FAIT DU JOUR Pass sanitaire : les commerçants du marché de Noël de Bagnols se rebiffent
Ce mardi matin, à 10 heures, alors que le marché de Noël de Bagnols, place Mallet, devait ouvrir, les chalets restaient désespérément clos.
Sur place, l’ambiance est tendue, et il faudra une heure au premier adjoint bagnolais, Maxime Couston, pour convaincre la trentaine de commerçants d’ouvrir ce mardi. « Ils faisaient grève ! », constate l’élu. Des commerçants mécontents du fait que le pass sanitaire soit obligatoire à l’entrée du marché, et surtout, mais ça va avec, que le marché soit ceinturé de barrières.
Résultat : « il n’y a personne, et là ce n’est pas un moment creux, c’est tout le temps comme ça », souffle Davy, venu vendre ses sirops artisanaux. « Ce sont les barrières qui bloquent, on voit les gens faire demi-tour », reprend-t-il, désabusé. « Toutes ces barrières et cette unique entrée ne donnent pas forcément envie, il ne faut pas que ce soit une contrainte, affirme Anne-Laure, qui vend des bijoux. Pourtant, le marché de Noël de Bagnols est un de ceux qui fonctionnent le mieux d'habitude. Je l'ai fait deux années avant le covid, j'avais bien vendu. Mais là, c'est démotivant. »
« Il n'y a qu'une seule entrée, ça coupe la fluidité, estime Jean-François Romeuf, qui vend ses vinaigres artisanaux. Ça n'incite pas les gens à venir, ils se sentent obligés de rentrer, d'acheter. Sur un marché de Noël, on est sensés déambuler. J'étais sur le marché de Pierrelatte et de Quissac, on a quand même bien vendu. Ici, non. » Le même nous précise que le chiffre d’affaires de ce lundi des trente chalets cumulés, c’est une estimation mais elle est parlante, est de… 738 euros.
« Déjà qu’en semaine c’est calme, là les exposants font de la figuration alors qu’ils ont payé leur chalet », note Jean-Luc Vidal, qui propose des crêpes et des produits à la châtaigne sur le marché. Comme nombre de ses confrères, il est dans l’incompréhension et estime que la mairie, en mettant en place le ceinturage du marché et le contrôle du pass sanitaire à l’entrée, « s’est auto-containte. » Le commerçant estime également que le marché de Noël a été condamné à voir passer sans en profiter les différentes animations, comme la retraite aux flambeaux en fin de semaine dernière : « les gens sont passés derrière la barrière. »
« Je ne reviens pas demain, ce soir je rentre tout »
Alors ce mardi matin, cinq chalets sont restés fermés. Et il y en aura au moins un de plus aujourd'hui : « Je ne reviens pas demain, ce soir je rentre tout », prévient notre vendeur de sirops, à peine rentré dans ses frais. Sur le marché, on dit que certains commerçants ont vendu leurs produits à travers les grilles, et que de toute façon, les principaux clients sont… les commerçants entre eux. Alors « pour ceux qui sont un peu loin la question se pose : est-ce que ça mérite de venir ? », pose Jean-François Romeuf. « Il y en a qui ne ferment pas pour ne pas se griller auprès de la mairie pour les prochaines éditions », grince un commerçant.
Ce ras-le-bol s’accompagne d’une incompréhension de plus en plus grande : « On ne comprend pas l'inégalité de traitement entre les marchés, explique Anne-Laure. Celui du mercredi est ouvert, avec beaucoup de monde, et aucun pass n'est demandé. » Sans compter que le marché de Noël de Pont-Saint-Esprit, à onze kilomètres de Bagnols, est ouvert sans pass sanitaire.
Du côté de la mairie de Bagnols, on se défend et on affirme appliquer à la lettre le protocole sanitaire donné par la préfecture qui précise que « les marchés de Noël, de par leur dimension festive, sont soumis au pass sanitaire alors que le pass sanitaire n’est pas exigé dans les autres marchés, ouverts ou couverts. » Un texte daté de novembre dernier, et dans une actualisation des protocoles en date du 8 décembre, les services de l’État précisent qu'un « protocole sanitaire spécifique a été élaboré pour les marchés de Noël qui doivent être organisés en répondant aux exigences du pass sanitaire dès lors qu’y sont prévues des animations ou que la consommation de boissons ou de nourriture est permise. » C’est le cas du marché de Bagnols, avec son espace de dégustation. Celui de Pont-Saint-Esprit n’en compte pas.
De ce fait, « enlever le pass sanitaire, ce n’est pas faisable », affirme Maxime Couston. « Les commerçants considèrent que le pass sanitaire fait obstacle mais la priorité du maire, c'est de préserver la santé des gens, poursuit-il. On a des obligations. » Et l’élu d’affirmer que « À la patinoire, on exige le pass et c'est plein. » Alors pour lui, avec la « grève » de ce mardi matin les commerçants « se tirent une balle dans le pied. » L’élu a donc ramené le groupe de musique Cartoon Show pour animer quelque peu le marché, et s’il n’a pas complètement perdu son éternel sourire, il est quelque peu désabusé. « La féérie de Noël est un peu gâchée. On a fait des efforts pour que ça fonctionne : on organise des animations, on a mis de belles décorations et illuminations… »
De toute façon, « d’une manière générale, cette année c’est morose », estime Jean-Luc Vidal. Il reste jusqu’à vendredi soir pour espérer voir la tendance s’inverser.
Thierry Allard (avec Marie Meunier)