LES-SALLES-DU-GARDON Chez Audrey et Nicolas, les cochons goûtent à la dolce vita
Comme chaque année, la Confédération paysanne du Gard fait sa rentrée en investissant une ferme gardoise le temps d'une matinée. Le Mas del Fray depuis lequel Audrey Burban et Nicolas Villain s'adonnent à l'élevage de porcs fermiers et de poules pondeuses était l'heureux élu de l'édition 2021.
Niché sur les hauteurs des Salles-du-Gardon, au beau milieu des chênes et des châtaigniers des Cévennes, le Mas del Fray offre à ses occupants un panorama à couper le souffle. Mais Audrey Burban et Nicolas Villain, qui l'ont investi en 2017, ne sont pas venus y faire du tourisme. Après des années passées dans le secteur de la grande distribution, le couple, installé dans une bourgade de l'arrière pays niçois, débarquait en Cévennes avec la ferme intention de donner un nouveau sens à sa vie professionnelle.
Ecœurés par la maltraitance animale, lassés de la "malbouffe", les deux quadras se sont lancés à corps perdus dans l'élevage de porcs fermiers après la réception d'une dizaine de cochons en février 2018. "La commercialisation a été entamée en février 2019. Mais en réalité on commence tout juste, car on a mis près de trois ans à se former au métier", explique Nicolas Villain à la dizaine de curieux ayant répondu favorablement à l'invitation de la Confédération paysanne du Gard.
Grâce au labeur de ses deux truies reproductrices, qu'il cajole autant que son mâle reproducteur d'environ 250 kilos, le couple produit "un à deux porcelets par semaine". Clôtures résistantes aux assauts des sangliers voisins, abris en cas d'intempéries, abreuvoirs automatiques et points d'eau pour les chaudes journées d'été, un total de 5 hectares est à la disposition des troupeaux.
L'abattoir, une étape cruelle mais essentielle
Plus que sur la quantité, même s'ils entendent se développer raisonnablement, les éleveurs misent sur la qualité de leur viande labellisée "Baron des Cévennes", une appellation haut de gamme. "Certains de nos clients les plus âgés nous disent retrouver le goût du cochon familial qu'ils mangeaient quand ils étaient petits", apprécie Nicolas Villain. S'il s'en félicite, ce dernier a aussi une explication : "On amène nos cochons à l'abattoir au bout de 10 à 12 mois après qu'ils aient eu une belle vie. Ceux qu’on trouve en majorité en grande surface l’ont été au bout de 6 mois d'existence et n’ont jamais connu la terre."
L'abattoir, "un crève-cœur" pour Audrey Burban : "Ce n'est jamais très joyeux de faire monter les animaux dans la bétaillère. Ils savent toujours où on les amène", glisse-t-elle. Et d'ajouter : "On accompagne la vie, mais on accompagne aussi la mort… Notre boulot a pris une toute autre dimension." Pourtant, l'abattoir d'Alès, dont la survie encore incertaine ne tient que par une volonté politique forte de la mairie alésienne en attente de subventions de l'État et la Région, est un outil indispensable pour le couple d'éleveurs. "La réussite de la reprise de l’abattoir nous est essentielle", prévient la Salloise. "Sa disparition remettrait complètement en cause le projet alimentaire de territoire", prédit quant à lui Patrick Malavieille qui, en maire voisin de La Grand-Combe, en conseiller départemental du canton aussi, était de la partie ce mercredi.
Histoire de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, le couple d'éleveurs s'est également doté de poules pondeuses. Hélas, le renard peut s'avérer féroce et le cheptel en a pris un sacré coup. "Nous en avions une cinquantaine, il n'en reste plus que dix. Économiquement ce n'est pas viable mais c'est un bon moyen de proposer autre chose à nos clients sur les étals", se satisfait Audrey Burban.
Si une partie de ses ventes s'effectue en direct de la ferme, le tandem de choc se rend chaque samedi sur le marché de La Grand-Combe et trois fois par semaine sur celui des halles de l'Abbaye d'Alès. "Depuis la pandémie, la population est de plus en plus demandeuse de la sincérité des produits paysans", analyse le duo. Pour que les présentations familiales soient totales, les hôtes du jour ne pouvaient pas taire la présence au Mas del Fray de deux chèvres, bien qu'elles ne soient là "que pour le décorum" car "elles ne font que des bêtises", les coquines !
Corentin Migoule