SAINT-CHRISTOL-LEZ-ALÈS Marielle Auvergne, psychanalyste : « L’être humain n’est pas fait pour rester seul, il a besoin d’interactions sociales »
Angoisse, échec affectif ou professionnel, addiction, dépression, deuil… Les raisons d’un recours à la psychanalyse ne manquent pas. Et la pandémie, qui dure depuis près d’un an, n’a évidemment rien arrangé. Installée depuis novembre dernier au sein d’un cabinet de santé près d’Alès, Marielle Auvergne aura à coup sûr fort à faire dans les mois qui viennent.
En 2015, Marielle Auvergne choisissait de donner un nouveau virage à sa vie, laissant quelque peu de côté sa fibre commerçante, pour (ré)embrasser la voie scolaire en intégrant l’institut Freudien de psychanalyse de Nîmes. Cinq ans plus tard, la jeune femme de 26 ans, qui a grandi à Saint-Maurice-de-Cazevieille, se voit attribuer le statut de "psychopraticien".
Des études « intenses », tant par la charge de travail requise que par « l’engagement émotionnel », amenant la psychanalyste à s’installer au sein d’un cabinet de santé situé à Saint-Christol-lez-Alès, comprenant notamment une naturopathe, une ostéopathe et une réflexologue plantaire. Elle y côtoie aussi Morgane Blanc, sophrologue, dont l’activité est « assez complémentaire » et génère des interactions régulières.
Si son cabinet, cosy et apaisant, ne déplace pas encore les foules car « la psychanalyse reste encore tabou », et que « certains prennent rendez-vous et finissent par annuler parce qu’ils ne se sentent pas prêts », l’activité de Marielle Auvergne ne tardera pas à décoller. « Plus de 50 % de mes patients viennent exprimer des angoisses en lien avec la pandémie », assure la jeune femme qui, à terme, souhaite se spécialiser auprès des enfants et des adolescents, en partie car « les champs d’actions sont plus larges. » Et l’argument économique pour justifier cette intention n’est pas valable puisque « les thérapies sont généralement beaucoup plus courtes qu’avec les adultes », précise-t-elle.
Pourquoi la poupée n'a-t-elle pas de masque ?
Bien qu’en apparence nous serions tentés d’espérer que les plus petits traversent sans trop d’embûches la morosité générée par cette pandémie mondiale, il n’en est rien ! « Je reçois pas mal d’enfants qui expriment des angoisses liées à la période actuelle car leurs parents projettent beaucoup leurs inquiétudes sur eux. »
Des préoccupations qui se matérialisent par « des cauchemars, une phobie scolaire ou la peur des microbes », et qui donnent lieu à des scènes aussi loufoques qu’effrayantes : « J’ai eu une petite qui en désignant une poupée, m’a demandé pourquoi elle ne portait pas de masque. Elle voulait lui en colorier un. » Le dessin, le jeu, la lecture sont autant de leviers que peut actionner le psychanalyste pour « éviter une forte angoisse », et rassurer l’enfant sur cette « drôle de période. »
Si le retour des activités sportives, scolaires et extrascolaires, leur avait fait « beaucoup de bien », Marielle Auvergne prend aussi en charge des adolescents. « Le plus souvent pour des addictions », mais ces derniers expriment, comme les nombreux célibataires, leur désarroi face à des interactions sociales de plus en plus limitées. « Depuis que les bars et les restaurants sont fermés, la séduction n’existe plus. Il y a bien les applications de rencontres qui se développent mais avec le risque d’amplifier l’addiction aux écrans », prévient la psychanalyste. Et d’ajouter : « L’être humain a besoin d’interactions sociales. Il n’est pas fait pour vivre seul. »
Mais l’essentiel de sa patientèle depuis son installation il y a un peu plus de deux mois, a souvent un lien étroit avec le milieu médical. « Surtout ceux qui travaillent avec des personnes âgées, notamment en Ehpad. » Stress, "effet d’usine", vision rapprochée de la mort, mauvais fonctionnement de service et sentiment de culpabilité accentué, sont autant de causes explicatives auxquelles il faut rajouter « un manque de reconnaissance. »
Autant de patients que de cas de figure
S’inspirant de Boris Cyrulnik, un neuropsychiatre auteur d’articles qui évoquent « l’après covid », et « la résilience » dont il faut faire preuve pour mieux rebondir, Marielle Auvergne se plaît à penser qu’à toute chose malheur est bon. « L’être humain a besoin de cadre, de savoir qu’il y a de la lumière au bout du tunnel. C’est un peu ce qui manque en ce moment. Il y a un deuil difficile à faire car plein de choses vont changer mais l’humain est plein de ressources. Il sait se réinventer. »
Alors qu’elle travaille beaucoup autour des rêves de ses patients, parce que le rêve, « même s’il n’a ni queue ni tête, a toujours une signification », la psychopraticienne s’accommode à son vis-à-vis : « Pendant la séance, tu appartiens au patient. C’est lui qui crée sa séance et je dois m’adapter. »
Quant à la durée de la thérapie qui peut parfois en rebuter certains, elle est propre à chacun : « Certains peuvent être capables de continuer leur chemin sans thérapie longue. D’autres ont besoin d’une vraie analyse. Il y a autant de patients que de cas de figure. »
Corentin Migoule