LES MOMENTS DE BASCULE Quand les Cévennes succombent même au RN...
L’histoire politique est faite de bouleversements, bons ou mauvais, selon l’endroit où l’on se place. Ce dimanche, Objectif Gard revient sur la situation de la 5e circonscription du Gard. Le cœur plutôt à Gauche, les électeurs ont élu, le 7 juillet, un député Ciotti-RN fraîchement parachuté sur leur territoire. Une rupture dans l’histoire politique cévenole.
Sur la « 5e circo », le résultat des élections législatives a laissé pantois. Il a toutefois été balayé un peu vite. Comment ce territoire, marqué à Gauche, a pu s’abonner ainsi à l’extrême-Droite ? À l’ouest du Gard, son identité est singulière. La 5e circo est la plus grande du département avec 139 communes, étalées du Vigan jusqu’au Piémont, en passant par le secteur grand-combien. Ces localités sont rurales, les deux tiers comptant moins de 1 000 habitants.
Ses électeurs ont plutôt le cœur à Gauche. Le cacique socialiste, William Dumas, y a été élu 13 ans député. Un record de longévité. Le Fonsois avait remplacé le député Damien Alary, élu plus tard président du Conseil départemental puis régional. En 2017, le député En Marche Olivier Gaillard a, certes, bien été élu, mais il était à l’origine socialiste et élu depuis deux décennies à Sauve. Parenthèse a été faite, de 1993 à 1997, avec le député RPR Alain Danilet. Ce ne fût qu'une exception à la règle.
Victoire du RN ou défaite personnelle de Michel Sala ?
Alors ce 7 juillet, que s’est-il passé ? Inconnu au bataillon, Alexandre Allegret-Pilot, candidat Ciotti-RN, rafle le scrutin avec plus de 51% soit 32 629 voix. Le front républicain n’a pas marché pour le député sortant LFI, Michel Sala. Dans certaines communes, c’est même un raz de marée : Alexandre Allegret-Pilot recueille plus de 67% à Fons et 73% à Lanuejols, fief du conseiller départemental PS du canton du Vigan, Martin Delord. Terre des Camisards, de Résistance où les juifs trouvaient refuge pendant la Seconde Guerre mondiale, Martin Delord estime que « ces traditions sont restées chez nos anciens. Elles touchent moins les jeunes et nouveaux ménages qui s'installent dans la circo ».
Les électeurs de la 5e ne sont donc plus épargnés par le désir de la rupture, par la colère contre les politiques. Mais ce n'est pas tout. Plusieurs élus s'accordent à dire que si « Michel Sala est un type sympa. Il ne s’est montré dans aucun village et les gens le lui ont reproché ! » La victoire du RN est-elle plutôt la défaite personnelle de Michel Sala ? Peut-être... Il est également à relever la 5e est une terre de Gauche modérée. À la Grand’Combe, le communiste Patrick Malaveille fait d'ailleurs exception, considéré par son clan comme « modéré ». Lors d’une précédente interview, William Dumas confiait : « J’ai horreur des gens qui foutent le bordel. Olivier Faure a bradé le parti et la ruralité à Mélenchon ! ».
Erreur de l'histoire ou implantation durable ?
Cette élection est-elle une erreur de l’histoire ? Ou le signe d’un enracinement durable des idées d’extrême-Droite dans le Gard et, plus généralement, en France ? Le nouveau député Alexandre Allegret-Pilot souhaite, lui, s’implanter durablement, à l’image de son voisin de la 4e circonscription Pierre Meurin : « J’aurais un encrage du territoire ça va de soi, je pense que je l'ai montré pendant cette campagne, certes éclair et venant d'une personne issue de Haute-Savoie. »
À peine élu, le député a suscité la polémique. Une enquête du journal Le Monde a révélé la validation d’une aide financière par le haut fonctionnaire à Bercy de 1,3 M€ à une société nommée "Vitis Gallica ", dépourvu de status au registre du commerce. Sur le réseau social X, ladite strucutre se décrit comme : « Patriote/Vigneron/Boxeur/Contre l'Islam et le multiculturalisme en France. Ce pays a déjà sa culture et ses sous-cultures régionales. Tu t'intègres ou tu te barres ». Charmant…
Alexandre Allegret-Pilot se défend, expliquant avoir appliqué une décision du ministère de l'Économie et des Finances. Une information totalement contestée par le cabinet du ministre. Cette nouvelle fait forcément réagir localement. Le député battu, Michel Sala, a annoncé porté plainte. Sur le territoire, certains élus n’excluent pas à l’avenir une réélection… « Dans le fond, les gens ne voulaient pas le RN. Ils ont envoyé un message national », pense Martin Delord. Pas sûr pour le maire de Saint-Martin-de-Valgalgues Claude Cerpedes : « Tant qu'on n'arrivera pas à avoir une véritable politique qui se tourne vers l'humain, qui renforce les services publics… Les gens trouveront un début de réponse dans un discours populiste. »
Une chose est sûre, dans les Cévennes gardoises, les électeurs ne sont plus au bout de leurs surprises.