FAIT DU SOIR Un 1er-Mai qui refuse de tourner la page
Les cortèges promettaient d'être plus fournis que les traditionnels 1er-Mai, mais sans doute moins que ceux contre la réforme des retraites. Si le week-end de trois jours a un peu fait baisser les affluences, les manifestations de ce lundi laissent penser que la page est loin d'être tournée pour les opposants à la réforme de retraites.
4 500 dans les rues de Nîmes
« La retraite, on s’est battu pour la gagner, on se battra pour la garder ! ». C’est l’un des chant, désormais bien connus, que l’on pouvait entendre ce matin dans le cortège nîmois. Le traditionnel défilé du 1er-Mai avait cette année, la réforme de retraites comme principale motivation. Alors, on y a retrouvé les mêmes qui manifestent depuis plusieurs semaines. Pourtant, leur détermination est intacte et le président de la République concentre toutes les colères des manifestants.
Ce lundi, en référence à la coupe de France de football, opposants à la réforme des retraites ont brandi des cartons rouges à destination d’Emmanuel Manuel Macron. Des jardins de la Fontaine à l’avenue Feuchères, les manifestants ont crié qu’ils ne renonceront pas et cela jusqu’au retrait de la réforme des retraites. Ils étaient environ 4 500 (4 600 selon la préfecture et plus de 25 000 selon la CGT) à Nîmes à défiler sans violence et certains ont pique-niqué non loin de la préfecture du Gard à l’issue de la manifestation.
À Alès, près de 5 000 personnes se croisent sur les quais
Le parcours avait été changé pour ce 1er-Mai, afin d'aboutir à la Bourse du travail. Le Pont Vieux a donc servi de pivot à la manifestation, la tête du cortège pouvant saluer la queue, de l'autre côté du Gardon. À 10h devant la sous-préfecture, les rangs étaient clairsemés. Mais une fois lancée, la manifestation a greffé des habitués, avec pourtant moins de leaders dans les rangs, et sans camion de la CFDT ou de FO, même si Gilles Besson, secrétaire départemental de FO, était ce lundi du cortège alésien. Sans doute près de 5 000 manifestants, quand la sous-préfecture en a dénombré 4 000.
"On a gagné le combat", prophétise la responsable de l'union locale CGT, Martine Sagit. Dans la foule, des visages régulièrement vus depuis trois mois, mais aussi des manifestants plus récents, parfois avec de nouvelles pancartes. Sur la sienne, Domie a presque résumé sa situation personnelle. "Je suis retraitée depus deux ans, explique cette habitante de Monoblet. J'ai récemment touché 150€ brut d'intérêts sur un livret. Mais qui sont venus s'ajouter à mon revenu net imposable." Résultat, la jeune retraitée est désormais imposable, et n'a "plus droit à la CAF, à la mutuelle santé solidaires ni au chèque énergie". La manifestante a écrit au ministre de l'Économie - occcupé, lui aussi, à rédiger selon les dernières sorties littéraires -, et à la défenseure des droits mais dit ne pas avoir encore eu de réponse.
Alors que la CNT et les gilets jaunes tentent de faire varier le cortège de son parcours initial, aux cris de "Grève, blocage, manif sauvage !" - avant de finalement rentrer dans le rang au bout du quai Boissier-de-Sauvages - la France insoumise s'est placée en fin de cortège et entonne l'Internationale sur le quai de Kilmarnock. Encore plus loin, deux couples ferment la marche matinale. Venu de Saint-Andéol-de-Clerguemort, Christian est le dernier du cortège alésien. "Je suis venu par solidarité et par envie de contester. On a un gouvernement qui n'entend rien, qui ne négocie rien. J'ai 63 ans et ce fonctionnement, ce ne sont pas les valeurs qu'on m'a inculquées quand j'ai choisi de travailler dans la fonction publique." Originaire de Bretagne, il a longtemps mis sur pied des chantiers d'insertion à travers des associations. Il a pris sa retraite à 60 ans, "juste à temps", commente-t-il. "J'ai pris le train de la grande rupture conventionnelle qui avait été faite. Mais il était temps : j'étais éreinté, sur le fil, j'avais 21 de tension. Si je n'avais pas pris ma retraite, je ne serais sans doute pas là aujourd'hui !"
À Bagnols-sur-Cèze, plus de 2 000 personnes ont marché jusqu'au rond-point de l'Europe
Généralement, à Bagnols-sur-Cèze, la manifestation du 1er-Mai ne rassemble qu’une centaine de personnes tout au plus. Mais ce lundi 1er mai 2023, plus de 2 000 se sont mobilisées. Un chiffre historique avancé à la fois par les syndicats et par la police. “La dernière fois où il y avait eu beaucoup de monde, c’était en 2002 et on était 800. C’était pendant l’entre-deux-tours présidentiel, où l’extrême-droite était arrivée deuxième”, clame au micro Patrick Lescure, secrétaire de l’union locale CGT du Gard rhodanien.
Cette année, la fête des travailleurs et travailleuses survient alors que la colère est toujours vive suite à la réforme des retraites. “On n’a pas parlé de hausses des salaires qui permettraient pourtant plus de cotisation dans les caisses de retraite, on n’a pas parlé de l’égalité homme/femme, on n’a pas parlé de quelles mesures prendre pour que les séniors restent dans les entreprises... Ça aurait été bien de le faire avant la réforme”, liste le cégétiste. Il ajoute : “Avec ces 43 annuités, les gens vont se retrouver avec une retraite à moins de 1 000€, au vu des difficultés de travail après 60 ans.” Lui et toute l'intersyndicale, unie depuis plus de trois mois, revendiquent toujours le retrait de cette réforme.
Dans le cortège aussi, la détermination est toujours palpable. David et sa fille, Rose, sont venus de Pont-Saint-Esprit manifester : “On veut montrer qu’on est toujours là, qu’on n’accepte pas la décision. On a encore notre mot à dire. On veut marquer le coup aujourd’hui et on ne s’avoue pas vaincus”, indique le père. Éric, un retraité de Saint-Paulet-de-Caisson, qui a travaillé comme artisan-maçon, était également là, slogans accrochés dans le dos et marmite servant de percussion à la main. Il a participé à douze manifestations depuis le début du mouvement : “Je n’ai pas autant manifesté que ce que je voulais avant. Quand j’ai commencé à travailler à 16 ans, il fallait cotiser 37,5 ans. Petit à petit, ça a augmenté. Finalement, je suis parti après 41,5 ans de travail. Ça va encore continuer. Alors je me bats pour les autres et pour mes petits-enfants."
Les 2 000 manifestants sont partis du monument aux morts de Bagnols pour rejoindre le rond-point de l’Europe par l’avenue Léon-Blum. Est-ce que cette manifestation marque la fin d’un cycle, est-ce que d’autres types d’actions vont désormais être organisées ? Les organisations syndicales se réuniront demain matin pour en discuter.