ÉDITORIAL Le professeur Samuel Paty encore dans tous les esprits ?
L'actualité de ces derniers jours résonne une nouvelle fois avec l'horrible assassinat de l'enseignant Samuel Paty survenu le 16 octobre 2020. Deux ans et demi et toutes les questions autour des conditions de cette attaque et la protection de la laïcité française n'ont pas trouvé les réponses.
Décapité pour avoir montré lors de ses cours les caricatures de Mahomet publiées par Charlie Hebdo, le professeur Samuel Paty a payé durement le prix de l'apprentissage à ses élèves de la liberté d'expression. Cet acte terroriste qui aurait dû permettre une prise de conscience collective laisse des traces encore aujourd'hui. D'abord, avec la réorientation du Conseil des sages de la laïcité et des valeurs de la République (CSLVR) voulue par l'actuel ministre de l'Éducation nationale. Créée en 2018 et officialisée en 2021, cette instance avait surtout pour objectif de remplacer l’Observatoire de la laïcité, accusé d’une supposée tolérance à l’égard de l’islam radical. Le choix d'étendre ses missions à la lutte contre les discriminations fait bondir, notamment la sœur de Samuel Paty qui dans une tribune intitulée « N’assassinons pas la laïcité ! » interpelle Pap Ndiaye. Au même moment, la polémique enfle aussi sur le fonds Marianne, créé après l'assassinat de Samuel Paty et dont l'utilisation pose question. Plusieurs enquêtes journalistiques ont révélé des éléments troublants concernant le fléchage des subventions, prévues au départ pour la lutte contre le séparatisme. L'avocate de la famille du professeur Paty a réclamé l'ouverture d'enquêtes, judiciaire et parlementaire, pour faire toute la lumière sur la destination des fonds. Vous en voulez encore ? L'enquête réalisée pendant un an par le journaliste Stéphane Simon, avant d’écrire son livre, Les Derniers Jours de Samuel Paty, est édifiante. Selon lui, l’enseignant a été laissé seul face à son bourreau par l’administration de l’Éducation nationale, les services de renseignements, mais aussi ses collègues. Enfin, un peu de réjouissance dans ce monde de fou. Plus localement, c'est la justice qui a donné raison à la Région Occitanie après la projection des caricatures de Charlie Hebdo sur les Hôtels de Région en 2020 en hommage au professeur assassiné. Attaquée par l’association de Coordination contre le racisme et l’islamophobie (CRI) et par l’avocat au barreau du Koweït, M. Muttawa, dans sa décision, le tribunal administratif a conclu que la diffusion de ces caricatures ne porte pas atteinte à la liberté de conscience et à la liberté de culte, ne comporte aucune stigmatisation d’une conviction idéologique ou religieuse, mais visait à affirmer les principes de laïcité, de liberté d’expression et de liberté de conscience. Carole Delga, la présidente de la Région Occitanie, soulagée de la décision, a rappelé à qui veut bien l'entendre que "la loi protège la foi aussi longtemps que la foi ne dit pas la loi. Nous avons un devoir de poursuivre inlassablement la mission d’éveil de la conscience et de l’esprit critique des nouvelles générations. C’est le plus bel hommage que nous puissions continuer à rendre au professeur Samuel Paty". Pas mieux.