FAIT DU JOUR La filière du nucléaire se prépare à des recrutements massifs
Le destin de la filière nucléaire française a basculé le 10 février 2022 à Belfort, lorsque le président de la République Emmanuel Macron annonçait « la renaissance du nucléaire français », qui passe par la construction de six réacteurs EPR2 à horizon 2035 et des études pour 8 réacteurs additionnels du même type.
L’atome est donc revenu dans le coup, onze ans après Fukushima qui marquait un sérieux coup d’arrêt pour la filière. Or, pour construire ces nouveaux réacteurs tout en prolongeant la vie des centrales actuelles, il faut des bras et des têtes bien faites. C’est là que ça se complique. « Le sujet des compétences est majeur, c’est même le principal, explique le délégué permanent du Comité stratégique de la filière nucléaire Hervé Maillart, jeudi chez Orano Tricastin. On ne peut pas utiliser les compétences actuelles pour construire les nouveaux réacteurs, car elles sont sur l’exploitation. Donc nous devons trouver un nouveau vivier de 300 000 personnes à horizon 2030 dans la filière. » Et ce alors que la filière du nucléaire représente actuellement environ 220 000 personnes, ce qui en fait la troisième de France.
En tout, le nucléaire doit donc recruter, en comptant aussi les départs en retraite, de 10 à 15 000 personnes par an. « Un défi », selon les termes d’Hervé Maillart. C’est peu de le dire, alors que l’industrie peine à se montrer attractive et a fait office de précurseure en matière de pénuries de recrutement. Sans compter qu’on na pas construit de centrale nucléaire en France depuis 20 ans, ce qui s’est vu sur les déboires de l’EPR de Flamanville. L’enjeu est donc aussi, note Hervé Maillart, « de ne pas laisser ce creux de compétences rencontré sur Flamanville. » C’est donc dans ce contexte que s’inscrit la première Semaine nationale des métiers du nucléaire, organisée par Pôle emploi, l’Université des métiers du nucléaire et leurs partenaires, lancée ce jeudi sur le site Orano Tricastin, et qui se déroulera du 6 au 10 mars avec une tripotée d’événements visant à faire découvrir et à valoriser la filière et les perspectives qu’elle offre.
« Nos besoins sont considérables », reprend Hélène Badia, la présidente de l’Université des métiers du nucléaire, créée en 2021 pour aider à structurer, rendre lisible et adapter l’écosystème des formations du secteur. Car c’est la clé pour parvenir à fournir à la filière les salariés dont elle a besoin. « Nous avons besoin de tous les métiers, du CAP au bac+5 », reprend la présidente de l’Université des métiers du nucléaire, qui s’appuie, outre sur la formation initiale, sur Pôle emploi pour « élargir le sourcing » avec des personnes en reconversion ou sans emploi. En visant notamment les femmes, encore trop peu représentées dans le nucléaire, avec 24 %. D’ailleurs, la date de cette première Semaine des métiers du nucléaire ne doit rien au hasard, puisqu’elle comprend le 8 mars, journée internationale des droits des femmes.
200 événements dans toute la France
Pour y parvenir, « il y a un point essentiel : l’attractivité, souligne le directeur général de Pôle emploi Jean Bassères. Il faut réhabiliter l’industrie, valoriser ses métiers, donner envie de s’intéresser au nucléaire. » Alors le but de cette première Semaine des métiers du nucléaire est de « mettre un coup de projecteur sur la filière », résume le directeur régional Pôle emploi Auvergne-Rhône-Alpes Frédéric Toubeau, avec 200 événements répartis dans plusieurs régions, dont quelques événements virtuels « pour toucher un maximum de demandeurs d’emploi toute la France », rajoute-t-il.
Localement, citons une présence du Salon TAF d’Alès ce jeudi, une visite du site Orano Melox le 8 mars ou encore le Forum sud-nucléaire inter-région Auvergne-Rhône-Alpes, PACA et Occitanie, qui se tiendra le 9 mars de 9 heures à 13 heures à la salle la Cigalière de Bollène (Vaucluse). Et localement toujours, les postes à pourvoir ne manquent pas : « sur le secteur sud-est, nous allons recruter 800 personnes, 550 en CDI et CDD et 250 alternants et stagiaires », note pour Orano le directeur du site de Tricastin François Lurin. Et rien que pour le site d’Orano Tricastin, le plus grand site nucléaire d’Europe avec 650 hectares où on enrichit l’uranium permettant d’alimenter 90 millions de foyers en France et dans le monde, on compte pas moins de « 5 milliards d’euros d’investissements depuis 20 ans, et nous allons continuer au rythme de 100 millions d’euros par an », rajoute le directeur.
Pour recruter et pallier le vieillissement de sa pyramide des âges, le site Orano Tricastin a lancé en 2021 une école des métiers sur la chimie et l’enrichissement, pour former sans subir les contraintes du site nucléaire en fonctionnement. Désormais, « nous avons 24 chantiers écoles identifiés, et une dizaine en exploitation », note Geneviève Kerboul, pilote de l’école des métiers d’Orano Tricastin. On y retrouve notamment un atelier sur les pratiques de fiabilisation des interventions, afin de prendre les bons réflexes, un autre sur la stratégie de gestion des déchets faiblement radioactifs ou encore un autre, cette fois-ci en zone nucléaire, sur le changement d’un gant de boîte à gants.
De quoi contribuer à recruter pour assurer le fonctionnement du site, même si ce ne sera certainement pas suffisant. Alors, affirme Frédéric Toubeau : « il s’agit de la première Semaine nationale des métiers du nucléaire, mais pas de la dernière. »
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