FAIT DU SOIR À l’orée de gros chantiers, la centrale EDF Tricastin veut acheter plus gardois

Chez EDF, le programme Grand carénage, qui vise à prolonger la durée de vie des centrales nucléaires, se poursuit, avec en vue à Tricastin les cinquièmes visites décennales des quatre réacteurs de la centrale. Le projet, prévu pour la période 2029-2034, a été présenté ce mardi à Bagnols, alors que la centrale nucléaire a pour but de davantage acheter dans le Gard.
Dans le nucléaire, les projets se chiffrent très souvent en centaines de millions, voire en milliards. Les cinquièmes visites décennales, dont Tricastin sera tête de série, comprendre qu’il s’agira de la première centrale nucléaire de France à les accueillir, ne sont pas encore chiffrées, mais il n’y a pas de raison qu’elles soient moins onéreuses que les quatrièmes, qui présentaient un joli 1,6 milliard d’euros.
Un gros gâteau donc, pour des visites que l’exploitant doit, comme leur nom l’indique, tenir tous les dix ans, pour obtenir l’autorisation de poursuivre l’exploitation de la centrale pour dix ans supplémentaires. La centrale de Tricastin, quadragénaire, a été prévue, comme ses semblables, « pour une durée de fonctionnement de 40 ans, les prolonger demande de plus en plus de travaux », pose Marjorie Guillot, cheffe de projet des 5e visites décennales pour les centrales de 900 MW chez EDF.
« Il y a du potentiel dans le Gard »
Pour cette vague, l’enjeu choisi par EDF, et validé par l’Autorité de sûreté nucléaire, tourne autour de l’adaptation des installations au changement climatique, « à la fois pour la sûreté, être capables de faire fonctionner un réacteur en toute sûreté en cas de canicule à 50°C, et pour la baisse des nuisances sur l’environnement, la réduction de la consommation d’eaux industrielles », détaille-t-elle. Ce qui va nécessiter « des modifications d’ampleur » des centrales, car le but est in fine de prolonger leur exploitation bien plus que pour dix ans. « Le but est de poursuivre l’exploitation jusqu’à 60 ans, et au-delà, 80 ans, comme ça se pratique aux États-Unis », avance Marjorie Guillot.
Le directeur de la centrale EDF du Tricastin, Cédrick Hausseguy, le dira aux élus, chambres consulaires et chefs d’entreprises présents ce mardi : « La possibilité d’exploiter les centrales jusqu’à 80 ans n’est plus taboue. » Ce qui amènerait Tricastin jusqu’à 2065, de quoi voir venir. L’autre bonne nouvelle pour l’écosystème du Gard rhodanien est que Tricastin veut encore plus travailler avec lui. « Notre zone couvre quatre départements (Drôme, Ardèche, Vaucluse et Gard, NDLR) et le Gard représente 5 % de nos achats, soit environ 200 millions d’euros par an, pose Cédrick Hausseguy. Il y a du potentiel dans le Gard, des entreprises qui innovent, l’objectif n’est pas de mettre en concurrence les départements, mais de rééquilibrer. »
Alors l’idée est de « favoriser les investissements dans le Gard, car il y a la matière », rajoute-t-il, surtout en vue des « VD5 ». « Nous réalisons 40 % de nos achats dans notre territoire de quatre départements, poursuit le directeur de la centrale EDF. Nous avons pour objectif d’augmenter ce volume d’achat et, à l’intérieur, le pourcentage du Gard pour rééquilibrer autant que possible. » Le Vaucluse, qui est lui aussi à 5 %, doit suivre la même trajectoire, tout en maintenant le volume acheté dans la Drôme et l’Ardèche.
« Monter des synergies »
Un enjeu d’ancrage territorial pour EDF, alors que le nucléaire a le vent en poupe et plusieurs fers aux feux, à Marcoule comme à Tricastin. La centrale nucléaire est déjà partenaire de la CleanTech Vallée et des lycées bagnolais, et a besoin de son territoire élargi pour mener à bien ses projets. Surtout sur un territoire déjà acquis au nucléaire : « Ici, sur l’EPR2 (la possibilité de voir une paire de réacteurs EPR2 implantée à Tricastin, NDLR) vous aviez l’unanimité politique », rappelle le président de l’agglomération du Gard rhodanien, Jean-Christian Rey. Alors « aujourd’hui, ce qui est important, c’est monter des synergies », poursuit-il.
Car si le nucléaire a de l’avenir, il représente déjà aujourd’hui « 5 000 emplois directs dans le Gard », rappelle le secrétaire général de la préfecture du Gard Yann Gérard, qui souligne que le Gard est « directement concerné » par la politique du nouveau nucléaire décidée par l’exécutif, tout en soulignant « l’écosystème » de la filière dans le département.
Un écosystème qui, s’il est sensible aux annonces de grands projets, comme le démonstrateur du petit réacteur nucléaire, pressenti à Marcoule, ou la possibilité à moyen-terme de voir une paire d’EPR2 à Tricastin, l’est aussi à ceux qui concernent l’existant, un tien valant mieux que deux tu l’auras. « Il est important qu’il y ait des projets de maintenance, de rénovation et d’entretien de l’existant, qui sont vitaux pour nous et alimentent notamment nos PME et ETI (entreprises de taille intermédiaire, NDLR) », souligne Julien Feja, PDG de D&S Groupe et président de Leader Occitanie. « Ce qui m’intéresse, c’est l’irrigation vers les entreprises, l’emploi local », en dit pour sa part le président de la CCI Gard, Éric Giraudier.
Avec un horizon, 2065. « C’est loin, quand on parle de formation, de carrières potentielles, ça permet de se projeter », salue Julien Feja. Et d’ici là, le site espère une bonne nouvelle sur la paire d’EPR2 « fin 2026 », glisse Cédrick Hausseguy, qui poursuit : « Si on se projette, on peut avoir une superposition de l’exploitation de l’EPR2 et des quatre réacteurs de Tricastin, nous avons vraiment un avenir tous ensemble. »