Publié il y a 4 mois - Mise à jour le 26.06.2024 - Thierry Allard - 4 min  - vu 1359 fois

FAIT DU JOUR Farida Djouad Samri, des Escanaux à la recherche de pointe à l’Inserm

La Bagnolaise Farida Djouad Samri, directrice de recherche à l'Inserm, est faite chevalier de l'Ordre national du mérite ce mercredi à Montpellier

- Photo : Candice Bohaud / Inserm

Ce mercredi soir, Farida Djouad Samri, directrice de recherche à l’Inserm, à Montpellier, se verra remettre l’insigne de chevalier de l’ordre national du Mérite. Une distinction qui vient souligner le parcours exemplaire de cette Bagnolaise d’origine, que rien ne prédestinait à cette carrière.

« Ma voie n’était pas tracée dès le début », reconnaît Farida Djouad Samri en jetant un oeil dans le rétroviseur. Née à Bagnols, elle passe les six premières années de sa vie dans le quartier populaire des Escanaux, avant de déménager à Laudun. Elle y est une élève « très studieuse, déjà passionnée par le fonctionnement du corps humain », et compte en faire son métier. « Mais je ne connaissais que trois métiers, et je voulais absolument devenir médecin », poursuit-elle.

Naturellement, elle part en médecine, et en première année d’études elle effectue un stage dans un laboratoire. Une révélation : « Très vite, je comprends que c’est ce qui me correspond le plus, je suis très curieuse de nature et la recherche en biologie me permettait aussi de faire de la recherche médicale, de développer des thérapies », rejoue-t-elle. Elle s’oriente donc dans cette voie, non sans difficultés, puisqu’elle n’obtient pas de bourse de thèse. « Ç’a été difficile, mais heureusement, il y a des gens qui m’ont toujours encouragée », souligne-t-elle. Parmi ces personnes qui ont compté, son chef actuel à l’Inserm, le professeur Christian Jorgensen, lui fait confiance pour ses recherches sur des thérapies contre les maladies auto-immunes.

Farida Djouad Samri réussit sa thèse. Pour son post-doctorat, elle opte pour l’étranger : « J’ai pu aller dans le laboratoire de mon choix, aux États-Unis (celui du professeur Rocky Tuan à Bethesda, NDLR) », avant de revenir en France, à l’Inserm. D’abord chargée de recherches, elle a gravi les échelons en passant directrice de recherches et y dirige aujourd’hui une équipe de quinze personnes au sein de l’Institut de médecine régénératrice et de biothérapie de Montpellier. Son champ de recherche est « le développement de biothérapies avancées pour traiter les maladies auto-immunes et dégénératives », pose-t-elle.

Un espoir de guérison pour des maladies aujourd’hui incurables

De quelles maladies parle-t-on ? « Les maladies auto-immunes sont dues à un dérèglement du système immunitaire, qui se met de manière non-souhaitée à attaquer l’organisme, nos propres tissus, présente la chercheuse. C’est dû à la production d’auto-anticorps, on compte 80 maladies auto-immunes en tout. » Elles ont un point commun : ces maladies sont incurables, et le seul moyen d’en atténuer les symptômes est d’administrer un traitement immunosuppresseur, c’est-à-dire, un traitement qui diminue la réponse immunitaire globale « et rend le patient vulnérable », commente Farida Djouad Samri.

Parmi ces 80 maladies, dans lequelles on retrouve entre autres la sclérose-en-plaques ou le diabète de type 1, elle s’intéresse plus particulièrement à trois d’entre elles : la polyarthrite rhumatoïde, une des maladies auto-immunes les plus fréquentes, le lupus, qui peut toucher divers organes et notamment les reins, et la sclérodermie, qui provoque des douleurs articulaires qui peuvent s’avérer invalidantes.

Plutôt que l’immunosuppression globale, Farida Djouad Samri et son équipe travaillent sur le développement « de biothérapies, à partir du vivant, pour contrôler les cellules malades qui se retournent contre nos propres tissus, explique-t-elle. Au cours de ma thèse, j'ai identifié des cellules qu’on retrouve dans les tissus adultes capables de réguler la fonction immunitaire, qu’on va modifier pour réguler la réponse à ces maladies auto-immunes. C’est une thérapie ciblée. » Des traitements qui fonctionnent sur le même principe que la CAR-T thérapie pour le traitement des cancers, à savoir la modification de cellules immunitaires capables de s’activer au seul contact de cellules cancéreuses, dont le développement est aussi en cours.

En d’autres termes, il s’agit d’un véritable espoir de guérison pour les dizaines de milliers de personnes touchées par ces maladies rien qu’en France. « C’est révolutionnaire, on a changé d’ère thérapeutique », ose la chercheuse, qui tempère toutefois : « Nous en sommes encore au stade de la recherche. » D’ailleurs, son laboratoire vient d’obtenir le statut d’Institut hospitalo-universitaire (IHU), le premier sur cette thématique. Les essais cliniques ont démarré sur une version moins pointue du traitement, qui cible les cellules produisant des anticorps, et la recherche continue en parallèle sur le ciblage des cellules qui produisent des auto-anticorps.

Le super-pouvoir du poisson-zèbre

À côté de ces recherches, Farida Djouad Samri travaille sur un autre axe : celui de la régénération des tissus détériorés, parfois définitivement, par les maladies auto-immunes. L’idée est de « comprendre les mécanismes de régénération chez les espèces qui en sont capables, comme le poisson-zèbre, qui est capable de régénérer n’importe lequel de ses tissus », explique-t-elle. Le poisson-zèbre est notamment capable de régénérer sa nageoire caudale lorsqu’elle a été amputée. Pourrait-on envisager d’utiliser cette propriété sur l’Homme ? Ce n’est pas (plus ?) de la science-fiction : « il y a deux ans, nous avons fait une importante découverte, celle de la cellule qui orchestre ce processus de régénération », affirme-t-elle.

De quoi lui permettre d’obtenir un financement pour travailler, dans un premier temps, à la possibilité de régénérer du cartilage. « Le programme est en cours pour vérifier notre hypothèse », note Farida Djouad Samri. Si elle se vérifie, le champ des possibles qui s’ouvre est immense, notamment pour régénérer des tissus cardiaques, par exemple. Et là aussi, il s’agirait d’une première mondiale.

C’est donc pour ce parcours exemplaire qu’elle sera faire chevalier de l’ordre national du Mérite ce mercredi soir par le Rochefortais Patrick Sandevoir, président de l'Association nationale des membres de l'ordre national du Mérite, devant un parterre de personnalités des mondes scientifique et académique. Un parcours que l’Inserm a mis en avant dans une bande dessinée destinée aux jeunes filles et femmes « pour susciter des vocations », souligne celle qui est aussi impliquée dans la formation d’étudiants sud-américains, car la connaissance ne vaut que si elle est partagée.

Thierry Allard

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