J'ai des clientes qui se sont pris des PV, peut-être que ce sont des clientes que je vais perdre", tonne Lucie Girard, esthéticienne avenue Geoffroy-Perret.
"En pleine saison touristique, c'est vraiment la pire période pour mener cette expérimentation. Tous les commerces qui drainent un flot de clients sont impactés. Qui indemnise la perte de notre chiffre d'affaires ?", rebondissent Michaël Matouk et Ludivine Baeza, qui tiennent une boulangerie sur la même avenue.
À part l'aménagement temporaire des chicanes qui aident à casser la vitesse, les collectifs veulent voir l'arrêt immédiat de l'expérimentation, sans attendre l'automne. Mais Anne Philippot, la pharmacienne, l'affirme : "On ne veut pas nuire à la mairie. On est là dans le but de trouver une solution et arriver à un intérêt commun." C'est aussi l'objectif du maire, Nicolas Cartailler, et de son équipe. Bien conscient des désagréments que peuvent engendrer ces changements, ils demandent à chacun d'attendre la fin de l'expérience à l'automne : "Il y a la théorie et la réalité, il faut voir comment ça réagit. On doit laisser le temps aux gens de prendre l'habitude. On a mis en place un comptage depuis une semaine."
Une expérimentation qui prendra fin à l'automne
L'édile rappelle que le détour par le rond-point de Lidl n'est que de 500m supplémentaires et que selon les heures, les feux du carrefour sont en orange clignotant pour fluidifier le trafic. L'objectif de ce test est bien de sécuriser la route de Bagnols, notamment les trottoirs et les pistes cyclables, qui vont au collège "mais il ne faut pas que ça mette en insécurité le chemin du Grand champ. On retravaille le panneautage, je pense que l'on va trouver une solution rapidement." Il a d'ailleurs rencontré les riverains sur place vendredi matin pour mieux se rendre compte des difficultés. Il a également vu à deux reprises Anne Philippot et reste en lien permanent avec le gérant d'Avia. Un panneau "commerce ouvert" a d'ailleurs été rajouté en amont de la station.
Derrière ces aménagement, Nicolas Cartailler suit un but bien précis : il veut que Remoulins redevienne "une commune habitée et plus seulement un village-rue". Il a en tête tout un projet sur dix ans qui va transformer la ville : réouverture de la gare en 2025-2026, la voie verte qui va être connectée à la ville, la création de 140 logements dans le quartier de l'Arnède... Tout cela va modifier les flux. "C'est un aménagement global du village tourné vers l'intérêt général. Je dois penser à long terme pour pacifier le village et augmenter son attractivité. On ne peut pas au bout d'une semaine dire stop alors que les problèmes sont identifiés", insiste le maire.
Avant la phase test, plusieurs réunions ont été organisées par la mairie pour que la transition se déroule au mieux. Des stationnements en zone bleue ont d'ailleurs été ajoutées à la demande des commerces, qui étaient favorables à une plus grande rotation des automobilistes. Le grand changement reste le passage en zones payantes des parkings en bord de Gardon depuis début juillet (sauf dimanche et jours fériés).
"Avant les verbalisations, il y a eu une période de prévention, le temps que tout le monde change ses habitudes", précise le maire. Le but là encore est de maîtriser le stationnement et aussi d'apporter une source de financement supplémentaire à la mairie qui doit supporter de lourdes charges. L'été, Remoulins se retrouve avec deux tonnes de déchets dues aux afflux touristiques.
Pour la route de Bagnols comme pour le stationnement, la phase test se déroule de juillet à octobre, une période stratégique et représentative où il y a à la fois la saison estivale, la rentrée scolaire et les vacances de Toussaint. C'est aussi le moment où la commune centrale qu'est Remoulins est la plus traversée. Par les habitants mais par aussi beaucoup de Gardois et d'automobilistes des départements voisins.
Marie Meunier
* Trois collectifs se sont montés : un de riverains, un de commerçants et un autre plus récent de soignants.
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