FAIT DU JOUR Chusclan-Laudun face à Nîmes en Coupe de France : « On va vendre notre peau, mais pas en soldes ! »
La nuit tombe ce jeudi soir sur le clos Bon-Aure de Pont-Saint-Esprit, pour le dernier entraînement du FC Chusclan-Laudun-l’Ardoise, club de Régionale 3, avant le match événement de ce samedi. Le FCCLA affrontera le grand Nîmes Olympique, qui évolue en Ligue 2, six divisions au-dessus, pour le compte du septième tour de Coupe de France.
Un entraînement loin des bases habituelles des Chusclano-Laudunois, histoire de prendre leurs marques dans l’enceinte qui accueillera le match. Si beaucoup de ses joueurs découvrent cette pelouse, ce n’est pas le cas de leur entraîneur, Philippe Morel, 12 ans de FCCLA au compteur. Il y a un peu moins de trente ans, alors joueur de l’Indépendante de Pont-Saint-Esprit, il a connu deux campagnes de Coupe de France, « une en tant que titulaire en 1992-1993, où on a fini contre l’AS Monaco, et une deuxième plus tard comme remplaçant quand on a perdu contre Caen. Mes joueurs, je sais dans quel état d’esprit ils sont », affirme-t-il.
Ce discours, il l’a tenu à ses joueurs au moment de leur annoncer le groupe et la compo de départ de samedi. « Ça a été le plus dur, souffle-t-il. On était 28 et il fallait en prendre 18, avec trois ou quatre qui auraient pu prétendre à être dans le groupe, et il y en a sept sur la touche. » Mais pas de suspendu ni de blessé. D’ailleurs, lors du dernier entraînement le coach n’a « pas voulu faire d’opposition pour ne pas avoir de tensions, de contacts ». À ces exercices, il a donc préféré des courses et des mises en situation pour préparer ce match tout sauf ordinaire, une première pour le club.
D’autant que « nous n’avons pas eu une semaine normale, la réserve a joué mardi et on a joué mercredi en Coupe Gard-Lozère (victoire 6-0 contre Nîmes Cheminots, ndlr). Ce n’est pas l’idéal, mais je ne me plains pas, car je préfère revivre des semaines comme celle-là, dans la préparation, dans la fête, que celle d’avant où on préparait la commission d’appel ».
« On est une bande de copains pas que dans les bons moments »
Car ce grand match de samedi face au Nîmes Olympique, le FCCLA a bien cru qu’il ne le jouerait pas, suite à une réserve émise par Saint-Estève Perpignan à l’issue du match du tour précédent remporté par les Gardois. En cause, l’absence de la signature du représentant légal de l’attaquant Souleymane Diaby, rentré en jeu lors du match. Dans un premier temps, la Ligue tranche en faveur de l’équipe des P-O et donne match à rejouer, avant que la commission d’appel ne donne gain de cause au FCCLA samedi. « Ça a été un ascenseur émotionnel. Un peu comme avec la VAR », plaisante Karim Guettoucha, expérimenté défenseur central du club, 49 ans.
Une épreuve à surmonter pour le club de R3. « J’étais démoralisé, rejoue Souleymane Diaby, apprenti boucher de 17 ans, mineur isolé, arrivé cette année au club. Tout le monde s’est battu à mes côtés. Tous mes coéquipiers m’ont soutenu. » « Souley n’était pas bien, il avait le sentiment d’avoir fait perdre l’équipe. Mais on est un groupe, on l’a soutenu, reprend le capitaine Yoan Delaplace, 33 ans. On est une bande de copains pas que dans les bons moments. » Karim Guettoucha, doyen de l’équipe, policier lorsqu’il ne chausse pas les crampons, loue « un bon groupe, des bons jeunes. Il m’arrive d’aller travailler de nuit après un entraînement. Si je le fais, c’est qu’on a un bon groupe. »
Malgré cette solidarité, « il a fallu trouver les mots pour remobiliser tout le monde, alors que moi-même j’étais au fond du trou », raconte Philippe Morel qui avoue, à la fin de l’histoire qui a vu son club avoir gain de cause, avoir eu « les larmes aux yeux ». La péripétie aura eu le mérite de voir naître « un élan de sympathie autour de l’équipe. On a eu un soutien énorme, notamment des clubs voisins », affirme le coach. « On a vu qu’on avait la région avec nous », estime Julien Giachetto, milieu polyvalent du club, 31 ans.
« La logique voudrait qu’on en prenne comme aux boules »
Désormais, place au match. « La logique voudrait qu’on en prenne comme aux boules, admet Philippe Morel. Mais on a des qualités de footeux. Si on est là ce n’est pas parce qu’on est des gentils garçons. Je veux qu’on continue à montrer l’image d’une équipe dynamique, qui essaie de jouer. Je ne veux pas qu’on fasse les voyous sur le terrain. » Le capitaine Yoan Delaplace, qui n’était jamais allé aussi loin dans la compétition, ne se met pas de pression. « On est tranquilles. Tu sais que tu ne vas pas la gagner la coupe. C’est ce qu’on se dit depuis le quatrième tour et maintenant on joue une équipe qui joue six divisions au-dessus de nous. »
« La pression, elle est pour le Nîmes Olympique, rajoute Karim Guettoucha qui a déjà joué un septième tour de coupe avec le SC Montfavet il y a quelques années mais pas contre des professionnels. C’est historique. Pour nous, ce sera peut-être la seule fois. On n’a rien à perdre mais on va jouer pour gagner. » « On va tout faire pour les faire douter et espérer la qualif’ », affirme Julien Giachetto. « On va vendre notre peau, mais pas en soldes ! », résume Yoan Delaplace. L’entraîneur préfère souhaiter « qu’on ne soit pas spectateurs mais acteurs ».
Au-delà du rectangle vert, ce match s’annonce comme une fête. Jeudi soir, 1 400 places environ sur les 1 800 possibles avaient déjà trouvé preneur et le match devrait donc se jouer à guichets fermés. « Ça va être fou. Un moment de pur bonheur », lance le capitaine, qui en est à sa 17e saison au sein d’un club où il a tout connu, y compris les galères. « On a connu les saisons où on était derniers de DHR, où on prenait des taules tous les week-ends et où on était cinq aux entraînements », raconte Julien Giachetto, sept ans de FCCLA au compteur. Alors « aujourd’hui vivre un truc comme ça, c’est que du kif », reprend Yoan Delaplace. Coup d’envoi à 14 heures au stade du Clos Bon-Aure de Pont-Saint-Esprit.
Thierry ALLARD