TAVEL Accusations, tensions, poursuites : psychodrame au sein de l’équipe municipale
À Tavel, la quiétude du petit village viticole de près de 2 000 habitants ne se retrouve pas au sein du conseil municipal.
Et pour cause : depuis près de quatre ans, l’assemblée chargée de présider aux destinées du village se déchire. Une situation qui a encore empiré en marge d’une affaire de transfert de voies privées de deux lotissements dans le domaine public municipal.
Elles ont souhaité « rendre publique une malheureuse affaire et expliquer (leur) démarche aux Tavellois ». Céline Seyller, deuxième adjointe au maire de Tavel, et Marie-France Chabaud, conseillère municipale d’opposition, ont organisé une conférence de presse ce mardi soir à un jet de pierre de la mairie où se tenait au même moment un conseil municipal. Il faut dire que Céline Seyller est certes toujours deuxième adjointe, mais à rien : ses délégations lui ont été retirées en octobre 2015 car, affirme-t-elle, « j’avais constaté des dysfonctionnements, des manques de démocratie qui ne me plaisaient pas ». Trois autres élus de la majorité, Jean-Louis Lavaud, Xavier Charmasson et Blandine Berger, seront eux aussi écartés ensuite.
Céline Seyller poursuit en affirmant avoir été mise au placard depuis lors, n’étant plus invitée aux différentes réunions et commissions. « Je n’ai connaissance des affaires municipales qu’en recevant les convocations aux conseils municipaux, et je ne les reçois que deux jours avant », note l’adjointe, à qui les élus du conseil municipal ont toutefois refusé de retirer ce statut. C’est donc « par un administré » qu’en avril 2017 l’élue apprend le projet de transfert de voies privées des lotissements de la Vallongue et de la Ginestière dans le domaine public communal.
Bataille judiciaire entre élus
Une affaire que nous avons relatée l’année dernière (lire ici) et qui soulève la curiosité, pour ne pas dire les soupçons, de Céline Seyller, de la conseillère municipale de la majorité, Blandine Berger, et de l’opposante Marie-France Chabaud. « Nous portons à la connaissance du commissaire enquêteur l’existence probable d’un conflit d’intérêt », poursuit Céline Seyller. La raison ? « 8 membres sur 19 du conseil municipal sont concernés directement ou indirectement par ce transfert, dont le troisième adjoint Richard Bermond-Gonnet, qui est propriétaire dans ce lotissement », affirme Céline Seyller.
Il faut dire qu’il y a de l’enjeu : en passant ces voies dans le domaine public, leur réfection serait assumée par la mairie, et non plus par les propriétaires du lotissement. Combien cela coûterait-il aux contribuables tavellois ? Dans notre précédent article, la mairie sortait le chiffre de 50 000 euros. Pour Céline Seyller, « il n’y a eu aucun chiffrage ni aucune étude ». Pour elle, « il y avait une volonté de boucler ce dossier très rapidement, en catimini ».
Marie-France Chabaud abonde : « Ça dit la manière dont les décisions sont prises. Les élus n’ont qu’à se taire. » Les élues notent leurs griefs dans le registre du commissaire enquêteur, qu’elles n’ont par ailleurs pas rencontré lors de ses permanences, et découvrent après l’été qu’elles font l’objet d’une citation à comparaître pour diffamation et propos calomnieux à l’encontre de Richard Bermond-Gonnet, et du premier adjoint, Bernard Julié. « Ils nous reprochent les propos tenus dans le registre », précise Céline Seyller.
Une accusation « un peu exagérée », pour Marie-France Chabaud, et qui a fait l’objet de deux jugements de nullité de procédure, dont le dernier en date en avril dernier. Reste que l’histoire a duré dix-huit mois. « Ça nous a coûté 5 600 euros chacune de frais judiciaires et ça a eu un impact sur nos familles », affirme Céline Seyller. L’adjointe évoque également des pressions dont elle et sa famille auraient été victimes : « Les vitres de nos deux véhicules ont été brisées dans notre jardin et le matériel professionnel de mon mari a été volé », raconte-t-elle. Elle a également dû scolariser ses enfants dans un village voisin, « car des enfants d’élus leur ont dit que leur mère avait fait quelque chose de très mal et les harcelaient. » Marie-France Chabaud parle quant à elle de « railleries très déplacées en conseil municipal. »
Les municipales sont lancées
Du côté de la mairie, on rappelle que l’affaire du transfert des voies « est toujours en instruction au tribunal administratif. Il est étonnant que des élus s’expriment sur une procédure en cours. » La mairie affirme également que « à partir du moment où les voies sont ouvertes à la circulation, le transfert d’office peut se faire » et que les élus avaient « dès 1976 pris une délibération qui présentait l’intention de transférer ces voies. » Toutefois, cette procédure n’avait à l’époque pas abouti.
Sur la question du chiffrage, « nous avons eu une estimation en interne, mais nous n’allions pas faire de devis sur des voiries qui ne nous appartenaient pas, sachant que tout ce qui est réseaux est déjà pris en charge par le public », explique la mairie. Une mairie qui explique faire face à des propriétaires « qui ne comprennent pas pourquoi ils paient des impôts locaux et ne peuvent pas bénéficier de l’entretien de la voirie. »
Quant aux accusations de mise à l’écart des élus en question, la mairie rappelle que « les commissions sont des organes non officiels » et affirme envoyer les convocations aux conseils municipaux en temps et en heure : « Le dernier conseil municipal s’est déroulé hier (mardi, ndlr), et les documents ont été envoyés le 20 août, soit sept jours avant. » Mieux, « nous remettons systématiquement une note de synthèse alors que ce n’est obligatoire que pour les communes de plus de 3 500 habitants, et que Tavel n’en a que 2 000. »
La majorité préfère donc voir dans toute cette affaire les prémices des élections municipales à venir. Pas complètement faux : lors de la conférence de presse, mardi soir, Céline Seyller a annoncé rejoindre la liste sans étiquette conduite par Gérard Bon, 54 ans, gardien de la déchetterie du village depuis 26 ans. Longtemps employé municipal, il ne pouvait pas légalement se présenter aux élections contre son employeur. « Mais maintenant je suis agent de l’Agglo », ajoute-t-il. La mairie de Tavel, « ça fait trente ans que je les côtoie, et trente ans que je bous. Il faut faire quelque chose », lance le candidat. À Tavel, les municipales sont bel et bien lancées.
Thierry ALLARD