FOOTBALL Philippe Malige, ancien arbitre professionnel : "L’arbitre a toujours été le souffre-douleur"
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Philippe Malige, ancien arbitre professionnel.
- Photo : Getty ImagesLe Nîmois Philippe Malige, ancien arbitre professionnel ayant notamment officié en Ligue 1 et Ligue 2, revient sur les récentes polémiques liées à l'arbitrage dans le football français. À travers son expérience, il partage son expertise sur les enjeux et les défis actuels qui perturbent le milieu.
Objectif Gard : Après les incidents du week-end dernier, Pablo Longoria a reçu 15 matchs de suspension. Que pensez-vous de cette décision ?
Philippe Malige : Cette sentence est plus symbolique que pénalisante. Il sera peut-être empêché d’être dans les tribunes présidentielles, mais il pourra aller voir le match ailleurs. Puis, il ne pourra plus accéder aux couloirs, mais normalement, il n’a rien à y faire. Donc 15 matchs ça peut paraître beaucoup, mais je ne pense pas que la peine lui soit très défavorable. Les propos tenus ce week-end sont extrêmement graves. Bien qu’il se soit excusé dès le lendemain, ce sont des termes jamais entendus de la part d’un dirigeant de club de Ligue 1.
Justement, le président de l’OM a parlé de corruption dans l’arbitrage français.
Malheureusement, dans le football, l’arbitre a toujours été le souffre-douleur. J’ai arrêté d’arbitrer il y a une dizaine d’années, et c’était déjà le cas. On peut toujours affirmer qu’un arbitre s’est trompé ou qu’il n’est pas bon. D'ailleurs, je le vois souvent sur les réseaux sociaux et c’est regrettable. Mais là, on passe à un niveau supérieur en traitant les arbitres de corrompus. Il y a une notion de malhonnêteté et c’est scandaleux. C’est pour cela que tous les arbitres professionnels sont allés porter plainte pour diffamation. Bien sûr qu’il n’y a pas de corruption en France, c'est une évidence. Donc ces propos sont vraiment très dangereux. Puis, ça entretient une mauvaise ambiance dans le football français, et on n'en a pas du tout besoin en ce moment.
Avec votre œil d’expert, l’arbitre s’est-il trompé dans ses décisions lors du match entre Auxerre et Marseille ?
Les deux décisions contestées ne sont pas contestables. Chaque début de semaine, la direction de l’arbitrage fait un débriefing technique où il est possible de trouver les analyses sur le site de la Fédération française de football. L’arbitre ne s’est pas trompé, mais parfois ça arrive. D’ailleurs, quand c'est le cas, la direction de l’arbitrage le reconnaît. Et quand bien même, il se serait trompé, est-ce que ça vaut le coup de le menacer ?
Vous avez été arbitre professionnel, notamment en Ligue 1 et en Ligue 2. À quelles difficultés avez-vous été confronté ?
Quand on rentre sur un terrain en tant qu’arbitre, notre mission est de veiller au bon déroulement du match, de faire respecter les règles et de prendre les bonnes décisions. Donc la difficulté, c'est d’aller au bout de nos objectifs et de réussir. C’est une difficulté récurrente à chaque match. Mais parfois, les comportements ne nous aident vraiment pas. Je ne dis pas qu’il n’y a pas d’erreurs d’arbitrage, nous savons qu’il y en aura toujours, tout humain peut se tromper.
"Il y a de moins en moins d'arbitres"
Avez-vous l’impression qu’exercer en tant qu’arbitre est de plus en plus dur ?
Oui, arbitrer est de plus en plus difficile. Il y a de mauvais comportements en haut, qui se répercutent plus bas et qui mettent à mal le travail de tous les éducateurs des clubs amateurs qui font en sorte d’inculquer de bonnes valeurs aux joueurs. Il y a de mauvais exemples avec notamment Pablo Longoria ce week-end, mais ce n’est pas le seul. Chaque année, il y a entre 20 et 30 % des arbitres débutants qui arrêtent à l’issue de leur première saison. C’est énorme ! Il y a de moins en moins d'arbitres. Chaque année, on en perd. Quand il n’y aura plus d’arbitre, tous ceux qui critiquent et insultent, prendront le sifflet et se débrouilleront. On verra si c’est si facile !
Les arbitres français sont-ils assez considérés ?
C’est paradoxal ! Quand on lit les commentaires des supporters sur les réseaux sociaux, les arbitres français sont nuls et ne font que des erreurs. Pourtant, au niveau international, François Letexier a été élu meilleur arbitre mondial en 2024. Et avec Clément Turpin, ils arbitrent de gros matchs sur les journées de Ligue des champions. Ce sont les deux leaders de l’arbitrage en France. Au niveau international, les arbitres français ont des désignations et ils s’en sortent très bien.
Selon vous, qu’est-ce qui devrait être mis en place pour sécuriser davantage les arbitres ?
D’abord, je pense que les éducateurs des jeunes doivent plus insister sur le respect de l’adversaire et de l’arbitre. Attention, ils font bien leur travail. Je ne suis pas en train de dire qu’il y a des carences, mais il faut plus insister sur ces valeurs. Puis, je pense qu’il est aussi nécessaire d’éduquer les parents. Avec tout l’argent qu’un joueur professionnel peut potentiellement gagner, certaines familles perdent la raison. Enfin, il faut sanctionner lourdement, que ce soit au niveau professionnel ou amateur. Je veux bien que le football soit à l’image de la société, mais au rugby ou bien au handball, il n’y a pas tous ces problèmes. Pourtant, ces sports font aussi partie de notre société. Il faut que le haut niveau montre un bon exemple. Pour cela, il ne faut pas hésiter à donner des sanctions sévères et éducatives.