FAIT DU SOIR L’Association pour le droit de mourir dans la dignité dénonce « l’hypocrisie » autour de la fin de vie
S’il y a bien une certitude, c’est que nous mourrons tous un jour. Reste à savoir dans quelles conditions. La fin de vie est une vraie question de société, qui fait régulièrement débat au parlement et en dehors.
Depuis plus de quarante ans, l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), met le sujet de la fin de vie sur le tapis et milite pour « une loi de liberté », avance la Villeneuvoise Catherine Daquin, déléguée départementale de l’association dans le Gard, où elle compte 1 040 adhérents.
Dans notre pays, ni l’euthanasie ni le suicide assisté ne figurent dans la loi Claeys-Leonetti, qui régit la fin de vie dans notre pays. Une loi « mauvaise », tranche Catherine Daquin. Car si elle permet désormais la sédation profonde et continue, « c’est accompagné d’un ordre aux médecins, celui de ne la pratiquer qu’en état d’agonie, à trois ou quatre jours de la mort, explique-t-elle. Donc les médecins doivent sortir leur boule de cristal. » Pour l’ADMD, « c’est un énorme problème, car s’il y a une controverse, le médecin peut être attaqué. Et qui décide qu’un patient est en état d’agonie ? », demande Catherine Daquin.
« C’est du sadisme »
Pour elle c’est clair, « il y a une hypocrisie. » « Soyons propres, laissons les gens partir tout de suite à partir du moment où il y a sédation », poursuit-elle, convaincue que « nous sommes piégés par l’évolution extraordinaire de la médecine, aujourd’hui nous sommes capables médicalement de faire survivre longtemps une personne dans un état morbide, irréversible, incurable, avec des souffrances. Or il arrive un moment où les douleurs sont insoutenables, impossibles à soulager, c’est du sadisme. »
La loi rend aussi les directives anticipées, qui sont ouvertes à tous, valables toute la vie. Ces directives anticipées, qui « expliquent ce que vous choisissez pour votre fin de vie, un peu comme un testament », résume Catherine Daquin, sont trop méconnues. « La plupart des Français ignorent l’existence de ce droit », avance la déléguée départementale de l’ADMD qui raconte avoir vu, lors de conférences, des infirmiers n’en avoir jamais entendu parler. « La loi est méconnue, et il n’y a aucune publicité autour de tout ça, c’est un gros problème », lance-t-elle, y voyant une autre « hypocrisie. » Alors l’ADMD cherche à faire connaître les directives anticipées, et aide ses adhérents à remplir la leur.
« Sur le site institutionnel, c’est tellement compliqué que les gens se perdent. Il n’y a pas d’explications sur comment il faut faire respecter ces directives, et beaucoup de gens n’ont pas cherché de personne de confiance (chargée de veiller l’application desdites directives anticipées, NDLR), voire n’ont pas signé le formulaire », décrit Catherine Daquin. Alors l’ADMD, en aidant ses membres avec les directives anticipées, « ne fait que respecter la loi », affirme-t-elle, et a carrément fait un fichier national des directives anticipées. « L’ADMD est le seul endroit où un tel fichier existe. Cherchez l’erreur ! », lance la Villeneuvoise.
« Nous voulons un copier/coller de la loi belge »
Car l’association fait tout pour que ces directives soient appliquées, ce qui n’est pas toujours le cas. « Il m’arrive fréquemment d’être appelée par des personnes de confiance qui ne sont pas écoutées par le corps médical », explique-t-elle. Dans ce cas, l’ADMD sollicite un des médecins référents de l’association pour qu’il entre en contact à la fois avec la personne de confiance et avec le corps médical pour faire respecter les directives anticipées. « Dans la majorité des cas, ça marche », affirme Catherine Daquin.
Et si l’ADMD veille donc au respect de la loi, elle milite aussi pour la changer, et aboutir à cette fameuse « loi de liberté » réclamée sur tous les tons depuis 1980 par l’association. Dans cette loi, il y aurait « un développement des soins palliatifs pour lesquels nous sommes loin du compte », affirme Catherine Daquin. Un quart des départements français ne dispose d’aucune unité de soins palliatifs. On y retrouverait aussi « le droit à l’euthanasie et au suicide assisté, comme en Belgique, présente-t-elle. Nous voulons un copier/coller de la loi belge. »
Une loi datant de 2002 qui autorise l’euthanasie active à partir du moment où le patient et le médecin sont volontaires. Pour Catherine Daquin, l’opinion publique est mûre pour une telle loi en France. D’ailleurs, le dernier sondage en date, réalisé en 2018 par l’institut Ipsos pour Lire la politique, est éloquent : 96 % des sondés sont favorables à l’euthanasie. Un argument repris par l’ADMD : « Il y a trois pouvoirs en contradiction avec la population - politique, religieux et médical - qui sont solidaires pour que les choses ne bougent pas », affirme Catherine Daquin. Résultat, « on est toujours en retard », tonne-t-elle, alors qu’outre la Belgique, les Pays-Bas, la Suisse, le Luxembourg, le Canada, la Colombie et plusieurs états des États-Unis d’Amérique ont déjà légiféré en faveur de l’euthanasie.
Alors l’ADMD soutient les propositions de loi, comme celle de la sénatrice PS Marie-Pierre de la Gontrie ou du député LREM Jean-Louis Touraine, et ce même si les textes ne vont pas toujours assez loin à son goût. « On ne chipote pas sur les détails, car une loi même imparfaite ce sera mieux que rien », note Catherine Daquin.
Thierry ALLARD
thierry.allard@objectifgard.com
L’ADMD du Gard est joignable au 07 83 57 84 91 et par mail à l’adresse suivante : admd30@admd.net.