Publié il y a 9 h - Mise à jour le 21.09.2024 - Yannick Pons - 4 min  - vu 128 fois

BEAUCAIRE Bellegarde au temps de Lascaux : les trésors de Piechegu exposés au musée

Coquillage percé

- Photo Denis Gliksman Inrap

Les fouilles effectuées sur le site de Piechegu à Bellegarde ont révélé d'importantes découvertes historiques laissées par nos ancêtres, qui ont occupé cet endroit précis pendant plus de 20 000 ans. Les découvertes de l’Inrap seront dévoilées pour la première fois au grand public au musée d'archéologie Auguste-Jacquet de Beaucaire.

Sur la face d’une toute petite plaquette de calcaire gréseux, on peut distinguer la représentation de la tête d’un cheval, oreilles en antennes, un style artistique qui se retrouve aussi de l’autre côté du Rhône à la même époque. Sur une autre, nos ancêtres ont gravé une vulve. Et puis les archéologues ont trouvé des inscriptions sur cette grande pierre plate exposée au musée beaucairois à partir du 21 septembre, plantée verticalement dans le sol de ce campement au tout début du Magdalénien (20 000 avant JC), dernière culture du paléolithique.

Focale paléolithique

Une fouille préventive, réalisée pendant 11 mois par l’Inrap (l’Institut national de recherches archéologiques préventives), avait révélé en 2016, une occupation régulière de nos ancêtres sur le site de Bellegarde (Gard) de façon discontinue entre la Préhistoire et l’époque moderne. Un mobilier paléolithique exceptionnel a été découvert à environ 7 mètres sous la surface actuelle sur un site de 25 hectares.

Au pied des Costières de Nîmes, aux portes de la Camargue, le site de Bellegarde fouillé par l’Inrap en 2016 a livré un important mobilier paléolithique  • Photo Rémi Benali, Inrap

Pendant plusieurs milliers d’années, un campement en plein air a été occupé à de multiples reprises par des groupes de chasseurs-cueilleurs profitant de la proximité d’une source, de la présence d’arbres et d’une vue panoramique et stratégique sur la plaine de la petite Camargue. Plaine parcourue par des troupeaux de chevaux et de rennes constituant leur gibier privilégié.

Mille-feuilles historique

Dans un niveau plus récent (Magdalénien moyen, 16 000 ans avant JC), une gravure exceptionnelle est interprétée comme une vulve, figurée de manière exagérée et disproportionnée, encadrée par le haut des jambes. Des représentations de vulves isolées sont connues sur des plaques et des blocs dans quelques sites plus anciens en Dordogne.

Au Magdalénien, les exemples documentés jusqu’alors étaient le plus souvent des œuvres pariétales, que ce soit en Espagne ou dans le Sud-Ouest de la France. L’agencement incluant un triangle pubien rattaché à deux jambes est exceptionnel et n’a qu’un seul équivalent connu, sur une paroi de la grotte de Cazelle, en Dordogne.

Nucléus subpyramidal à lamelles et microlamelles retouchées en silex blond, Magdalénien inférieur initial. Petit picots collés au bout des sagaies, utilisées pour la chasse au renne. • Photo Denis Gliksman Inrap

De fines incisions plus difficiles à interpréter ont également été observées sur une grande dalle d’une cinquantaine de centimètres de côtés. Celle-ci a été découverte brisée sur le sol d’un habitat, parmi d’innombrables objets de silex taillé. Il s’agit d’une expression artistique extrêmement rare et peu documentée jusqu’à présent, puisque cela évoque une forme d’art sur dalle dressée, au sein même de l’espace domestique.

Visible de toutes et tous, elle est très différente des peintures et des gravures que l'on trouve habituellement dans des grottes ornées, sans doute peu accessibles quotidiennement au commun des mortels. Difficilement transportable du fait de sa masse et de ses dimensions imposantes, il ne s’agit pas non plus d’un art mobilier. Le musée présente aussi des coquillages percés, récupérés sur la plage située à l’époque à 100 km de Bellegarde, pour en faire des colliers.

Le musée présente aussi des coquillages percés, récupérés sur la plage située à l’époque à 100 km de Bellegarde, pour en faire des colliers • Photo Denis Gliksman Inrap

Chevaux des Costières

Plus inattendue et remarquable, la découverte d’éléments figurés sur de petites plaquettes gravées. Les figures de chevaux qui ont été identifiées rappellent les représentations de ces mêmes animaux, peintes dans la grotte de Lascaux en Dordogne. Les datations par le carbone 14 montrent que les premières gravures de Bellegarde sont aussi anciennes que les réalisations de la célèbre grotte. Mais le caractère inédit des productions artistiques de Piechegu à Bellegarde, réside dans le fait que ces œuvres, pour la toute première fois, ont été découvertes au sein de l’espace domestique.

De manière générale, les œuvres d’art mobilier, réalisées sur des supports transportables, sont plus fréquentes dans le Bassin aquitain et les Pyrénées. Souvent les objets ornés sont mis au jour dans des grottes, beaucoup plus rarement dans un campement de plein air comme c’est ici le cas. À Bellegarde, les éléments figurés sur les plaquettes gravées les plus anciennes (Magdalénien, 20 000 avant JC) sont des profils de chevaux.

Profil de cheval aux oreilles en antennes • Photo Denis Gliksman Inrap

L’une présente un profil de cheval isolé, aux nombreux détails anatomiques précis : naseau, bouche, ganache, œil, crinière, oreilles. L’autre porte trois profils de chevaux juxtaposés avec yeux, ganaches et toupet.« La figuration des oreilles de l’un des chevaux au moyen de petits segments rectilignes en antennes est un trait stylistique que l’on retrouve dans certaines cavités en Ardèche mais aussi dans la grotte Cosquer à Marseille et à Lascaux en Dordogne », confie Vincent Mourre, archéologue spécialiste du paléolithique.

Focale paléolithique

Aujourd’hui, les éléments prélevés ont été sauvegardés. Le site a été creusé encore plus profond afin d’y enfouir nos déchets ménagers.

beaucaire musee bellegarde lascaux (yp)
Les protagonistes de l'exposition au musée, autour de Juan Martinez, maire de Bellegarde et président de la CCBTA • Yannick Pons

L’exposition Bellegarde au temps de Lascaux sera présentée au musée d'histoire et d'archéologie Auguste-Jacquet de Beaucaire du 21 septembre 2024 au 18 mai 2025. « Les fouilles ont mis au jour des découvertes du Magdalénien au Moyen Âge, l’exposition est présentée sous une focale paléolithique », indique Marilyne Bovagne, responsable des fouilles pour l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP). Pour chaque objet, des QR codes permettent de mieux visualiser les objets sous différents faisceaux de lumières.

Infos pratiques

Les 21 et 22 septembre : de 9h30 à 13h et de 14h à 18h. Du 16 octobre au 31 mars : Mercredi au samedi de 14h à 17h. Du 1er avril au 15 octobre : Mercredi au samedi de 9h30 à 12h30 et de 14h à 18h. Tout public

Gratuit pour tous uniquement lors des Journées européennes du Patrimoine. Tarifs plein : 5 €. Tarifs réduit : 3 € (étudiant, RSA, + de 60 ans, visiteurs Abbaye de Saint-Roman sur présentation expresse de leur ticket). Gratuit : enfants de moins de 12 ans, habitants CCBTA.

Musée Auguste-Jacquet - Jardins du château de Beaucaire - 30300 Beaucaire 04 66 59 90 07 / 04 66 59 26 57

Yannick Pons

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