Publié il y a 1 an - Mise à jour le 13.06.2023 - Corentin Migoule - 4 min  - vu 1426 fois

ALÈS AGGLO 10 000 habitants sans médecin : les États généraux de la santé enfin lancés

Christophe Rivenq

Christophe Rivenq avait initialement prévu de lancer les États généraux de la santé en 2020.

- Corentin Migoule

Impulsés en 2020, mais retardés en raison de la pandémie, les États généraux de la santé initiés par le président d'Alès Agglomération ont été officiellement lancés ce lundi 12 juin en soirée, depuis l'espace Alès Prairie Events. 

Sept ans après les États généraux du cœur de ville qui ont métamorphosé les entrailles de la capitale des Cévennes, les États généraux de la santé imaginés par Christophe Rivenq ont officiellement été lancés ce lundi soir, avec trois ans de retard, depuis l'espace Alès Prairie Events, "une salle qui a une histoire". C’est en effet dans ces murs que s’est tenue en mars 2020 la première réunion de travail mêlant élus et professionnels de santé à l'heure où la pandémie de Covid-19 venait de sévir pour la première fois en France. 

C'est cette même pandémie qui a retardé le lancement des États généraux de la santé initialement prévus en 2020. À l'époque, à en croire Didier Jaffre, directeur de l'agence régionale de santé (ARS) Occitanie présent ce lundi soir, le président d'Alès Agglomération avait "trois ans d'avance sur le président de la République", lequel a depuis lancé le Conseil national de la refondation (CNR) en santé.

Christophe Rivenq
Christophe Rivenq avait initialement prévu de lancer les États généraux de la santé en 2020. • Corentin Migoule

Alors que trois années se sont finalement écoulées, la situation sanitaire sur le territoire d'Alès Agglomération (près de 140 000 habitants) ne s'est pas franchement améliorée. Elle a même plutôt eu tendance à se dégrader jusqu'à devenir - de l'aveu de Christophe Rivenq - "préoccupante", comme elle l’est "partout en France du fait de l’organisation des soins". Toujours selon ce dernier qui pourrait "parler pendant des heures de ce sujet", le caractère alarmant de la situation du territoire est illustré par la présence de "10 à 12 000 patients" sans médecin traitant. 

Fin mai, en l'absence de gynécologue, le bloc obstétrical du centre hospitalier Alès-Cévennes a été contraint de fermer pendant 48 heures. Sur le territoire de l'agglomération, "les besoins sont encore plus aigus qu'ailleurs", s'est aventuré Alain Chelloul, directeur de la CPAM du Gard. Il y a dénombré "plus de personnes en situation de précarité" et "plus de personnes en affection longue durée". Plus de seniors aussi ! "On est vieillissant, j’en suis l’exemple", a ironisé le maire d'Alès.

D'un ton plus grave que d'ordinaire, Max Roustan a enchaîné : "Alès, c’est 1 000 habitants de plus chaque année. La première question que nous posent les nouveaux, c’est "où puis-je trouver un médecin ?" C’est une question terrible car on n’a pas de réponse !" Jugeant la démarche alésienne "intéressante", Alain Chelloul y est allé d'un autre chiffre éloquent : "Il y a quatre ans quand j’ai pris mes fonctions dans le Gard, la CPAM distribuait 2,1 milliards d'euros. En 2022, elle en a distribué 2,9 milliards, soit 800 millions d'euros de plus. Ça montre bien qu’il y a des besoins."

États généraux de la santé
Plus de 200 personnes ont pris part au lancement des États généraux de la santé. • Corentin Migoule

Face à ces dysfonctionnements structurels, Christophe Rivenq a donc conceptualisé, avec l'aide du responsable du service Santé publique d’Alès Agglomération Thierry Cubedo, ces États généraux de la santé, dont le lancement s'est tenu en présence de bon nombre d'élus d'Alès Agglomération. L’occasion pour les professionnels de santé, les institutions et les élus d’entendre une pluralité de points de vue, de confronter leurs avis et de proposer des mesures qui s’articuleront autour de deux axes majeurs de travail lors des futurs ateliers : la couverture territoriale pour une meilleure disponibilité et accessibilité des services de santé de premier recours, entre autres, ainsi que l’évolution des pratiques professionnelles et de leurs organisations.

