SÉCURITÉ Schéma national du maintien de l'ordre : la liberté de la presse menacée ?
Le Schéma national du maintien de l'ordre (SNMO), a été voté ce mercredi en première lecture par l'Assemblée nationale. Nécessaire pour protéger les policiers selon les uns, menaçant la liberté de la presse pour les autres, ce projet de loi doit fixer un nouveau cadre au maintien de l'ordre dans les manifestations.
Le texte est clivant et suscite de nombreux débats. Particulièrement dans l'œil du cyclone, les articles 21, 22 et 24 qui prévoient l'accréditation des journalistes souhaitant couvrir une manifestation et l'obligation de quitter les attroupements lors des sommations des forces de l'ordre.
"Avec une telle loi, les fins de manifestations risquent de devenir des zones de non-information, s'insurge Guillaume Mollaret, le président du club de la Presse du Gard. Il n'est pas possible de couvrir un mouvement social si l'on doit respecter des sommations. Une intervention de police fait partie de l'information. Quant à la nécessité de s'accréditer pour pouvoir suivre les cortèges, je n'en comprends pas l'intérêt. Sous couvert de protection, le travail des journalistes pourrait être encadré et ce n'est pas acceptable."
Images non diffusables ?
Autre point de désaccord, l'interdiction de diffusion d'images qui auraient pour but de nuire aux forces de l'ordre. "Cela laisse la porte ouverte à de nombreuses interprétations, note Guillaume Mollaret. La loi de 1881 qui régit la liberté de la presse est très bien et n'a pas à être modifiée."
La perception du SNMO n'est pas le même chez les députés Gardois présents lors du vote qui, en dehors de l'abstention de Philippe Berta (Modem), se sont tous prononcés en faveur du texte présenté ce mercredi en première lecture à l'Assemblée nationale. "On ne vise absolument pas le métier de journaliste, veut rassurer le député de la majorité Anthony Cellier. Ce qui est visé ce sont ceux, et on le voit à chaque manifestation ou intervention de la police, qui dégainent leur portable pour filmer et appellent à dénoncer les gardiens de la paix en diffusant leur lieu d’habitation. Notre rôle est de protéger les forces de l’ordre." Représentant du Rassemblement national à l'Assemblée, Nicolas Meizonnet estime lui aussi que "le travail des journalistes n'est pas entaché par ce texte."
À l'appréciation des juges
"La liberté de la presse est totale et c'était une exigence absolue que j'avais, poursuit-il. Le ministre de l'Intérieur a été clair : tout pourra être filmé. Les juges seront chargés d'apprécier si les images ont l'intention d'informer, et il s'agit alors d'un travail journalistique à protéger, ou de nuire aux forces de l'ordre. Cette année, on dénombre 800 candidats en moins au concours de police. Ce métier est de plus en plus difficile et il faut le protéger. Ce texte est insuffisant pour permettre aux Français de retrouver la sécurité mais il va dans le bon sens."
"Que l'État cherche à protéger ses policiers, je l'entends, conclut Guillaume Mollaret. Mais ces textes, tout comme le discours de Gérald Darmanin, sont un mauvais signal pour la liberté de la presse." Les différents syndicats de journalistes espèrent toujours un retrait de ces articles jugés liberticides et se mobiliseront partout en France au cours de ces prochains jours (*).
Boris Boutet (avec Thierry Allard)
*Deux mobilisations prévues. "À l’issue de la réunion avec le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et sa fin de non-recevoir à la demande de retrait de ces articles, l’ensemble des clubs de la presse et les organisations syndicales représentatives (SNJ, SNJ-CGT, CFDT Journalistes et SGJ-FO) appellent à poursuivre le mouvement de protestation", a fait savoir le Club de la presse et de la communication du Gard dans un communiqué.
Aux côtés du Collectif presse 30, celui-ci donne rendez-vous aux journalistes le vendredi 27 novembre à 12h15 devant la préfecture du Gard. Un rassemblement organisé par la Ligue des droits de l’Homme aura également lieu samedi 28 novembre à 14h au même endroit.