FAIT DU JOUR Pascal Obispo à Alès : "Ne pas attendre qu'ils soient morts pour dire aux gens combien on les aime"
Attendu de pied ferme par une bande de "Fous chantants" depuis 2020, Pascal Obispo est à Alès depuis quelques heures. Alors qu'il se produira ce vendredi soir puis demain, samedi, dans des arènes du Tempéras combles (21h30) aux côtés d'un millier de choristes, l'interprète de Lucie nous a accordé une dizaine de minutes ce jeudi soir.
L'occasion d'aborder sa loyauté à un événement reporté à deux reprises, son amour de la scène, son rapport au public et la problématique des incendies qui frappe le Gard, comme sa Gironde adorée, ce qui a le don de l'agacer.
Objectif Gard : Vous venez de rencontrer les 1 000 choristes des Fous chantants en pleine répétition dans la cour du Fort Vauban. Quelle a été la teneur de l'accueil qui vous a été réservé ?
Pascal Obispo : Ça a été tout simplement extraordinaire ! Je compare ça à l'arrivée d'un enfant. On s'imagine plein de choses et ça se passe de manière très différente. C'est une émotion très particulière. C'est mille voix, mille sourires, deux mille mains qui vous applaudissent. Ça a été un moment de partage, de plaisir, avec une correspondance incroyable. Ça fabrique un tout qui va se produire demain (ce soir) et après-demain (ce samedi soir). On va vibrer, c'est certain ! Car avec 1 000 choristes, il y a inévitablement une vibration particulière qu'on ne ressent pas dans les studios. Là on sent la vie, tandis que les machines ça produit un son un peu trafiqué, un peu "fake". Là c'est exactement le contraire. On se sent profondément vivant au milieu de ces 1 000 personnes.
Votre ami de toujours, Florent Pagny, a lui aussi été mis à l'honneur par les Fous chantants en 2017. Vous a-t-il présenté le concept ? Si oui, en quels termes ?
Non pas du tout, j'arrive dans l'inconnu. J'ai déjà chanté une fois avec 300 chœurs à Troyes. C'était une expérience vraiment magnifique. Donc quand ils (les organisateurs, Ndlr) m'ont proposé ça il y a deux ans, je n'ai pas hésité une seconde. Il y a eu deux reports à cause de la pandémie, alors j'ai attendu le bon moment pour venir. Je suis très heureux d'être là.
Je profite d'être en vie et en bonne santé pour faire le plus de musique possible"
Lorsqu'on a 30 ans de carrière comme c'est votre cas, qu'on a chanté avec les plus grands, rempli les plus grandes salles, parvient-on toujours à s'émerveiller à l'idée de se produire à Alès devant 3 000 spectateurs ?
Oui, évidemment, surtout dans ce format-là. Rendre hommage à un artiste vivant, c'est relativement rare dans ce pays. Je trouve que les Fous chantants font un travail fantastique avec une philosophie qui est aussi la mienne, c'est-à-dire d'exprimer aux personnes qui sont encore vivantes combien on les aime, combien on a aimé leur travail, et ne pas attendre qu'elles soient mortes pour leur écrire une lettre, souvent ridicule, sur Instagram, en tutoyant la personne comme si on la connaissait personnellement alors que bien souvent ce n'est pas le cas. J'ai toujours été très gêné par ce genre de démarche. Pour moi, l'amour s'exprime lorsqu'on est en vie. Après, c'est juste le souvenir. Je suis donc très honoré que les Fous chantants n'aient pas attendu que je disparaisse pour me rendre hommage (rires).
Il y a quelques jours, sur votre application "Obispo All Access" lancée début 2021, vous avez dévoilé une reprise du titre Voilà, c'est fini de Jean-Louis Aubert qui semble avoir beaucoup ému vos fans. Ne ferait-elle pas un formidable final pour la soirée des Fous chantants ?
(Il rit) Je n'y avais même pas pensé ! Ça aurait pu, mais non, je ne crois pas que ça soit prévu. C'est un titre que j'ai dévoilé parce que je revisite la chanson française. Lorsque j'ai lancé cette application, j'avais promis de publier une chanson par semaine. Depuis un an et demi, je crois que j'ai sorti l'équivalent de 22 albums avec près de 80 chansons. Je suis très fier de ça. C'était un challenge qui m'a permis d'explorer le répertoire de la chanson française qui est très, très riche. D'ailleurs je prépare beaucoup de choses et des surprises. Je profite d'être en vie et en bonne santé pour faire le plus de musique possible et je continuerai jusqu'à la fin.
Vous deviez interpréter trois chansons avec les choristes des Fous chantants. Il semblerait que vous ayez décidé d'être encore plus généreux...
On m'avait dit trois. Je ne comprenais pas pourquoi je devais en faire si peu. Alors j'ai proposé d'en faire six et ça a beaucoup plu. Je sais qu'il y aura Millésime. Et les autres je ne sais plus. Je crois que ça ressemble à une surprise (il sourit malicieusement).
En tant qu'enfant du bassin d'Arcachon, vous avez récemment réagi à un triste fait d'actualité, exprimant votre colère à l'égard des ces incendies ayant ravagé des milliers d'hectares de forêts de votre Gironde adorée. Le Gard est lui aussi victime de ce fléau. C'est un épisode traumatisant ?
Vraiment ! Il faut rendre hommage aux pompiers et je le ferai à l'occasion d'un concert spécial. Ce sont des gens très courageux. Ils n'ont pas dormi pendant des nuits pour affronter des flammes hautes comme des immeubles. J'étais dans le coin. J'ai même fait une photo du vent qui avait détourné un nuage de fumée en provenance de la Teste-de-Buche et qui recouvrait intégralement la péninsule du Cap-Ferret. C'était une fumée suffocante, irrespirable. Il y avait un côté Interstellar. On voyait les Canadair tourner tous les jours. C'était très impressionnant ! Les pompiers ont réussi à maîtriser le feu. Mais il faut savoir que jusqu'au mois d'octobre, les racines continueront de brûler. C'est dramatique.
Sur cette même publication, vous disiez qu'il y avait "des choses à faire en amont pour prévenir et réduire cette horrible catastrophe". À quoi pensiez-vous ?
Disons qu'il y a plusieurs philosophies dans la manière de concevoir la protection de l'environnement. Il y a une philosophie qui dit qu'il faut laisser la nature vivre tout simplement. Il y en a une autre qui dit "oui, protégeons la nature, mais protégeons aussi les Hommes". Or pour protéger aussi les Hommes, il faut d'abord protéger la fonction des arbres qui est d'absorber le CO2, et élaguer au maximum pour qu'on ait des pares-feux suffisants afin que les incendies se développent pas. Au-delà des débiles pyromanes qui se font plaisir en détruisant la planète, il y a une réflexion à faire pour savoir ce qui est mieux pour l'Homme et ce qui est le mieux pour la forêt. Il y a sans doute un compromis à faire, mais ce qui est sûr c'est qu'il faut des pares-feux pour protéger les citoyens, les campings et les villes. Quand on sait qu'une pigne de pin peut s'envoler jusqu'à 100 mètres, il faut des pares-feux qui mesurent plusieurs centaines de mètres. En résumé, les lois c'est bien. Mais je pense qu'il faut laisser aux spécialistes le soin de dicter ce qui est bon ou pas pour la survie des forêts et des Hommes. Les spécialistes ne sont pas forcément ceux qui gouvernent. Les spécialistes, ce sont les sylviculteurs. Eux ils savent ! Maintenant il faut faire ce qu'il y a à faire et tout ira bien.
Propos recueillis par Corentin Migoule