FAIT DU JOUR Les vins du jeune Laurent Soulier font la fierté de tout un village
De la vigne à la bouteille : tel est l'ambitieux projet que porte Laurent Soulier, jeune vigneron installé à Saint-Hippolyte-de-Caton, lequel s'est lancé en solitaire il y a quelques mois après la construction de son caveau. Sa première gamme de vins fruités et caractériels fait la fierté de tout un petit village où les viticulteurs ne sont plus aussi nombreux qu'avant.
"C'est un petit événement pour le village car les vignerons y sont de moins en moins nombreux." Cette phrase signée de Yannick Martiquet, conseiller municipal de Saint-Hippolyte-de-Caton, illustre la raréfaction d'une profession qui a longtemps fait les beaux jours de cette petite commune de 250 âmes et de beaucoup d'autres. Dans ce contexte, la récente construction d'un caveau sur une terre appartenant à la famille Soulier n'est pas passé inaperçue.
Aux manettes du projet, Laurent, 32 ans, un enfant du village. S'il avait déjà repris l'exploitation familiale en 2012 après l'obtention d'un bac professionnel Vigne et Vin au lycée de Rodilhan, il s'est partiellement lancé en solitaire il y a quelques mois. Ses stages et emplois saisonniers à la cave de Ners n'y sont pas complètement étrangers. "C'est en partie là-bas qu'est née mon envie de travailler le vin de la vigne à la bouteille pour valoriser au mieux une partie de mon exploitation", justifie Laurent Soulier, qui assure désormais toutes les étapes, de la taille hivernale jusqu'à la vente, en passant par les vendanges à la fin de l'été, le pressage, la maturation et la fermentation.
Un vin blanc moelleux à l'horizon 2023
Une partie seulement, puisque 75% de sa récolte réalisée sur ses 16 hectares de vignes irrigue encore la cave coopérative d'Euzet-les-Bains située à quelques hectomètres du nouveau caveau particulier, tandis que les 120 hectolitres restants, issus des vendanges de septembre dernier, ont été mis en bouteilles pour être vendus aux particuliers et aux restaurateurs locaux.
Les trois couleurs sont évidemment représentées : blanc, rosé et rouge. La première cuvée, élaborée avec le concours d'une œnologue proche de la famille, a accouché d'une gamme voulue estivale comprenant notamment deux vins blancs, un chardonnay grenache rond et légèrement poivré, et un sauvignon fruité aux intenses arômes d'agrumes, lequel serait "plutôt dédié aux restaurants de bord de mer".
La fraîcheur du rosé marselan du domaine Soulier a déjà conquis son monde et intègrera sous peu la carte de plusieurs établissements, dont celle du Saint-Maurice. Aussi, un rouge cinsault, très fruité, "à bas degré et idéal pour l'été", a été élaboré. Enfin, deux autres vins rouges, plus tanniques, sont actuellement en phase de maturation dans des cuves et seront livrés au début de l'automne prochain. "Je voulais que tout le monde puisse y trouver son compte", résume Laurent Soulier, qui annonce par ailleurs l'arrivée d'un vin blanc plus moelleux en 2023 et s'est entouré d'un ami commercial, Benjamin Bonnafoux, pour distribuer sa cuvée.
"J'ai parfois songé à tout arrêter"
Parce qu'il ne laisse rien au hasard et aime s'entourer "de gens compétents dans leur domaine respectif", le vigneron catonais a fait appel aux services d'Audrey Ferrand, spécialisée dans la création graphique, qui a assuré le design épuré de l'étiquette des bouteilles, affublée d'une grappe et des initiales du domaine Soulier. Pour élargir son réseau et continuer de faire connaître son travail au plus grand nombre, le trentenaire, jeune père de famille, misera sur une présence lors de foires et salons.
C'est dans cette optique qu'il a accepté l'invitation du Lions Club Alès, lequel organisera une grande foire aux vins à visée caritative le 15 juin prochain, en présence de quinze autres vignerons du territoire. S'il est encore "brut" et pas totalement achevé, le bâtiment qui fait office de cave pour la famille Soulier est déjà en mesure d'accueillir des clients à l'occasion de matinées de dégustation. D'ici 2024, le sous-sol (quatre mètres sous terre) sera aménagé en caveau de vente. Telle est en tout cas l'ambition de celui qui est aussi président du comité des fêtes, et a déjà partiellement réalisé son projet, celui de toute une vie.
Car s'il a, comme beaucoup d'autres, un temps été effrayé par les aléas climatiques (gel, grêle, sécheresse) et la rudesse d'un métier qui peine à attirer de nouveaux visages, Laurent Soulier avait de bonnes raisons de ne pas renoncer : "À l'époque, il y avait une mauvaise récolte sur cinq. Aujourd'hui, le rapport s'est presque inversé et on a plutôt une bonne récolte sur cinq. C'est décourageant et j'ai parfois songé à tout arrêter. Mais ce projet m'a fait continuer et tenir car j'avais cette ligne d'arrivée en tête." Et le Catonais de conclure : "Il y a aussi le poids de l'héritage familial. Mon père avait remis l'exploitation à niveau et racheté du matériel. Je ne pouvais pas vivre sur ses acquis. Chaque génération doit apporter sa touche."
Corentin Migoule