"Beaucoup de choses vont se dire, beaucoup de choses vont se faire", a prévenu Christophe Rivenq. Et l'élu alésien de poursuivre : "Nous sommes face à un défi majeur pour les décennies qui arrivent." Ce dernier, qualifié de "pluriel", serait imputable à "la fatigue, voire la lassitude de beaucoup de nos soignants", lesquels, à peine sortis d'une pandémie mondiale, se retrouvent à exercer dans "un climat délicat, anxiogène", au point d'avoir "le blues". Dans le même temps, "si les médecins de famille que nous avons tous connus pouvaient être sollicités nuit et jour, ce temps est terminé" a fort justement fait savoir le président d'Alès Agglomération en guise de préambule. 

Le couple médecin-infirmier en première ligne

Pour que cette bascule sociétale s'opère sans dégâts, le président d'Alès Agglomération juge impératif de "bâtir un nouveau modèle de santé ingénieux", un système en capacité d'offrir "deux choses""Une qualité de vie à nos soignants et à tous nos concitoyens la santé qu’ils attendent". Le Dr Alain Devallez, directeur du pôle Prévention santé chez Filieris Sud, prévient : "Il va falloir construire avec les habitants !"

"On ne peut pas travailler en silos chacun dans son coin comme ça s’est fait pendant des années", a reconnu Roman Cencic, directeur du centre hospitalier Alès Cévennes. Par l'intermédiaire d'un message vidéo préalablement enregistré, l'urologue Guy Vallancien, membre de l'Académie de médecine, a délivré ses recommandations : "Il faut en finir avec la notion du seul médecin responsable. La responsabilité médicale doit être portée par l’équipe référente au sein de laquelle l’infirmier tient une place prépondérante. Il a la connaissance intime du patient."

Et l'académicien d'enchaîner, usant d'une métaphore footballistique : "Le médecin deviendra le passeur, une sorte d'Antoine Griezmann." S'il salue la démarche entreprise par Alès Agglomération, c'est parce que Guy Vallancien se convainc qu'il faut "engager une mutation complète du système de santé à partir des territoires". Le privilège de la conclusion de cette soirée de lancement de près de deux heures revenait à Didier Jaffre, invitant les acteurs de ces Assises de la santé à "rester optimistes" même si "les besoins vont de toute façon augmenter".

Restitution des travaux à l'automne

Et pour cause ! "Nous accueillons dans cette région chaque année 40 000 habitants de plus. En 2040, nous serons près d'un million de plus en Occitanie ! Mais je suis persuadé qu’en 2040, nous aurons encore plus de professionnels de santé. Le numerus clausus aura enfin porté ses fruits", a échafaudé le directeur de l'ARS Occitanie. Et d'ajouter, tout en admettant qu'il faut "simplifier" la bureaucratie : "N’attendez pas que tout vienne d’en haut. Faites ! Vous nous rendrez des comptes après."

Plus tôt avant lui, Max Roustan avait lui aussi délivré un propos teinté d'espoir : "On a l’habitude d’en faire des États généraux. Ceux du cœur de ville ont porté leur fruit, donc il ne faut pas désespérer !" En octobre prochain, période de la restitution de ces États généraux de la santé, un programme d’actions "innovantes" qui comportera un schéma territorial de l’organisation de la santé et proposera des "modifications réglementaires" sur le plan national sera présenté. 

Le calendrier des États généraux de la santé :

Concertation avec les professionnnels le 19 juin à 20h30 à l'espace Alès Cazot. Concertation avec les élus le 21 juin à 18h à l'espace Alès Cazot. Concertation avec les institutions le 28 juin à 15h, toujours à l'espace Cazot. Restitution des travaux le 4 octobre.

Corentin Migoule

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