Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 13.06.2020 - boris-de-la-cruz - 3 min  - vu 10456 fois

FAIT DU JOUR Récit des dix minutes qui ont fait basculer le palais de justice de Nîmes dans le drame

Armé jusqu'aux dents, un quadragénaire qui recherchait des magistrats de la cour d'appel, a finalement retourné l'arme contre lui et s'est donné la mort, vendredi matin, dans le hall de la juridiction nîmoise.
C'est devant les grands escaliers de la cour d'appel de Nîmes qu'un homme s'est donné la mort vendredi matin (Photo : B.DLC/ Objectif Gard)

Un homme, âgé de 46 ans, s'est donné la mort vendredi matin dans l'enceinte du palais de justice de Nîmes. Il était parvenu à pénétrer dans l'enceinte de la cour d'appel par un passage habituellement réservé aux professionnels du droit.

Il avait exprimé son désir de rencontrer les magistrats de la cour d'appel. Des "magistrats mafieux", selon ses termes. Que sait-on de cet homme, quelles étaient ses motivations? Objectif Gard décrypte cet événement qui a mis en émoi le personnel, les greffiers et les magistrats nîmois et qui a suscité une grande effervescence hier dans le centre-ville de Nîmes.

Un périple dans la cour d'appel qui dure près de 10 minutes

C'est par l'arrière du tribunal, rue Régale, que l'homme a pénétré (Photo : BDLC/ Objectif Gard)

Il est 8h10 ce vendredi matin lorsque cet homme emprunte la rue Régale et pénètre par les coulisses du palais de justice de Nîmes, par un couloir habituellement utilisé par le personnel du tribunal de Nîmes. D'ordinaire, il faut un badge pour ouvrir la lourde porte et accéder ensuite aux salles d'audience et bureaux mais il semble qu'il ait profité que la porte soit mal refermée pour y pénétrer.

Il monte immédiatement aux étages et se retrouve à la hauteur de l'ancien palais de justice, côté cour d'appel. Son périple dans l'enceinte judiciaire va durer une dizaine de 10 minutes. Habituellement les personnes convoquées passent par les deux entrées principales où sont installés des portiques et où des contrôles stricts sont organisés par une société de sécurité avec des fouilles systématiques. L'homme doit connaître les lieux. Il sait que pour ne pas être repéré il faut passer par cet endroit discret et sans système de sécurité. Dans la rue Régale, il a caché son arme dans un sac - un fusil de chasse - et il a dissimulé de nombreuses munitions, cachées au niveau de ses jambes et d'une ceinture.

Il parle avec du personnel de la cour d'appel

Il monte ensuite à l'étage de la cour d'appel et parvient, là encore, à pénétrer dans un lieu inaccessible d'habitude : le greffe civil. Là, il évoque un haut magistrat qui a changé d'affectation. Il veut également voir "des magistrats mafieux". Il tombe ensuite nez à nez avec un salarié qui le voit armé et qui lui explique qu'il n'est qu'une petite main. Le suspect lui répond qu'il ne lui fera rien. Il tombe ensuite sur un huissier d'audience.

Ce dernier lui demande ce qu'il fait là. Lapidaire dans sa réponse, le mis en cause lui répond du tac au tac : "ta gueule". L'huissier part chercher de l'aide. La police est alertée à 8h18. À partir de ce moment-là un dispositif impressionnant est mis en place en quelques secondes par la commissaire Géraldine Palpacuer. En collaboration avec le vice-procureur, Patrick Bottero, qui va superviser l'ensemble des opérations durant toute la matinée, ils décident d'évacuer la totalité du palais de justice. Les justiciables mais aussi le personnel et les magistrats ont interdiction de pénétrer dans l'enceinte judiciaire tandis que les rues adjacentes sont bloquées et sécurisées par les forces de l'ordre.

Le centre-ville bouclé par les policiers, avec de nombreux pompiers présents (Photo Objectif Gard)

Il se donne la mort devant les grands escaliers et devant des témoins

Lorsqu'il redescend il discute encore avec une employée de la sécurité, puis se dirige vers les escaliers de la cour d'appel, dans le hall, avant de retourner l'arme contre lui. La déflagration de la détonation est entendue dans les étages mais aussi perçue à l'extérieur. À 8h20, l'homme est à terre dans une scène d'épouvante pour le personnel qui a assisté au drame. "Heureusement qu'il n'a pas croisé un magistrat, on aurait pu avoir un drame", souligne un témoin au palais de justice. Il n'aurait pas pointé son arme sur le personnel rencontré. Une enquête pour "recherche des causes de la mort" est ouverte confiait hier le procureur de la république Eric Maurel, présent sur place.

Enquête et perquisition en Lozère. Testament retrouvé à Nîmes

L'enquête est rapidement confiée aux hommes du commissaire Emmanuel Dumas et à la Sûreté départementale de Nîmes. L'homme sera identifié formellement deux heures plus tard. Son véhicule est retrouvé juste à côté du tribunal, au parking de l'Esplanade. Des fouilles minutieuses dans la voiture permettront de trouver un document ; une sorte de testament. D'autres enquêteurs partent dans un petit village de la haute Lozère pour effectuer une perquisition chez cet homme vivant seul et sans enfant. Un chasseur qui aurait un diplôme de droit de haut niveau.

Il semblerait que les gendarmes lozériens connaissaient cet homme qui dénonçait régulièrement des problèmes liées à une succession conflictuelle avec sa famille. Un témoin lozérien explique à notre rédaction "qu'il était dans la paranoïa depuis plusieurs années concernant un problème de succession. C'était un juriste de formation, il avait disait-il un diplôme de notaire". Si on sait maintenant qui il était, rien n'éclaire encore les motivations précises de ce désespéré et à l'heure où nous publions ces lignes, l'enquête se poursuit...

Boris De la Cruz

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