ALÈS L'urgentiste Christophe Prudhomme livre ses solutions pour "sauver le système de santé"
Reçu ce mardi après-midi par la CGT des hospitaliers à l'initiative du comité de défense de l'hôpital d'Alès-Cévennes en compagnie de Michèle Leflon, Christophe Prudhomme, porte-parole de l'association nationale des médecins urgentistes de France, a délivré quelques solutions pour "sauver le système de santé" avant d'en faire de même lors d'une conférence-débat à l'espace Alès-Cazot.
En fin de semaine dernière, le comité de défense du centre hospitalier Alès-Cévennes avait pris soin de médiatiser la venue en Cévennes ce mardi 25 avril de Michèle Leflon, présidente de la coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternité de proximité, et Christophe Prudhomme, porte-parole de l'association nationale des médecins urgentistes de France.
En présence d'une trentaine de personnes, cette "rencontre" a débuté sur les coups de 14 heures, au sein du local de la CGT des hospitaliers. Son secrétaire général Romain Sabran a planté le décor en énonçant les principaux objectifs : "Faire un état des lieux sur la situation de notre hôpital et sur l’offre de soins au niveau national, et surtout donner des propositions afin qu'on puisse se soigner correctement dans le pays censé avoir le meilleur système de santé du monde."
Face à plusieurs membres fondateurs du comité de défense de l’hôpital d'Alès et des professionnels de santé aux profils divers, Christophe Prudhomme mettait les pieds dans le plat en rappelant à un auditoire convaincu que notre système de santé "est en train de s’effondrer". "On voit qu’on a en face de nous des menteurs. Nos gouvernants disent vouloir défendre le service public, mais font tout pour le détruire en l'ouvrant au marché", a affirmé le Cégétiste.
Et le dernier nommé d'illustrer ses dires en dénonçant une loi Buzyn "éminemment perverse" qui "prévoit la fermeture d’au moins 150 hôpitaux de proximité". En activité dans un département, la Seine-Saint-Denis, où l'offre de soins se trouve particulièrement dégradée, Christophe Prudhomme a aussi un avis sur la plus récente "loi Rist" qui plafonne la rémunération des intérimaires à 1 390€ bruts pour 24 heures de travail. "J'ai dit à mon ex-ami François Braun (le ministre de la Santé, Ndlr) qu'il serait de bon ton de s’inspirer de ce que dit son collègue Darmanin sur le fait qu'il ne faut pas jeter l’opprobre sur toute la police quand il y a des abus de quelques-uns. Car c'est pareil pour les intérimaires ! La majorité des intérimaires sont simplement des gens qui ont démissionné de l'hôpital public pour se sauver."
Se "sauver" d'un monde où "la loi Bachelot a donné tous les pouvoirs aux directions des hôpitaux en supprimant les conseils d'administration" au profit des conseils de surveillance au cours desquels "les élus peuvent écouter mais ne décident plus de rien". Alors qu'il était il y a peu à Montluçon (39 000 habitants), "une ville assez similaire à la vôtre où il y a comme chez ici un hôpital et une clinique du groupe Elsan", l'urgentiste de Bobigny avait ramené quelques chiffres inquiétants dans son escarcelle, clamant ainsi que "200 000 infirmières ont abandonné le métier", tandis que selon les données de la caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), "714 000 assurés sociaux en affection longue durée n'ont plus de médecin traitant".
Aussi, à l'heure où les médecins généralistes seraient de moins en moins enclins à réaliser des visites à domicile en raison de leur faible rentabilité, Christophe Prudhomme soulève "une contradiction" qui tient au fait que "le gouvernement veut pourtant maintenir les gens le plus longtemps possible à domicile". Fort de ce constat alarmant, le porte-parole de l'association nationale des médecins urgentistes de France ne s'est pas montré sans solutions pour "répondre aux besoins des gens qui ont envie d’avoir a minima un médecin traitant disponible, un hôpital à moins de 30 minutes de chez eux avec un service d'urgences ouvert 24 heures sur 24, une maternité et de la chirurgie ambulatoire".
