Publié il y a 1 an - Mise à jour le 15.02.2023 - Corentin Migoule - 3 min  - vu 3561 fois

FAIT DU SOIR Étranglé par les charges, le boulanger de Saint-Julien-de-Cassagnas baisse définitivement le rideau

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Le Fournil de Saint-Julien a définitivement baissé le rideau. Aucun projet de reprise n'a pour l'instant émergé. (photo Corentin Migoule)

Ce dimanche 12 février, la mort dans l'âme mais avec un certain soulagement, Julien Malovry a éteint les fours et les pétrins de sa boulangerie pour la dernière fois. Un petit drame à Saint-Julien-de-Cassagnas, commune de 700 âmes située près d'Allègre-les-Fumades. 

"Nous sommes au regret de vous informer, qu'après tous ces mois de galère, l'aventure s'arrête ici pour nous." Avec cette phrase pour le moins équivoque publiée le mardi 8 février dernier sur la page Facebook de son commerce, Julien Malovry, boulanger du Fournil de Saint-Julien, a annoncé une triste nouvelle. Quelques jours plus tard, au terme d'une ultime opération de déstockage, le dernier nommé baissait pour la toute dernière fois le rideau de sa boulangerie ce dimanche 12 février.

"Cette décision nous bouleverse, mais malheureusement, à la vue de la conjoncture actuelle, il nous est impossible pour nous de continuer ce chemin qui nous mène droit dans le mur", a écrit dans ce même communiqué l'artisan. Un post partagé plus de 1 500 fois et ayant généré 450 commentaires aussi tristes qu'élogieux. Car Mathilde et Julien, jeune couple qui avait repris l'unique boulangerie du village début 2019, étaient très appréciés à Saint-Julien-de-Cassagnas, petit village de 700 âmes draîné par l'Auzon. 

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Le Fournil de Saint-Julien a définitivement baissé le rideau. Aucun projet de reprise n'a pour l'instant émergé. (photo Corentin Migoule)

Au cœur de cette impressionnante vague de soutien qui a déferlé sur les réseaux sociaux, plusieurs messages émanent de professionnels du secteur. À l'image de la boulangerie Mamie M, qui parle d'un écrit "parlant et poignant", et évoque elle aussi "une conjoncture peu tenable". La Grange de Nathalie, "très triste", ne dit guère autre chose en déplorant "une conjoncture plus que difficile", tandis que la boulangerie Martel, après avoir exprimé ses encouragements, confie "faire face comme on peut". Autant de commentaires qui, s'ils sont à n'en pas douter sincères, traduisent une certaine inquiétude.

"Perdre son boulanger dans notre petit village est une grande tristesse", s'émeut Eliane, habitante de Saint-Julien-de-Cassagnas et cliente régulière, laquelle, malgré son "grand âge", n'a "jamais connu une chute aussi vertigineuse de nos petits commerces". Celle du Fournil de Saint-Julien est multifactorielle. "Comme vous le savez tous , les prix de l'énergie, des matières premières et de tout le reste n'a fait qu'exploser", expose en premier lieu le boulanger Saint-Juliennois, citant quelques exemples, "électricité + 395 %, beurre +140 %, farine +40 %"

Face à ces hausses, l'étalement des charges qui lui a été proposé début janvier par le Gouvernement équivalait à ses yeux à "mourir à petit feu". Julien Malovry s'était alors résolu à augmenter le prix de sa baguette à hauteur de 10 %, et le prix moyen de sa gamme de viennoiseries entre 10 et 15 %. Malgré ces augmentations, le boulanger était toujours "très loin du compte", d'autant que le client, lui aussi en proie à des "problèmes financiers", se serait tourné "vers un produit moins cher", autrement dit délaisserait - si ce n'était pas déjà fait - l'artisanat au profit de produits issus des grandes surfaces.

Un nouveau dépôt de pain à l'épicerie

"Un covid avec des confinements à Pâques, des repas à 6 maximum à table pour Noël sur les conseils de notre Gouvernement, le tout sans aucune aide, des grandes surfaces qui mettent les galettes en rayon a 4,99 € à la fin du mois de novembre, ou les chocolats de Pâques dès le mois de janvier, comment rivaliser...", écrivait également dans ce même post le boulanger, en forme de question rhétorique. 

Aussi, s'il n'ignorait pas les contraintes inhérentes à ce métier "de passion", Julien Malovry raconte son train de vie infernal depuis la pandémie, ponctué de "180 jours consécutifs sans jour de repos", "65 heures de travail par semaine quand tout va bien, entre 85 et 105 heures en période de fêtes", "6 mois sans se verser de salaire""0 petit-déjeuner en famille", "0 soirée entre amis" mais des "nuits blanches" à ne plus les compter. Las, l'artisan a donc dit stop ce dimanche 12 février, s'accordant quelques jours de break bien mérité en attendant de penser à l'après. 

Depuis ce mardi 14 février, l'épicerie attenante "le Panier frais cévenol" propose un dépôt de pain et des viennoiseries provenant du fournisseur Alès Pain. Rudy, jeune boucher de formation, en est le gérant depuis deux mois. "Les clients ont exprimé ce besoin. Beaucoup de personnes âgées n'ont pas de voiture et ne peuvent pas aller chercher leur pain à la boulangerie des Mages", justifie-t-il. Quant à savoir si le malheur des autres fera son bonheur, "c'est à double tranchant", résume Rudy. Et de conclure : "Soit ça me ramène du monde car je fais dépôt de pain, soit il y aura moins de passages et ça peut m'impacter négativement."

La réaction de Pascal Milesi, maire de Saint-Julien-de-Cassagnas :

"On va tout faire pour trouver un projet de reprise. Je suis en recherche active d'un nouveau boulanger. Si on pouvait installer un jeune ça serait bien. C'est la mairie qui a créé cette boulangerie en 2004 en mettant à disposition ce local communal. À l'époque, il n'y avait plus de boulangerie dans le village depuis plus de 10 ans. Julien était apprécié, c'était un bon boulanger. C'est dommage ! On l'a aidé au moment du Covid en l'exonérant de deux mois de loyer. Malheureusement ça n'a pas suffi !"

Corentin Migoule

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