FAIT DU SOIR À la communauté de communes du Pont-du-Gard, les élus d'opposition tapent du poing sur la table
Lundi soir, le maire de Fournès, Thierry Boudinaud, annonçait qu'Amazon se retirait définitivement du projet de centre de tri de colis prévu sur sa commune. Déçu, l'édile nous a également fait part de ses inquiétudes concernant le développement économique à venir de la communauté de communes du Pont-du-Gard (CCPG). Des craintes partagées par d'autres élus du territoire qui aimeraient aussi parler de l'avenir de l'intercommunalité et de la pertinence ou pas d'une éventuelle fusion avec les communautés de communes Pays d'Uzès (CCPU) ou de Beaucaire Terre d'Argence (CCBTA).
"J'en suis à un point où je n'ai même plus envie d'assister aux réunions. Je crois que je vais déserter la communauté de communes", soupire Muriel Dherbecourt, maire de Castillon-du-Gard. Ce vent de ras-le-bol souffle sur plusieurs villages de la CCPG : Castillon, Fournès, Estézargues, Domazan, Théziers et Argilliers (qui quittera d'ailleurs la CCPG pour la communauté de communes Pays d'Uzès au 1er janvier, ndlr). "Tous les dossiers gênants sont mis sous le tapis", rebondit Louis Donnet, maire de Domazan. Il fait référence notamment à l'omerta qui a fait suite à la condamnation récente pour harcèlement moral, dans sa commune, d'Olivier Sauzet, maire de Vers-Pont-du-Gard et vice-président délégué aux Finances.
Muriel Dherbecourt ravive aussi l'épisode de la crèche. Des parents d'Argilliers voient leur contrat non-reconduit avec la crèche de Vers au 1er janvier, puisque la commune sort de la CCPG. "La famille est effondrée. Le médiateur de la République leur a donné raison, tant sur le droit de l'enfant que sur la continuité de service public. C'est juste inadmissible de faire cela. On a juste voulu faire payer le départ de la commune d'Argilliers de la communauté de communes", ne décolère pas la maire de Castillon.
Pourquoi ne pas avoir discuté de ce cas tous ensemble avant de prendre une décision ? C'est la question que soulèvent ces élus. Plus globalement, ils reprochent un manque de communication avec le président, les vice-présidents et autres élus majoritaires. "Une seule séance en 18 mois pour travailler sur l'économie", "il a fallu pleurer pour avoir une réunion sur le SPANC", "les groupes de travail ne se réunissent pas", "il y a une sorte de chape de plomb, on se sent enfermé", égrène l'opposition.
Fusionner pour continuer d'exister ?
Cette dernière regrette également que ses contributions n'aient pas été prises en compte dans le projet de territoire, voté au dernier conseil communautaire (où tous ces élus se sont abstenus, ndlr). Au-delà du "manque de reconnaissance de l'identité du territoire", le groupe souligne que rien n'est clairement défini sur le développement économique qui devra composer avec la présence d'espèces protégées. Rien non plus sur un sujet qui s'amorce comme une évidence à leurs yeux : la fin de la CCPG.
"On aimerait discuter avec toutes les communes sur le devenir de la communauté. Car il n'y en a pas. Il faut d'ores et déjà penser à la sortie, se poser autour d'une table en toute transparence et se préparer à l'avenir. Mais ça, c'est hors de question pour le moment", ressent Muriel Dherbecourt. Elle suggère de commencer à se rapprocher des communautés de communes voisines. Et peut-être devenir un peu plus gros, "plutôt que faire des économies au détriment des services", comme le ressent aujourd'hui Thierry Boudinaud.
Pourquoi ne pas fusionner avec la CCPU et la CCBTA pour "faire de l'ombre à l'Agglo d'Alès ou Nîmes métropole", avance Muriel Dherbecourt. Mais les élus d'opposition n'ont pas le sentiment que la discussion soit ouverte. "Leur idée c'est de rester ensemble et petit, coûte que coûte. Mais en restant ensemble sans rentrée fiscale, les fonds vont s'épuiser et cela va finir par tuer la communauté de communes", ajoute Didier Catuogno, premier adjoint d'Estézargues.
"On ne se reconnaît plus dans cette communauté de communes"
Tout le groupe espère entamer une réflexion sur ce sujet avec la majorité de la CCPG. Autrement, d'aucuns n'excluent pas la possibilité de quitter le navire pour d'autres intercommunalités. Même si ce n'est pas leur volonté première, "malgré les tentations nombreuses". "On ne se reconnaît plus dans cette communauté de communes, je pourrais bien faire le pas un jour... Si la mentalité ne change pas, la CCPG pourrait exploser plus vite que prévu. [...] On en a discuté avec Madame la préfète qui ne s'opposera pas au départ des communes qui voudront partir dans la limite du seuil de 15 000 habitants", poursuit la maire de Castillon-du-Gard. Et Louis Donnet de conclure : "Je crois que la zone de Domazan peut être un atout. Mais si on continue d'être traités comme on l'est, on pourrait bien s'en aller. Pendant des années, on a pu travailler ensemble en bonne intelligence entre petites communes. Aujourd'hui, force est de constater qu'on n'y arrive pas."
Si l'opposition soulève un manque de communication dans l'assemblée, Pierre Prat, président de la CCPG, ne le ressent pas comme tel : "J'ai fait rentrer ces élus au bureau communautaire il y a quelques semaines, ce n'est pas pour les laisser de côté." Il invite les élus "à poser les questions quand il faut" et affirme qu'à "chaque fois qu'il y a un groupe de travail, ils sont invités à y prendre part."
Quant aux abstentions sur le vote du projet de territoire, Pierre Prat tacle : "Lorsque ces élus étaient aux manettes lors du précédent mandat, ils n'en n'ont pas fait. Ils ne savaient même pas ce que c'était." Et concernant le développement économique mis en difficulté par les contraintes environnementales ? "Quand il y avait beaucoup d'argent à la communauté de communes, ils ont oublié de faire des réserves foncières. Aujourd'hui, il n'y en a plus mais il ne faut nous le reprocher à nous qui sommes là depuis un an et demi." Pierre Prat compte bien discuter avec Thierry Boudinaud pour trouver une autre solution à la place d'Amazon à Fournès.
"Pour l'instant, il n'est pas question d'aller avec qui que ce soit"
Concernant l'affaire de la crèche, Pierre Prat répète que "le règlement a été voté il y a quelques années, qu'on ne peut pas l'adapter à chaque cas différent et le modifier d'un coup de baguette magique" et que le maire d'Argilliers aurait dû avertir les parents en amont. Il dément tout soupçon de politisation de l'affaire pour se venger d'Argilliers qui quitte le territoire.
Enfin, le président n'est pas fermé à la discussion concernant le redimensionnement de la CCPG en se rattachant à la CCPU ou à la CCBTA. Mais il indique : "Pour l'instant, il n'est pas question d'aller avec qui que ce soit. La CCPU étant aussi petite que nous, elle est vouée à être absorbée par quelque chose de plus gros. Je ne vois pas l'intérêt d'aller avec eux." Et d'ajouter : "Il y a au moins six ou sept intercommunalités qui nous bordent. Si un jour quelqu'un veut partir, il aura le choix. Mais ce sont les maires seuls qui puissent juger vers qui se tourner."
Libres donc à l'opposition de prendre son destin en main. Mais Pierre Prat rassure et conclut : "Les rentrées fiscales sont les plus grosses rentrées d'argent pour la communauté de communes. Elles sont satisfaisantes. Nos fonds actuels peuvent nous permettre de vivre encore 10 ans." Et ensuite ?
Marie Meunier