"L’avenir sur Alès, c’est un pôle hospitalier public qui intègre les activités de la clinique"
"Comme pour la réforme des retraites, on doit mener une bataille idéologique", a posé le Cégétiste. Celle-ci trouverait ses fondations dans le fait "qu'il n’y a pas de place pour les activités marchandes dans le domaine de la santé". À ce titre, le médecin urgentiste estime que "tous les scandales du secteur privé à but lucratif", dont celui d'Orpea, "nous aident" en donnant "largement raison à la CGT". Tenu au courant de la fermeture programmée des urgences de la Nouvelle clinique Bonnefon, Christophe Prudhomme y a vu une aubaine pour esquisser son modèle de santé. "L’avenir sur Alès, c’est un pôle hospitalier public qui intègre les activités de la clinique. Il y’a des endroits en France où on a réussi à intégrer les cliniques aux hôpitaux publics. Mais il ne faut pas attendre qu’elles soient en faillite pour le faire !"
Considérant que le gouvernement a lui-même créé la pénurie de personnel derrière laquelle il "se cache" pour justifier les fermetures de lits, le syndicaliste rappelle que la CGT milite de longue date pour le retour aux contrats d’études "après identification des besoins, par département, dans les métiers de la santé". "Après avoir choisi son école professionnelle, on signe un contrat d’embauche dès son entrée dans l'école. On est payé dès l'âge de 18 ans, ce qui engendre des cotisations pour les retraites", a étayé le dernier nommé, qui a donné l'impression d'apporter au passage une "cartouche" supplémentaire à la lutte contre la réforme des retraites.
"Un enfant mal soigné, c’est un adulte qui va être bien pire plus tard"
En fin d'intervention, avant de céder la parole à Michèle Leflon qui est persuadée qu'on on a "tous un rôle à jouer", "usagers et professionnels", pour accoucher d'un "meilleur" système de santé, Christophe Prudhomme a brandi les "deux revendications essentielles" portées par la CGT, à savoir la suppression de la taxe sur les salaires, "un impôt injuste prélevé sur l’hôpital qui pourrait faire économiser 4,5 milliards d'euros par an et créer 100 000 emplois à l’hôpital", ainsi que l'annulation "totale" de la dette des hôpitaux, et plus seulement au tiers comme le prévoit la loi Ségur.
Ayant livré une écoute studieuse pendant une petite heure, plusieurs agents hospitaliers se sont exprimés devant le député de la 5e circonscription Michel Sala, en mesure d'affirmer que "l’état du personnel dans les hôpitaux est désastreux" après que son groupe parlementaire a visité "près de 80 centres hospitaliers en fin d'année dernière". Une agent de l’hôpital d'Alès a ainsi évoqué sa volonté de bénéficier d'un "management bienveillant", quand une autre, en plus de réclamer la "nécessaire revalorisation des salaires", a exprimé son désir de "reconnaissance". Avant d'embarquer son invité pour une visite - autorisée par la direction - de plusieurs services du centre hospitalier, dont la maternité et les urgences, Romain Sabran braquait la lumière sur "la psychiatrie" et les conséquences d’une désaffection des médecins dont elle est victime.
"En pédopsychiatrie, un enfant mal soigné, c’est un adulte qui va être bien pire plus tard", clame le secrétaire général de la CGT des hospitaliers, imputant en partie la "montée en puissance des maladies mentales chez l’adulte" aux carences de prises en charge. Avant lui, le Dr Zaki Acouz, psychiatre au centre hospitalier d'Alès, avait déploré "la perte de sens" du métier liée au fait qu'"on n’a plus notre mot à dire sur notre outil de travail". En fin de journée ce mardi 25 janvier, la conférence-débat organisée dans le hall bondé de l'espace Alès-Cazot allait conclure cette réflexion profonde relative à l'accès aux soins.