LES ANGLES Les dessins de Peshawa Mahmood, témoignages de son périple de réfugié
Le sourire est franc, le regard doux. A première vue, rien ne laisse présager ce qu’a traversé Peshawa Mahmood depuis un an.
Kurde irakien, ce professeur à l’école des beaux-arts de Souleimaniye a tout quitté il y a un an en quête d’une vie meilleure, contraint à l’exil dans son pays d’origine. Aujourd’hui âgé de 36 ans, il est domicilié au Centre d’accueil et d’orientation de Bonpas, à Avignon.
Un long périple et une arrestation
Après avoir atterri en Turquie, le trentenaire entame un long périple à pied qui le fera passer par la Bulgarie, la Serbie, puis la Hongrie. Dans ce pays au gouvernement réactionnaire et ouvertement anti-migrants, la situation se complique un peu plus, puisque Peshawa se retrouve enfermé dans un centre de rétention. Epuisant le peu de mots qu’il connaît en anglais et en français pour raconter cet épisode, il se joint les poignets, mimant des menottes, pour appuyer ses propos.
Enfermé, lui qui a l’habitude de peindre des couleurs vives à l’acrylique fait avec les moyens du bord, avec un stylo bille, des filles de papier ou des enveloppes récupérées ça et là, pour exprimer ce qu’il ressent à ce moment douloureux. Depuis sa cellule hongroise, Peshawa Mahmood couche sur le papier des dessins monochromes empreints des cultures kurdes et musulmanes, où il dénonce notamment l’oppression religieuse, le rôle et l’hypocrisie des mollahs, lui qui n’est pas pratiquant. Des dessins durs, bruts, tantôt proches du dessin de presse, tantôt plus morbides, qui constituent un témoignage d’autant plus fort de son périple et de son enfermement hongrois qu’il est systématiquement dépourvu du moindre mot.
« Je veux rester à Avignon »
Ce sont ces dessins qui sont actuellement exposés au Renc’Arts du centre culturel Tôtout’Arts, aux Angles. Après un passage au camp de Grande-Synthe, où il a donné durant deux mois des cours de dessin aux enfants, il est depuis le mois d’août au CAO de Bonpas, géré par les centres d’aide Pierre-Valdo. Il y fait la rencontre en septembre de Micheline Drouet, bénévole. Tout de suite le courant passe, et Micheline découvre « un homme qui est toujours moteur, qui participe dès qu’il le peut. » Elle lui fait visiter les musées de la cité des papes, assister à des concerts gratuits au conservatoire, et l’aide à monter cette exposition aux Angles.
Une exposition qui rencontre un grand succès depuis son vernissage il y a une semaine, qui a rassemblé 200 personnes et lui a valu rien de moins qu’un passage à la télévision kurde (un autre était au programme en fin de semaine), et dont une bonne partie des oeuvres sont d’ores et déjà vendues. En attendant le traitement administratif de sa demande d’asile, qui va prendre encore quelques mois, « le but est de lui fixer des objectifs », explique Micheline Drouet, Peshawa n’ayant pour l’heure pas le droit de travailler. Le premier d’entre eux après l’exposition sera de prendre des cours de français pour préparer la vie d’après.
Une vie que Peshawa Mahmood voit ici : « je veux rester à Avignon, mes contacts sont ici désormais, et je veux travailler pour un centre culturel, avec des enfants », dit-il dans un sourire, alternant l’anglais et le français, avant de lancer un « beautiful city » en montrant une photo d’Avignon qu’il a prise avec son téléphone.
L’exposition des dessins de Peshawa Mahmood est visible jusqu’au 20 janvier au Renc’Arts, aux Angles. Plus d’informations ici.
Thierry ALLARD